Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

Nos fondamentaux maçonniques au service de l’École de demain

Respectable Loge, Intersection, Orient de Paris, Région 12 Paris 2

Mots Clefs : CitoyennetéCréativitéÉgalitéFondamentauxFraternitéJustice socialeLaïcitéLibertéResponsabilité

   Au cours de notre engagement professionnel, nous avons reconnu le lien indissociable de l’école avec son environnement et les relations croisées qui peuvent ainsi s’établir entre ces deux pôles. Vouloir une autre société pour demain, c’est d’abord prendre appui sur une autre école, en réaffirmant les fondamentaux de notre initiation philosophique. Notre réflexion se propose d’en souligner les enjeux.  

Une interrogation riche de sens

Le titre du libellé comporte en lui-même une indication riche de sens. La société de demain sera différente de celle que nous connaissons actuellement. Autrement-dit les leçons tirées de la pandémie doivent nous permettre de construire un monde nouveau. Sur quels fondements ? C’est ici que les leçons de cette crise – « qu’avons-nous appris ? » – associées à nos valeurs philosophiques – « de quoi sommes-nous riches ? – doivent nous permettre d’accumuler des matériaux dans le cadre d’une utopie constructive, malgré tout bien enracinées dans notre réalité vécue. 

Dans les années soixante-dix, au moment où nous débutions notre carrière dans l’industrie et dans l’enseignement technique, un débat à présent daté agitait nos rangs. Il est permis de le résumer sous la forme de deux questions qui s’opposent l’une à l’autre. La société doit-elle changer l’école ? Ou bien, l’école doit-elle changer la société ? Longtemps Chef de Travaux, entendons coordonnateur pédagogique de l’enseignement technique pour faire simple, dans un vaste ensemble scolaire accueillant des publics hétérogènes, nous avons eu amplement le temps de trouver des éléments de réponses à cette interrogation de portée heuristique et universelle. 

Revenons un instant à nos fondamentaux en guise de boussole. Le triptyque « Liberté – Égalité – Fraternité », hérité de la théorie des droits naturels léguée par la philosophie des Lumières, constitue l’alpha et l’oméga de notre démarche. Parce que nous sommes Francs-Maçons, les différences d’origine, de langue et de culture constituent notre richesse, à condition qu’elles s’épanouissent dans un espace laïc, dépourvu de dogmes ou de vérités révélées, dans lequel la tolérance et l’écoute de l’autre constituent des principes aussi actifs que protecteurs.

Ces valeurs, nous avons voulu les mettre en œuvre dans l’enseignement technique, berceau de notre observation de la société et de notre action sur elle, si modeste ait elle pu être.

Toutes les formes d’intelligence à l’honneur

Au moment où notre carrière venait à son terme, l’objectif inspiré par l’OCDE de 80% d’une classe d’âge au niveau de la classe de Terminale, était inscrit en lettres d’or dans les circulaires de rentrée. Il s’accompagnait de la création accélérée de nouveaux baccalauréats destinés principalement à l’enseignement professionnel fréquenté alors par des élèves dont le niveau scolaire était réputé insuffisant pour accéder aux filières d’enseignement dites plus nobles. Républicain convaincu, nous avons lutté bec et ongle contre cette manière de voir pourtant très répandue. L’accès aux savoirs scientifiques et technologiques ne doit pas être réservé à une élite forgée par la raffinerie scolaire. A contrario, toutes les formes d’intelligence doivent être entourées d’une égale dignité. Il est permis de penser que l’enseignement professionnel et l’enseignement technique peuvent aider les élèves considérés à tort comme les moins bons, à accéder à la pensée abstraite par d’autres voies. 

Autrement-dit, nous avons trouvé la première réponse à la question posée. Confrontée à des problèmes d’une grande importance et qui lui sont posées en même temps – préservation de la biosphère, croissance décartonnée, lutte contre les inégalités et les ségrégations de toute nature – la société de demain devra faire appel à toutes les formes d’intelligence pour les résoudre.

S’il convient d’élever la qualification et la durée des formations pour faciliter l’entrée dans l’emploi, en favorisant ainsi les chances d’intégration professionnelle et d’insertion sociale, il importe, en même temps, d’hybrider les formations en associant étroitement la société civile à l’enseignement. Nous avons pu observer à cet égard à quel point les stages en entreprise permettaient à nos élèves d’acquérir une maturité plus grande alors que le confinement scolaire les aurait au contraire appauvri intellectuellement et humainement. Gardons en mémoire les bienfaits de l’apprentissage des années 60 où les moins bien pourvus au niveau scolaire réussissaient leur insertion dans la société par l’acquisition d’un Certificat d’Aptitude Professionnel d’un métier dit « manuel ».

Aujourd’hui, à tous les niveaux, du Brevet d’Enseignement Professionnel au Master, l’alternance devrait porter ses fruits, il en va donc de la responsabilité de l’Enseignement et des Entreprises d’une part, ainsi que celle du citoyen et de la société d’autre part.

Cette observation se veut, elle aussi, riche de sens. Si nous voulons une autre société, ce sera une société de l’agir dans laquelle l’esprit de responsabilité sera à l’honneur. Il convient maintenant de nous interroger sur ce qu’il convient d’entendre par responsabilité.

