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Mariane
Livre blanc

La morale doit-elle être indépendante de toute religion ou conception métaphysique ?

Respectable Loge, Union et France, Orient de Paris, Région 14 Paris 4 et Loges d'Europe de l'Est

Mots Clefs : 1905HumanismeKantMoraleReligion

La religion et la morale aujourd’hui en France

La morale régit les bonnes pratiques du vivre ensemble, elle vise la paix. La société française a hérité, en grande partie, d’une version laïcisée de la morale judéo-chrétienne. Mais les religions sont porteuses de nombreuses obligations dogmatiques, parfois contraires à la morale républicaine ou même parfois criminelles.

La loi de 1905 sur la laïcité a transféré à l’État une bonne partie du pouvoir légal qui avait été détenu par la Religion. La morale républicaine s’est bâtie sur les principes de raison et de respect de la dignité des citoyens. Certains considèrent que la religion continue de bénéficier d’un pouvoir moral, qui reste une voie alternative. D’autres regrettent que des religieux, plus ou moins extrémistes, continuent d’exercer une influence sur les valeurs morales reconnues par certains citoyens ou résidents. Des pratiques interdites par la loi, peuvent être exercées, au nom de religions ou de traditions présentées (parfois à tort) comme religieuses. L’assassinat d’un professeur vient nous rappeler la nature criminelle de certaines prédications. Et, même si elle n’attente pas (toujours) à la vie des victimes, l’excision, une pratique abominable, serait encore pratiquée en France.

Le christianisme primitif, dans ses textes fondateurs, était pauvre en lois explicites (même si la religion catholique et les protestantismes se sont ensuite rattrapés dans les textes de leurs maîtres à penser, en imposant aux croyants un sentiment de culpabilité). L’Islam ou le Judaïsme sont des religions dont les textes fondateurs sacralisent, en plus de préceptes religieux, un ensemble de lois.

Certains considèrent que, à l’échelle de l’humanité, la religion semble avoir permis de structurer la morale, et donc la société, autour d’un outil métaphysique fédérateur. La crise existentielle que traverse l’humanité met en opposition les États dont la loi est liée à la religion à ceux qui s’en sont séparés. D’autres considèrent que l’apport moral des religions est très ambigu, et qu’elles ont pu aussi susciter de terribles guerres et des persécutions sanglantes.

Aujourd’hui, près de 70% des français ne se réclamerait d’aucune religion. En France, la prééminence de l’État a renvoyé les Églises au second plan. La loi établie démocratiquement par l’État devrait alors devenir commune et définir les devoirs et les droits de chacun.

État républicain ou État religieux

La différence essentielle entre les morales d’un État laïc et d’un État religieux (c’est-à-dire un État où la religion contribue au gouvernement du pays) est la place qu’occupe la raison dans la constitution de cette morale. L’humanité subit aujourd’hui au travers de la mondialisation une crise existentielle. La Morale doit-elle être religieuse, ou raisonnable ?

La pensée de Kant, et notamment la notion d’impératif catégorique, a été probablement déterminante dans la constitution d’une morale républicaine, non nécessairement religieuse. En effet, selon Kant, l’acte moral est celui qui se présente à nous comme absolument bon, et réalisé sans autre motivation que son absolue bonté. Il est à lui-même sa propre fin : « Tu dois parce que tu dois. » De ce fait, la loi morale est d’emblée nécessaire, inconditionnelle et universelle. Une telle loi qui n’a rien d’empirique puisqu’elle est fondée sur la raison. La loi morale est celle dont le principe est universalisable. D’où la première formulation de l’impératif catégorique : « Agis toujours d’après une maxime telle que tu puisses vouloir en même temps qu’elle devienne une loi universelle. ». L’amour de l’Humanité est alors porté par la Raison, qui fonde la Morale !

Les religions ne se fondent pas sur les mêmes principes, même la pensée de Kant n’est pas incompatible avec une religion (Kant n’était pas athée).

