Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

L’Illettrisme et Illectronisme en France

Respectable Loge, Les Compagnons Réunis, Orient de Gonesse, Région 7 Ile de France

Mots Clefs : Alphabétisation des travailleurs immigrésFormation professionnelle des adultesIllectronismeIllettrismeIntégration

La contribution de notre atelier au Livre blanc sur le thème du post COVID, porte sur les inégalités sociales. Celles-ci ont été largement aggravées par la pandémie (4). Nous voulons souligner l’excès en termes de morbidité et mortalité dans les quartiers ou départements les plus défavorisés de notre pays. Nous voulons aussi mettre l’accent sur un fait qui nous semble être trop peu connu : les conséquences désastreuses au plan personnel, d’insertion sociale, d’accès à la santé, dans notre société, des personnes frappées d’illettrisme. Ce mot désigne le handicap touchant les adultes ayant perdu tout ou partie de leur capacité en lecture, écrit et calcul. On y associe maintenant l’illectronisme qui concerne les difficultés que rencontre un pourcentage très significatif de personnes pour ce qui est de l’usage de l’ordinateur et des programmes informatiques. Nous avons choisi pour traiter ce sujet une méthode par questions et réponses.

Quelle est la position de la France dans les classements internationaux en matière d’illettrisme et d’illectronisme ?  

L’OCDE -Organisation de Coopération et de Développement Économique (2013) estime que la France est 22ème sur 24 pour la capacité des adultes- à comprendre et rédiger un texte.

L’INSEE- Institut National de la Statistique et des Études Économiques (2015) estime à 11% la part des adultes en difficultés graves à l’écrit soit le chiffre considérable de 7 millions de personnes adultes.

L’illectronisme se rajoute à la fracture sociale. Celle-ci apparaît de plus en plus évidente en raison du coût de l’équipement informatique pour certaines couches de la société, de la dématérialisation des procédures administratives, du manque de formation des adultes surtout âgés… Au total d’après une enquête récente (2016) de la Commission Européenne on compte en France :

  • 8 % de la population active n’ayant aucune compétence numérique
  • 27 % un niveau faible et qui nécessite pour la rédaction et l’obtention des données l’aide d’un tiers. Soit un total d’environ 40 % de la population

Comment s’en aperçoit-on ?

L’un des avantages du service militaire était d’évaluer les capacités en lecture et en raisonnement des jeunes appelés et ainsi dépister l’illettrisme dans cette tranche de population. De nos jours souvent, c’est à l’occasion d’une restructuration, de plans sociaux que le bilan de compétences fait découvrir qu’un certain nombre de travailleurs à reclasser sont en situation d’illettrisme ou en grande difficulté à l’écrit. Ce qui entrave d’autant leur chance de réinsertion après remise à niveau de leurs connaissances. Soulignons le retentissement psychologique de l’illettrisme, avec un sentiment de dévalorisation de soi, générant ce que l’on a pu qualifier de « sentiment de honte sociale ».

De quand date la prise de conscience des gouvernements de ce problème ?  

Dans le cadre de la lutte contre la précarité et la pauvreté est créée enfin en 2013, l’Agence Nationale de Lutte contre l’Illettrisme dont le directeur actuel est Thierry Lepaon. Cette agence tente de coordonner l’action des instituts publics ou privés chargés de la lutte contre l’illettrisme.

Existe-t-il des liens entre illettrisme et pauvreté ?       

Parmi les personnes qui vivent en dessous du seuil de pauvreté

  • Près de 35 % n’ont aucun diplôme
  • 50 % ont des compétences qui vont du brevet au baccalauréat
  • 15 % titulaires d’un baccalauréat plus 2
  • Soulignons la situation des détenus : 25% sont en situation d’illettrisme.

Qu’en est-il du chapitre particulier de l’entreprise ?    

Lors d’une enquête de la Caisse d’Assurance Maladie du Languedoc Roussillon en 2017 on constate que l’illettrisme est très fréquent dans le monde agricole (y compris dans l’industrie de transformation), mais aussi dans le milieu du bâtiment, des travaux publics, des services à la personne, l’hôtellerie. (Source : Greta : groupements d’établissements dépendant de l’éducation nationale qui organisent des formations pour adultes dans de nombreux domaines professionnels). Dans ces secteurs les immigrés constituent une fraction importante des travailleurs, une forte proportion est touchée par l’illettrisme. Or l’accès de ces populations à la lecture et à l’écrit, est indispensable à une intégration réussie. C’est actuellement loin d’être le cas.

Comment accepter les lois de la République, dont la loi de 1905, sans compréhension, tant à l’oral qu’à l’écrit, de la langue française ? Le problème de l’illettrisme est bien une cause nationale dont il faut faire une urgente priorité dans notre République une et indivisible.

Comment dépister l’illettrisme en entreprise ou dans l’administration ?

Insistons sur les 25 propositions pour vaincre l’illettrisme émanant de la commission déjà nommée présidée par Thierry Lepaon. Ces propositions traitent de la prévention et la lutte contre l’illettrisme, l’accès aux compétences de base par la formation professionnelle, la formation linguistique des étrangers, le droit au français dans le monde du travail etc.

