Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

Pour recréer du lien entre les jeunes et la nation. Renouer et avoir confiance en l’avenir

Respectable Loge, Les Compagnons de l’Espérance, Orient de Paris, Région 11 Paris 1

Mots Clefs : ÉcoleJeunesseLienOuvertureRépublique

La période du confinement a créé quel que soit l’âge ou le milieu dans lequel on évolue un isolement. Il fut aussi un révélateur des difficultés latentes et psychologiques de la société et des Hommes. Les inégalités sociales existantes se sont renforcées.
Le monde d’hier – que les politiciens feignent de vouloir changer – est arrivé à ses limites, du moins la nature nous envoie-t-elle un signal.
Les thèmes de travail sont multiples et les coups de ciseau à assener sont nombreux pour rectifier la pierre.
Travailler sur la jeunesse et l’éducation, c’est sûrement, symboliquement, se pencher sur l’avenir et l’espérance d’une humanité plus éclairée et qui chercherait le vrai plutôt que le beau.

Constat de l’état de l’enseignement et de la jeunesse. Une crise identitaire manifeste

La société de consommation et l’idolâtrie de l’apparence forment l’inconscient des adolescents. Le style vestimentaire, les marques portées, la musique écoutée et les accessoires sont des critères sociaux et de démarcation sociale. Par-là, le jeune cherche à se rassurer et à croire en son individualité et à son originalité tout en voulant intégrer un groupe : une quête d’identité qui n’est certes pas nouvelle.
Le ciment social et culturel des jeunes est davantage horizontal (celui des réseaux sociaux) que vertical (celui de la transmission). Le lien intragénérationnel est décousu. Nous observons une mutation de l’espèce humaine dans laquelle la famille se transforme et revêt un rôle moins important que par le passé. Le philosophe Eric Deschavanne explique que « Le problème de la jeunesse est que l’indétermination croît avec les possibilités d’autodétermination : ce que les jeunes gagnent en liberté, ils le perdent en certitudes concernant l’avenir. », bousculant ainsi les jalonnements des étapes de l’enfance jusqu’à l’âge adulte et de celles de l’école.
La liberté donnée très tôt aux enfants, le concept pédagogique « l’enfant acteur de sa formation » et du « partir des connaissances de l’enfant pour construire la leçon » tendent à responsabiliser trop vite et trop tôt les enfants sur des fondements instables. Cette autonomie exigée et portée en valeur trop rapidement pourrait expliquer, à l’adolescence, le besoin identitaire de revenir à des prétendues valeurs fondamentales qui les rassurent : la religion et l’argent.
Beaucoup d’enseignants constatent que chez de nombreux collégiens et lycéens la religion est une loi au-dessus de celle de la République. Plus qu’un repère, la religion constitue l’essence même de leur existence et de leur raison d’exister. Là où la religion tient une place absolue, le politique et l’État reculent. Si chez certains jeunes, le conservatisme religieux est une valeur familiale qui se transmet de génération en génération (type famille versaillaise), une autre branche existe, ceux qui ont grandi dans des milieux familiaux qui se distinguent surtout par la faiblesse de leurs ressources économiques, culturelles, etc. et par un faible degré d’intégration sociétal et intra-familial. Ces derniers, peu tenus par le cadre familial pourraient se tourner vers la religion en vue de trouver une instance régulatrice et intégratrice qui leur fait défaut.

Créer un contrat social-éducatif et adapter la formation des enseignants pour comprendre les mutations de la société et répondre à ses enjeux

Si les inégalités sociales se réduisent, les inégalités culturelles et éducatives se renforcent et s’agrandissent. Face à la mutation de la jeunesse en jeunesses[1], la place de l’École est à envisager et certainement à redéfinir. Face aux différentes réformes successives et technocrates – parfois menées sans réflexion véritable – de l’éducation nationale, l’École ne s’est peut-être pas suffisamment adaptée aux mutations de la société. La formation des enseignants devrait davantage être axée sur les pédagogies et la psychologie de l’enfant et de l’adolescent plutôt que sur les savoirs universitaires déjà acquis.[2] Aussi, sera-t-il nécessaire de cesser de leur demander de colmater toutes les failles et les maux de la société, ainsi que de palier aux défaillances ou absences d’éducation de quelques familles.
Ainsi le triumvirat parents-élèves-enseignants doit voir le jour. Un contrat social-éducatif dans lequel est défini le rôle complémentaire, lié et essentiel de chacun pour travailler ensemble en harmonie.[3]Comment faire classe à des élèves qui n’ont pas confiance en leur propre avenir et en celui du monde ? Comment porter les valeurs de la république « Liberté, Égalité, Fraternité » et laïcité, les rendre concrètes auprès d’un public précis qui ne se sent pas intégré dans la société et qui estime ne pas avoir sa place dans la cité ? Comment recréer du lien entre les jeunes, si différents dans leur formation, leur culture et leur milieu social ? Comment amener les jeunesses à se rencontrer ?