Depuis la nuit des temps, l’Homme a démontré sa capacité à exploiter les symboles pour rassembler des valeurs qui sont les fondements des sociétés humaines, et le séparent du monde animal. Ces valeurs sont portées par des intermédiaires symboliques tels que la Religion ou la République, qui dans leur rôle d’intermédiaire viennent donner corps à des valeurs en mouvement au travers d’une Morale, elle-même en mouvement, prescrivant le comportement qu’il est communément demandé et, ou, admis d’adopter pour les situations qui caractérisent le vivre ensemble.

La morale républicaine fondée sur la raison, et visant la progression vers une humanité meilleure et plus éclairée, peut être effectivement indépendante de toute religion ou conception métaphysique. Bien entendu, elle permet à chaque homme de croire ou de ne pas croire, de pratiquer une religion ou de n’en pratiquer aucune. Mais sans imposer ses idées ou pratiques aux autres membres de la société. Si certains courants religieux extrémistes se trouvaient en désaccord avec cette morale humaniste, il faudrait lutter avec fermeté contre ces courants religieux.

La loi de 1905 était conçue principalement comme une séparation de l’État avec l’église catholique. Or l’église catholique est une institution très hiérarchisée, avec un responsable suprême, le Pape. La lutte contre le « cléricalisme » catholique a été très dure. Mais elle n’a pas été, en France au moins, très sanglante (en Espagne, l’église catholique a fortement soutenu les troupes franquistes et béni leurs exactions et massacres). De plus, les adversaires (les autorités catholiques) étaient identifiés et parlaient le plus souvent d’une même voix.

Aujourd’hui, ce sont certains courants de l’Islam, regroupés sous la dénomination d’« islamisme » ou d’ « islam radical » qui s’opposent de façon frontale à la morale républicaine. Or la caractéristique de l’islam est de ne pas avoir de hiérarchie unique. Déjà, on note un antagonisme qui ne se dément pas, malgré les siècles, entre Sunnisme et Chiisme. Ensuite, la plupart des imams français peuvent condamner fermement les attentats, mais d’autres, en France et surtout ailleurs, les approuvent ou les organisent. Il n’existe donc pas d’autorité identifiée capable de parler au nom des musulmans de France (et encore moins du monde).

Du point de vue de la société française et de la pérennité de ses valeurs, il serait souhaitable que tous les imams français respectent la laïcité et la liberté d’expression, fondements de la morale républicaine. Mais quand des imams sont délégués en France par des pays étrangers, il leur est bien difficile de se désolidariser de l’idéologie de ceux qui les envoient et les rétribuent. Or les imams sont des personnes qui ont des besoins matériels et doivent donc bénéficier d’un revenu. L’institution qui leur fournit ce revenu peut influencer notablement leurs positions religieuses, morales et politiques.

Il faut en effet se rappeler que les textes fondateurs de l’Islam comportent des préceptes légaux et politiques. Il est d’autant plus important d’inciter les imams français à adopter une interprétation de ces textes compatibles avec les lois de la République.

On peut envisager une société régie par une Morale comme une espèce parmi tant d’autres. Or des scientifiques ont récemment découverts que, si des espèces peuvent se diviser, elles peuvent aussi fusionner à nouveau. Dans cette perspective, pourrions-nous espérer qu’à terme, des « morales » religieuses naguère peu humanistes, se soumettent finalement à la morale républicaine et en comprennent la valeur ? Bien entendu, une telle convergence ne pourrait advenir que si la République se donnait les moyens de convaincre, et parfois de contraindre.

 

Propositions concrètes

Il faudrait accentuer la diffusion des valeurs républicaines auprès de toutes les couches de la société française, y compris les croyants des différentes religions, et rappeler fortement que dans la République française, les lois humanistes votées par le parlement prévalent sur toute loi religieuse contraire.

Il faudrait peut-être réfléchir à organiser une filière de formation et d’entretiens d’imams français, respectueux des valeurs républicaines. Mais bien entendu, une telle approche serait incompatible avec la loi de 1905.

Il faudrait se donner les moyens de promouvoir les valeurs de la République dans l’intégralité de la société, y compris les croyants de toutes les religions. Et pour cela, on pourrait ignorer les tabous qui nous empêcheraient d’être efficaces.

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