Deux modalités pratiques applicables dans le monde professionnel peuvent permettre d’identifier les personnes en difficulté. Il s’agit du service des ressources humaines, et de la médecine du travail. Cette dernière a un rôle particulièrement important à jouer. En effet, les médecins du travail sont tenus au secret médical, ce qui fait que le sujet délicat de l’illettrisme est plus facile à aborder, car, insistons sur la honte sociale que constitue le fait de ne pas savoir lire ni écrire. Il faut également impliquer les représentants du personnel et les syndicats de façon beaucoup plus importante et les sensibiliser au problème.

L’État, les collectivités locales, le tissu associatif, que font-ils ?     

À notre avis en raison de notre modèle jacobin, c’est encore l’État qui maîtrise soi-disant tout. L’Agence Nationale de Lutte contre l’Illettrisme est très peu connue. À notre avis, il s’agit actuellement d’une agence de diffusion de préceptes généraux, une organisation qui accompagne plus qu’elle n’agit à proprement parler….

Au plan législatif quelles sont les dispositions réglementaires ?    

Le code du travail prévoit que la maîtrise de la langue française, le développement des compétences y compris en matière numérique font partie intégrante désormais de la formation professionnelle continue obligatoire dans l’administration et l’entreprise

Le deuxième acteur et largement le plus important est l’éducation nationale. Elle agit, on l’aura compris, en amont du problème.

Il ne faut surtout pas dénigrer les résultats de cette institution républicaine, laïque, gratuite, fondement de notre démocratie.

La France n’est pas si mal positionnée dans le fameux classement Pisa (programme international pour le suivi des acquis des élèves émanant de l’OCDE). En 2016 la France est devant la Grande-Bretagne ou nous sommes au coude à coude avec la Suède. Au total 95 % d’une génération qui sort de l’école sait lire et écrire.

Le problème c’est : « Et après ? » que deviennent toutes ces compétences enseignées ? Si elles ne sont pas régulièrement utilisées, les savoirs acquis se perdent très rapidement. On commence à constater l’illettrisme chez les jeunes à partir de 25 ans, le pic étant atteint vers 55 ans. D’autres intervenants agissent : les services publics pôle emploi, l’agence nationale pour la formation des adultes ou AFPA, les collectivités territoriales, mais de façon plus ou moins coordonnée et c’est là où le bât blesse. (5)

Pour achever ce travail voyons « combien ça coûte ? »   

Il faut au bas mot 300 millions par an selon France Stratégie pour pouvoir assurer le minimum d’action.

Actuellement l’État n’y consacre que 160 millions d’euros. L’agence nationale de lutte contre l’illettrisme et France stratégie (institution autonome placée auprès du premier ministre qui contribue par ses analyses et ces propositions à l’action publique) se sont livrées au calcul suivant : pour pouvoir diviser par deux le pourcentage d’illettrisme en 2025, le coût total estimé serait de 1,5 milliard d’euros. C’est peut-être beaucoup mais il s’agit d’un investissement indispensable pour l’avenir

En forme de conclusion ……Dans la société d’aujourd’hui et encore plus celle de demain, notre jeunesse comme les adultes de tous âges, doivent être mieux formés pour une société basée sur la démocratie et la connaissance. Il faut inclure dans ce projet tous les travailleurs et singulièrement les travailleurs immigrés, dont l’aspiration à un meilleur statut social est parfaitement légitime. Si tant est que nous puissions utiliser le terme, « l’utilité sociale » de l’ensemble des travailleurs est apparue de façon évidente lors de la crise que nous vivons. Le concept du « premier de cordée » qui possède le savoir, le pouvoir et une rémunération sans commune mesure avec celle des « derniers de cordée, « est un modèle injuste et obsolète. Ce dernier ne peut conduire qu’à une catastrophe politique et sociale. La survie de notre république, de notre démocratie, dépend de tous les citoyens et de tous ceux qui vivent et travaillent dans notre pays. Les savoirs doivent être le fer de lance de l’accès effectif à la liberté, à l’égalité, à la fraternité et la solidarité, valeurs cimentées par le principe politique de la Laïcité qui assurera espérons-le encore longtemps la paix civile, à condition de s’opposer résolument sans complaisance, aux ferments de divisions.

Bibliographie sommaire

  1. Sites de
    1. l’OCDE
    1. l’ INSEE
  2. Nombreuses références sur le site de l’Agence Nationale de Lutte Contre l’Illettrisme
  3. Articles spécifiques dans quelques revues ou journaux : «Le Monde» « Le Figaro », « LePoint », »Alternatives économiques » etc. consacrés à l’illettrisme et l’illectronisme
  4. L’épidémie de Covid-19 a «accentué les inégalités sociales» en France, selon une grande enquête pilotée par l’Inserm (l’Institut national de la santé et de la recherche médicale) menée auprès de 135.000 personnes à partir du mois d’avril. Les données récoltées par l’enquête Epicov ont montré que les personnes habitant un logement exigu ou surpeuplé (moins de 18 m² par personne pour celles qui partagent un logement) sont 2,5 fois plus nombreuses à avoir été positives au Covid-19.
  5. L’ouvrage ++++ « Osons vaincre l’illettrisme » par Thierry Lepaon président de l’agence nationale de lutte contre l’illettrisme.

Insistons sur les 25 propositions de la commission p 142-145 et la post face de J.L.Borloo

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