Pour une véritable École de la confiance et vers les rencontres des jeunesses. Perspectives d’intégration des valeurs de la République.

Le défi essentiel est de recréer du lien entre la jeunesse découragée et exclue et de faire naître l’espoir d’un monde où chacun aurait sa place dans la cité. C’est-à-dire renouer avec la République. Les études le montrent, la jeunesse veut s’engager et défend des causes qui lui tiennent à cœur.[4] Seulement, cet engagement est plus prononcé suivant le niveau d’études avancé des parents et le milieu familial favorisé dans lequel les jeunes vivent.[5]

Recréer du lien et l’esprit d’engagement citoyen supposerait de mettre fin à la ghettoïsation pour créer un brassage plus efficace et vrai dans les villes et les campagnes, ainsi que dans tous les établissements scolaires.[6] Les jeunesses pourraient se rencontrer lors de leur scolarité en lycée polyvalent dans lequel les filières générales, technologiques et professionnelles cohabiteraient dans une même enceinte.

L’École doit être repensée et renforcer son principe de laïcité. Elle doit passer d’un enseignement industriel à un enseignement artisanal ouvert. Des acteurs extérieurs pourraient intervenir et coanimer des ateliers avec un enseignant. Une bibliothèque pédagogique verticale simplifiée mais aussi évolutive, horizontale, où les expériences pourraient être partagées, serait mise à disposition des professeurs, leur permettant de puiser dans les ressources et expériences qui ont fait leurs preuves.

L’enseignement professionnel doit aussi être repensé. Aujourd’hui cette formation accueille des jeunes qui n’ont pas souhaité y entrer et qui sont, pour beaucoup, en échec scolaire. Des pseudos formations qui ne mènent nulle part et qui bercent d’illusions une jeunesse qui peine à avoir confiance en la société. L’après bac est ressenti comme une trahison !  Dès lors, la place de l’apprentissage est primordiale et elle doit constituer un parcours au plus tôt, ainsi qu’un choix.

Pour une France et une jeunesse plus fraternelle, il est essentiel que les mondes se rencontrent. La création d’un service civique obligatoire et repensé doit être appuyée et voir concrètement le jour[7]. Il s’agirait d’une rencontre civique entre les jeunesses d’une même classe d’âge et issues de milieux très différents. Les activités de cohésion tiendraient une place primordiale avec des missions d’intérêts générales perlées sur une année scolaire au sein d’associations ou d’organes et institutions de l’État en contact avec la population. Ce service civique serait encadré par un personnel qualifié issu de milieux sociaux, professionnels et associatifs très différents.

Mais pour créer cette entente, il faut aussi que les jeunes puissent se comprendre. Comment faire quand certains maîtrisent mal le français et ne comprennent pas ce qu’ils lisent ? L’École doit renouer avec ses fondamentaux. Le français doit tenir une place de premier plan avec un apprentissage renforcé de la grammaire, jusqu’en terminale. [8]


[1] Cf. Pierre BOURDIEU : « la jeunesse n’est qu’un mot »

[2] Les candidats aux concours de l’enseignement du premier et du second degré sont titulaires, a minima, d’un Master. Ce diplôme de l’enseignement supérieur atteste de facto de connaissances académiques acquises. Un concours basé quasi uniquement sur celles-ci est superfétatoire

[3] L’enseignant instruit, le parent ou le tuteur éduque, l’élève se laisse porter par ces deux piliers pour s’ouvrir et questionner le monde en dialoguant avec ces deux personnes.

[4] Cf. Général Daniel MENAOUINE, directeur de la DSNJ, « Rapport relatif à la consultation de la jeunesse sur le service national universel », 12 novembre 2018.

[5] Cf. les travaux d’Olivier GALLAND

[6] Certains établissements scolaires sont un ghetto bis de quartiers ou de cités favorisés ou très défavorisés. Aussi, le cloisonnement des lycées de spécialité est, par essence, un ghetto.

[7] Préférons « Service civique » à « Service national universel ». Ce dernier, dans l’inconscient collectif, rappelle le temps de la conscription.

[8] Le système scolaire de l’enseignement secondaire au lycée de toutes spécialités se concentre sur la littérature et l’analyse de textes alors que beaucoup d’élèves maitrisent mal la lecture et peinent à écrire correctement une phrase simple. Cf. les notes annuelles d’information de la DEPP sur l’évaluation de la maitrise du français chez les jeunes français lors de la JDC.

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