Quelles sont les vraies valeurs de la vie que nous avons mises de côté et dont cet isolement pourrait nous faire prendre conscience ?

Ce virus venu de loin réussit à bouleverser notre économie, notre vie sociale, notre vie politique, écologique, les fondations idéologiques de certaines de nos valeurs et même la perception de notre environnement avec des acuités sensorielles redécouvertes. Il y avait l’avant tourmenté, mais il risque d’y avoir l’après avec des désillusions encore plus dures à vivre.

Il semble souhaitable de reprendre chaque mot du triptyque Liberté/Egalite/Fraternité qui doit conserver une place primordiale dans cette détresse que subissent actuellement notre pays, notre démocratie, nos vies et le compléter d’autres valeurs essentielles à l’harmonie sociale.

Réflexions

Liberté

La valeur de la vie qui nous a été ôtée par cet isolement est en premier lieu la Liberté. Le confinement et le poids administratif en font sentir la cruelle dégradation à chaque instant, à chaque sortie, et le peu de liberté qu’on nous octroie est pondéré par une culpabilité citoyenne largement encouragée par les médias.

Face à l’opposition entre l’ordre (respect des consignes pour le bien de tous) et le chaos (chacun fait ce qu’il veut), ne risque-t-on pas de voir s’instaurer un système autoritaire, moins démocratique, portant atteinte aux libertés fondamentales ? Par exemple, l’informatique nous rend de grands services pour aider à vaincre la solitude -on le vit en ce moment- et la maladie, mais la mise en place d’un traçage numérique, proposé ou imposé, n’est-elle pas une remise en cause de nos libertés privées ?

Égalité

Combien de lacunes, de fissures, d’imperfections éclatent au grand jour et sont enfin reconnues par l’ensemble du pays et même par nos gouvernants.

L’inégalité se fait sentir en fonction des métiers, des infrastructures et structures territoriales (ex. le département 93), des conditions de vie dans des quartiers longtemps ignorés et systématisés, des familles confinées à plusieurs dans un appartement de surface ridicule pour y survivre, des étudiants isolés sans revenu, des gens démunis dans la rue, des habitants et des personnes âgées face à la solitude, les femmes et enfants maltraités, etc. Cela ramène à la pyramide de Maslow où certains en sont encore aujourd’hui à « vivre, simplement vivre » et à l’importance de la prise de conscience de la diversité des situations sociales.

Fraternité

La fraternité ne se mesure pas. C’est un sentiment non négociable, presque mystique et complexe. C’est peut-être dans un contexte de crise que l’on peut éprouver de la fraternité, de la reconnaissance pour les soignants et d’autres corporations, souvent ignorées, ou même pour son voisinage.

Le confinement a fait apparaître un besoin de rapprochement de gens qui se côtoyaient sans même se parler, comme les personnes qui se retrouvent chaque jour à 20 h sur leurs balcons pour applaudir le personnel médical et se quittent en se faisant des signes amicaux.

La défense de la démocratie sociale

La question est celle de l’après : que conservera-t-on des acquis de cette période ? Allons-nous repartir comme avant ? Si l’on doit croire au « rien ne sera comme avant », l’interrogation se pose sur les modalités de cette action. Suffit-il de produire -encore- des lois, la plupart prises dans l’urgence pour répondre à une situation ponctuelle, ou de bien appliquer celles qui existent. Pour l’instant, on n’a entendu que des déclarations, que certains perçoivent favorables (exemple : protection des femmes maltraitées dans cette période de confinement), pour d’autres du domaine habituel de la communication politique.

La vie maçonnique

Deux aspects peuvent être sous-tendus par la question : pendant le confinement et après le confinement.

Pendant, s‘il perdure, avec la distanciation imposée, n’y a-t-il pas un risque, pour notre loge, de se transformer en groupe de discussion d’un réseau social.

Après, nos réflexions, comme celles de notre institution et d’autres, émanent d’autorités morales, mais pour faire vivre la fraternité, il faut une autorité de pouvoir et de fonctions qui ait la capacité -et la volonté- de les traduire concrètement en actes. Il faudra donc s’impliquer pratiquement dans cet « après ».

Propositions

Liberté

Ces lois dites d’exception en cette période de confinement seront-elles bien bornées dans leur application et leur durée (on a vu ce qu’il en est avec les dispositions « temporaires » de l’état d’urgence qui ont finies introduites dans la loi courante). Alors, soyons vigilants sinon gare à un changement de régime.

Égalité

Le confinement fait prendre conscience d’un certain nombre de futilités qui emplissent notre vie, de besoins qui n’en sont pas vraiment. Notre société s’est fixée sur l’avoir plutôt que sur l’être et a oublié l’humain dont l’importance réapparaît aujourd’hui. La société de consommation passe à côté des valeurs essentielles comme, par exemple, la dimension écologique de la vie humaine qui se manifeste par l’étonnement des gens à redécouvrir le silence, l’absence de pollution, les bruits de la nature, comme une redécouverte des choses essentielles qui font la valeur de la vie et permettent de rapprocher les gens ; en prendre conscience et le pérenniser est une opportunité de diminuer les divisions dans notre société et de rapprocher les êtres. La société doit assurer à chacun une vie digne. Les réflexions menées au GODF sur le Revenu Universel Inconditionnel en est l’un des aspects.

L’exposition médiatique des inégalités souligne la nécessaire exigence de respect de la dignité des personnes.

Fraternité

Dans les circonstances que nous vivons, la Fraternité se manifeste dans la solidarité, la compréhension de l’autre. Une autre « vraie valeur » qui en ressort est la nécessaire solidarité entre les humains, comme elle se manifeste dans les actions spontanées dans divers endroits du territoire en soutien aux équipes médicales, dans la confection de masques ou l’aide aux personnes isolées. Soutenons continuellement ces actions.

Défense de la démocratie sociale

Les propos du Président de la République sur les actions engagées « quel qu’en soit le coût » demandent une vigilance extrême sur la répartition des efforts qui seront demandés ; on connaît sa propension à protéger d’abord les intérêts économiques, convenant qu’il faudra être attentif au nécessaire équilibre à maintenir entre cette amélioration du cadre de vie promise et le prix à payer de ses conséquences économiques.

Vie maçonnique

Etre le changement que nous voudrions voir dans le monde : la question est-elle d’ordre spéculatif ou opératif ? Comment faire vivre concrètement ces idées ? Quels sont les problèmes posés par le confinement auxquels nous devrions tenter de trouver des solutions ? Le questionnement bruyant qui arrive dans le silence du confinement n’attend pas vraiment des réponses, il attend des actes.

Sur le plan pratique de notre Loge, deux propositions : 

1/ Être disponible plusieurs heures dans la semaine dans le cadre des restrictions imposées et de nos possibilités pour aider les Sœurs et Frères de la loge qui seraient dans l’impossibilité de se déplacer.

2/ Il se pratiquait, il y a longtemps, dans certains ateliers, une chaîne téléphonique pour avoir des nouvelles de chaque Frères et Sœurs. Pour alléger le travail de l’Hospitalier, si problème il y avait, il ou elle contactait l’Hospitalier qui récoltait les informations afin de résoudre ou prévenir les personnes compétentes en vue de régler le problème.

Si cela peut humaniser un peu le confinement ?

Lamartine disait » La haine et l’égoïsme ont une seule patrie, la fraternité n’en a pas et il ajoutait  » Le monde et nous, nous voulons marcher à la fraternité et à la paix. »

Défense des libertés publiques – Respect de la dignité des personnes – Solidarité  Vigilance sur la répartition des efforts et des aides – Engagement des maçons.