La responsabilité individuelle au cœur de la société du futur

Loin d’être à nos yeux un concept relevant d’un lexique conservateur, la responsabilité individuelle doit devenir, a contrario, le moteur de la société. C’est un concept progressif pour reprendre une expression qui nous est familière dans le rituel d’ouverture de nos travaux ; « c’est par une action progressive et féconde, qu’ils [les Francs-Maçons] répandront en dehors du Temple les valeurs qu’ils ont acquises ». Pourquoi et de quelle manière ?

A nos yeux, la responsabilité individuelle n’est pas l’antonyme du principe de solidarité qui découle de nos valeurs universelles, en particulier de la fraternité. Elle résulte au contraire de la liberté d’entreprendre et du projet de chaque individu, de chaque citoyen. Aussi, la maïeutique du projet doit-elle figurer au cœur de la société de demain pour assurer l’épanouissement de tous, ou tout au moins pour donner à chacun les outils nécessaires à cet épanouissement. Au cours de notre carrière de formateur, que l’on soit tuteur de stage, enseignant, chef de travaux ou proviseur, nous avons pu nous réjouir des vertus de la juste définition d’un projet d’étude et de formation capable de mobiliser les énergies positives de chaque jeune, tout en assurant sa réussite scolaire et son insertion. C’est dans ce sens qu’il faut œuvrer, dès l’école, c’est-à-dire dès le plus jeune âge, a fortiori auprès des adolescents et des jeunes adultes, pour imprimer la marque d’un destin assumé.

Si chacun doit pouvoir tracer son chemin, c’est parce que la société doit mettre en œuvre une politique de justice sociale se détournant de l’assistanat, laquelle constitue une maladie de vieillesse du principe de justice sociale. A la fin de la Seconde Guerre mondiale, la reconstruction de la société s’est appuyée sur les principes refondateurs du Conseil National de la Résistance. L’État s’est assuré le contrôle d’un certain nombre de leviers de l’économie pour relancer la production, reconstruire la nation et assurer une plus grande justice sociale. Pour y parvenir, il s’est dégagé du poids des féodalités financières sans renier la libre-entreprise et l’accès à la propriété privée pour les citoyens. 

C’est à cette époque que le Plan Langevin-Wallon s’est efforcé de jeter les bases d’une école nouvelle en assurant la capillarité des filières de formation et en décloisonnant l’enseignement primaire supérieur, l’enseignement technique et la formation professionnelle du carcan dans lequel ils se trouvaient. Ce rebond a favorisé très largement la réussite de la reconstruction du pays et préparé la démocratisation du service public de l’enseignement à laquelle nous nous sommes voués.

Cette société solidaire et créative devra devenir aussi et en même temps celle de la participation de tous les citoyens à la vie de la cité. Celle-ci n’est pas innée. Elle s’enseigne dans nos établissements scolaires ; elle se vit au quotidien dans nos classes, dans nos ateliers et dans nos laboratoires. On se lamente régulièrement à juste raison sur l’effondrement du taux de participation des citoyens aux consultations électorales locales, départementales, régionales, nationales et européennes. De plus en plus notablement, la citoyenneté, disons le civisme pour prendre un raccourci rapide, s’est effrité au profit de l’individualisme et du consumérisme. Cette involution nous paraît extrêmement dangereuse pour les institutions démocratiques et le fonctionnement harmonieux de la vie de la cité. Si le temps de l’enseignement des leçons de morale est révolu sous la forme de maximes écrites à la craie, chaque matin, au tableau noir, la mise en situation des élèves de l’enseignement, notamment ceux de l’enseignement technique et de la formation professionnelle auxquels nous sommes restés filialement attachés, est de nature à préparer les voies d’une citoyenneté mieux assumée, à moins de rendre le vote obligatoire, ce qui, il convient de le reconnaître, constituerait une rupture avec nos traditions républicaines.

Solidarité, créativité, citoyenneté, telles sont les fondements de la société que nous appelons de nos vœux et dont le projet concerne directement la formation, celle du peuple comme celle des élites. Cependant, nous avons assisté, au tournant des années quatre-vingt, à l’entrée du fait religieux dans certaines enceintes scolaires à travers la question du port du voile et le refus de suivre certains enseignements censés offensés les vérités révélées. Or, l’école et la société se donnent ici la main pour garantir la liberté absolue de conscience dans le for privé, en garantissant la neutralité et la laïcité de l’espace public

A maints égards, la multiplication des quartiers en rupture avec le pacte républicain, constitue une menace pour la paix civile. Elle entrave le fonctionnement harmonieux des établissements scolaires, notamment ceux de la périphérie des grandes villes, en engendrant des formes de pression et des actes de violences tout à fait contraire au principe fondamental de la sûreté des citoyens qui figure dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen votée par l’Assemblée Constituante, le 4 août 1789. C’est la raison pour laquelle il importe d’être intransigeant quant à l’application de ce principe fondateur de la République, sans céder aux sirènes de l’accommodement raisonnable des religions qui a pu, un moment, séduire une fraction de l’opinion. De ce point de vue, l’interdiction du port du voile et des signes ostensibles dans les enceintes scolaires prévue par la loi du 15 mars 2004 constitue un rempart incontestable contre toutes les formes de prosélytisme religieux voire d’intégrisme. Il a fallu une vingtaine d’années d’âpres débats et de prises de position ardentes pour parvenir à ce résultat. Il en faudra certainement beaucoup plus pour construire la société que nous voulons.

Proposition phare : faire en sorte que toutes les formes d’intelligence soient entourées d’une égale dignité dans la société et l’école de demain.

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