Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

La culture du vivant

Respectable Loge, Clarté, Orient de Paris, Région 11 Paris 1

Mots Clefs : CultureDominarcatÉducationFratriarcatTout-numérique

La crise du Covid-19, qui a débouché sur l’arrêt immédiat de nombreux secteurs d’activités comme l’éducation ou la culture, a généré la mise en place de systèmes de remplacement par le tout-numérique.

L’enseignement s’est fait à distance individuellement ou collectivement avec le télétravail, les spectacles ont été enregistrés et diffusés par internet, les conférences ont été faites en direct devant son ordinateur. La culture du vivant a été ainsi remplacée par la captation numérique donnant l’illusion de la transmission du savoir et de rapports humains réels. Ce mirage a pour conséquence de bouleverser ou de détruire tout contact physique au profit de deux sens, la vue et l’ouïe, et oublier les autres fonctions. Elle transforme le volume en plan à deux dimensions, l’individu en simple récepteur intellectuel, isolé dans sa bulle plate reliée à d’autres bulles électroniques. L’homme est un électron pour l’homme.

Plus besoin d’écoles avec ses classes d’élèves, de théâtres face à des spectateurs ou de temples en présence des maçons, chacun devient fantôme en compagnie d’autres fantômes, devant des écrans plus fidèles que des miroirs déformants. L’humain s’incline devant le grand ordinateur plasmatique, le grand ordonnateur, c’est-à-dire Dieu numérisé, à l’instar des cours, des spectacles, des concerts, des forums, des lectures mis en boîtes. On écoute et on réécoute, on voit et on revoit les mêmes enregistrements figés autant que l’on veut, on diffuse à qui mieux-mieux les images ou les sons que l’on souhaite, on se passe du vivant, les morts triomphent outre-tombe. Le tout au grand profit des réseaux sociaux, des banques de données, des systèmes de diffusion ou de distribution, des fabricants de matériels informatiques ou téléphoniques qui se sont enrichis… aux dépens des artistes et des esthètes, des professeurs et des élèves, des humains et des lieux physiques.

On sait pourtant qu’assister à un concert en vrai est plus marquant que d’écouter mille enregistrements. Que le lien éducatif fonctionne s’il y a d’abord un lien personnel. Que l’alchimie initiatique se vit physiquement. Que la lecture d’un livre s’inscrit plus durablement que sur écran mouvant. On sait aussi que la diffusion sur le net est un lieu de pillage autant que de partage, de trucages ou de piratages autant que d’informations, de mensonges autant que de savoirs. Le lien humain permet d’équilibrer ces pôles, de créer des liens de confiance et de bienveillance là où la technique permet facilement les tricheries massives et les plagiats, les fausses nouvelles et les vols, la censure et le contrôle, l’uniformisation.

Il y a donc cette option qui consiste à considérer la culture et l’enseignement comme du remplissage de synapses, la musique comme un outil sonore et l’image comme un réservoir visuel. Nul besoin en conséquence d’instruments de musiques et d’instrumentistes encombrant un orchestre, un simple technicien et une banque de données remplaceront tout cela. Des cours enregistrés se substituent aux professeurs fauteurs de grèves, cours conformes à la virgule près aux programmes imposés, les élèves remplissant des QCM afin que des logiciels vérifient leur connaissance momentanée. On pillera joyeusement le patrimoine jusqu’à l’insignifiance.

Nul besoin de vedettes vivantes, la voix de synthèse, des images en 3D de robots humanoïdes ou animaloïdes feront l’affaire, comme déjà dans les films d’animation. A l’instar des signes astrologiques et des ascendants, une machine vous racontera votre avenir en termes de travail, famille, santé, amour auquel vous vous conformerez, d’autres vous fourniront les poupées gonflables en fonction de vos préférences ou fantaisies sexuelles. A partir de quelques scénarios de base et de personnages récurrents (le héros, la brute et la putain), on produira à tour de bras romans primables diffusés en PDF sur portables à l’obsolescence annuelle, des films interchangeables aux effets spéciaux continuels et aux histoires indigentes. Ces phénomènes existent déjà massivement et ne feront que se généraliser. L’homme est un clone pour l’homme.

Il y a d’autres options possibles, comme celle qui a fonctionné pendant des millénaires sous la forme du matriarcat (9/10e de l’histoire de l’humanité), c’est-à-dire par l’entraide et la bienveillance, avant qu’elle ne soit remplacée pour des siècles par le patriarcat, c’est-à-dire la guerre et la concurrence ; enfin celle que l’on nous impose depuis quelques décennies, le dominarcat, la société de la concentration et de l’exclusion, permise par le contrôle des informations (informatique, médias, internet) ou de la distribution de la marchandise, dans laquelle une poignée de dominants asservit la quasi-totalité des dominés, consentants ou non. La culture et l’éducation ne deviennent que des relais de cet asservissement par l’insignifiance des valeurs, la futilité du contenu, le contrôle du savoir et de l’information, la marchandisation de la création ou des connaissances. L’homme est une marchandise pour l’homme.

La réponse au dominarcat – la société de la domination numérique et de la concentration économique, sans égard pour l’humanité ou son environnement – serait le fratriarcat, la société solidaire du vivant, celle du partage et de la protection, supposant une approche du réel non dominante mais conviviale, un contact direct de la connaissance plurielle, une économie de remplacement et non de pillage et de gaspillage, un élargissement de la communauté humaine à la nature animale, végétale et minérale, non son exploitation forcenée. L’homme est un frère pour l’homme.

Concernant la culture et l’éducation, le suprématisme de l’économie (meilleures ventes, top succès) contre l’originalité du culturel, ou bien la hiérarchisation (grandes écoles, concours, notation) contre l’égalité et l’intérêt pour chacun, seront combattus par le savoir non assujetti à la compétition ou au diplôme mais personnalisé, le culturel pour tous et par tous. Plutôt qu’une culture compétitive comme les prix littéraires ou les festivals avec des distinctions, on optera pour un partage du savoir créatif en intégrant chacun dans le processus culturel (ateliers d’écriture, de musique, de cirque, d’expression personnelle et corporelle) et non une vision élitiste de quelques créateurs choisis par la critique distinguée ou les marchés économiques (bestsellers, vedettariat des médias ou d’internet). Une humanisation de l’enseignement entre l’élève et le professeur par un accompagnement en classe des élèves demandeurs, pendant les cours, avec un/e aide pédagogique (et non l’abandon de la plupart des enseignés dans les classes en surnombre). L’itinéraire d’un maçon montre par exemple que l’on ne vise pas un objectif matériel ou une performance intellectuelle, mais bien une recherche de soi à travers le rituel et l’autre, par l’accueil et l’écoute, une découverte du monde au-delà des clivages claniques et des rivalités étatiques, religieuses ou sociales. L’humanisme est la nature de l’humanité.

Contre la société du dominarcat – celle de la domination suicidaire par quelques-uns de l’humanité et de la nature à travers le politique et l’économique -, la société fraternelle, le fratriarcat, n’a de sens que si elle ne se détourne pas de l’humain par des artifices techniques et technologiques, par des écrans et des masques de toutes sortes, des mises en boîte et en bière du vivant, des lois et des décrets spécieux, séparant riches et pauvres, nantis et déracinés afin de mieux engraisser les premiers, anéantir les seconds.

Reprenant la sagesse du matriarcat et la force du patriarcat, il nous reste à conquérir la beauté de cette société fraternelle, vivace et vivante – face à la société de la surveillance, de la suspicion et de la peur -, cette société naturelle et essentielle : le fratriarcat.

Vivons la culture et le savoir à travers les liens humains physiques !

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