Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

L’individu et la société : qu’apprenons-nous du passé ?

Respectable Loge, La Parfaite Union, Orient de Rennes, Région 9 Ouest

Mots Clefs : AdaptationCalamité naturelleChâtiment divin

Épidémies et pandémies dans l’histoire de l’humanité

Comment penser l’avenir sans connaître et comprendre le passé ?

De tous temps les épidémies ont été un choc pour les sociétés, ébranlant leurs structures matérielles et culturelles. C’est notamment vrai des pandémies, ces « épidémies qui atteignent un très grand nombre de personnes dans une zone géographique très étendue » (Petit Robert) : celles-ci sont de longues dates assimilées par les communautés humaines à l’un des pires fléaux qui puissent les frapper, accompagné de son cortège de calamités : dépopulation, recul de la production et des échanges, anémie des villes, villages désertés, fuite éperdue…

Pourtant, le regard sur les pandémies a changé : au châtiment de la Providence divine que rappelle le terme très large de « pestilence », utilisé au Moyen Âge ou à l’époque moderne aussi bien pour la peste que pour la variole ou le typhus, a succédé l’idée de calamité naturelle, dont la propagation peut être enrayée par des mesures volontaristes (ex : corridor sanitaire). Puis vient l’ère pastorienne, qui fait miroiter l’espoir d’une éradication méthodique complète des épidémies, jusqu’à ce que les pandémies les plus récentes (SIDA, Covid-19) remettent ces espoirs en cause. L’histoire des épidémies en dit donc long sur les fragilités et les limites des sociétés concernées.

Quelques exemples célèbres d’épidémies

Le premier récit historique d’une épidémie est l’œuvre de l’Athénien Thucydide dans son Histoire de la guerre de Péloponnèse. De 430 à 426 avant J.-C. une épidémie touche par vague toute la Grèce antique et en particulier Athènes. Elle tue un quart de la population athénienne qui compte 200 000 habitants.

Comme toutes les épidémies, elle se propage du fait de la densité de la population et de l’urbanisation. La guerre entre Athènes et Sparte et le commerce augmentent les contacts et la promiscuité. L’épidémie commence en Ethiopie, gagne l’Egypte et la Libye, et entre en Grèce par le port du Pirée.

Thucydide décrit méthodiquement les symptômes, cherche des causes rationnelles et écarte tout ce qui procède du mythe ou de la croyance en une punition divine. Il est le premier à découvrir la notion de contagion et d’immunité puisqu’il note que ceux qui en réchappent ne sont pas atteints une seconde fois de façon mortelle. Cette première observation d’une épidémie interroge encore les médecins d’aujourd’hui sur la nature réelle du mal qui a frappé Athènes.

Par la suite, la peste de Justinien, décrite par l’historien Byzantin Procope vers 542 après J.-C., est la première pandémie de peste connue. L’auteur écrit que cette maladie « débutait toujours par les côtes maritimes et s’avançait de là, progressivement, vers l’intérieur des terres ». Elle frappe l’Occident et le Moyen-Orient à plusieurs reprises du VIe au VIIIe siècle. Pour la première fois avec elle apparaît dans un texte le terme de « bubon inguinal ». A cette forme bubonique s’ajoute une forme pulmonaire qui est très contagieuse et mortelle.

Les aspects d’une grande pandémie : l’exemple de la Peste Noire de 1348 et de ses récurrences

C’est cependant avec le grand épisode dit de la Peste Noire de 1348 que les aspects multiples d’une pandémie exceptionnelle apparaissent le mieux. Cette épidémie du milieu du XIVe siècle, née sur les hauts plateaux d’Asie centrale, ébranle en effet l’Occident en se propageant inexorablement d’est en ouest par les voies traditionnelles du grand commerce : Sicile, Italie (1347), vallée du Rhône, Bassin Parisien, sud de l’Angleterre et Allemagne (1348), Scandinavie, Ecosse (1349) …très rares sont les régions qui en réchappent (Béarn, Bohême).

Les témoignages des chroniqueurs sont assez précis sur les ravages de la peste bubonique, parfois appelée « la bosse », survenant l’été et laissant un espoir de guérison dans 20 à 40% des cas. La peste pulmonaire, plus foudroyante encore et mortelle dans 100% des cas, est aussi bien attestée pour les mois d’hiver. C’est la conjonction des deux qui explique l’appréciation du chroniqueur Jean Froissart : « La tierce partie du monde mourut. », appréciation qu’il faut toutefois nuancer en termes de classes d’âge (le fléau frappe plus les jeunes que les vieux) et de condition sociale (elle a davantage épargné les notables).

La Peste Noire répand d’autant plus la terreur que l’origine du mal, le bacille de Yersin transmis par les morsures de la puce du rat ou par voie directe, n’a été découverte qu’à la fin du XIXe siècle. Avant cela, les hommes se battent contre un « ennemi invisible » dont ils rendent responsable la corruption de l’air, elle-même provoquée par une mauvaise conjonction de planètes. Le bon sens populaire a aussi tôt fait de réaliser l’importance de la contagion. Dans ces conditions, la violence de la maladie et l’ignorance de ses causes réelles provoquent un certain nombre de réactions caractéristiques : la fuite préventive qui, largement conseillée dans les traités savants, contribue à la propagation du fléau ; le repli sur soi, qui amène à l’abandon des malades par leurs proches ou même parfois par les religieux ; l’agressivité, qui se traduit par la recherche de boucs émissaires tout désignés : Juifs, marginaux, prostituées ; et le recours au spirituel, voire à l’irrationnel, qui pousse à multiplier prières, processions et pénitences, selon l’idée très répandue qu’il faut apaiser le châtiment de la colère de Dieu. Des conséquences économiques et sociales dramatiques en termes de production, de migrations, de flambée des prix, d’échanges et de marché du travail viennent s’ajouter à ces angoisses collectives pour disloquer les sociétés. On entre là dans le domaine des conséquences à long terme de l’épidémie, génération après génération, conséquences renforcées par les récurrences de peste tout au long des XIVe et XVe siècles.

Bilan des pandémies

Encore aujourd’hui les pandémies ne préviennent pas et entraînent de graves phénomènes de déstabilisation économique et sociale. Selon E. Macron, avec le Covid-19, l’État français doit faire face à la « plus grave crise sanitaire depuis un siècle », c’est-à-dire depuis la grippe espagnole qui a suivi la fin de la Première Guerre mondiale. Paradoxalement, avec ces crises sanitaires, on assiste dans nos sociétés de plus en plus libérales au retour de « l’État-providence » pour relancer l’économie et soutenir les entreprises et les citoyens.

Après la Chine, les pays européens, dont la France, sont à l’arrêt, et c’est le monde entier qui s’immobilise, s’enlise. Les bourses s’effondrent alors qu’une partie de la population se retrouve coincée entre quatre murs, confinée chez elle, en télétravail ou au chômage partiel. La mondialisation excessive montre ses faiblesses et ses effets négatifs sur les politiques de santé. Les États vont dépenser des milliards alors qu’ils sont déjà dans un endettement très fort. Dans ces moments difficiles, l’idée même de remboursement de la dette publique fait débat. Le coronavirus tend vers un basculement culturel qui n’avait pas eu lieu suite à la crise de 2008.

Il faut alors chercher à protéger, à envisager l’après confinement pour limiter la propagation du virus : procéder à des recherches médicales, trouver des capacités d’adaptation à toutes les situations et changer les habitudes. L’UE et les États membres prennent des mesures décisives et collégiales pour atténuer l’impact socio-économique de la pandémie et soutenir l’emploi. L’UE mobilise tous les moyens dont elle dispose pour aider ses États membres à coordonner leurs actions.

Mais en même temps que l’UE et ses partenaires ont organisé une conférence internationale d’appel pour mettre au point et déployer des outils de diagnostic, des traitements et un vaccin efficace, elle doit intensifier ses efforts pour lutter contre la désinformation. Dans un monde de plus en plus gagné par les fakes news et les thèses complotistes, il est important de pouvoir accéder à des sources sûres pour obtenir des informations fiables sur le COVID-19.

Trouver des capacités d’adaptation, changer les habitudes

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