Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

Comment résoudre la question de la « souveraineté numérique » ?

Respectable Loge, Intersection, Orient de Paris, Région 12 Paris 2

Mots Clefs : Actifs critiquesCloud de confianceCyber sécuritéExtension des grés à grés

Comment se présente notre maîtrise du numérique ?

   La France dispose aujourd’hui d’une industrie du logiciel puissante, avec plus de 500 000 employés dans les Entreprises de Services Numériques (ESN), qui cumulent plus de 50 Mds € de chiffre d’affaire annuel. Cette industrie est spécialisée dans le développement logiciel sophistiqué porté par la transformation numérique des entreprises, et excelle dans certains secteurs comme les jeux vidéo, mais elle n’offre pas à elle seule au pays les moyens de maîtriser ses actifs numériques stratégiques.

   Depuis des années, la dépendance de notre pays aux États-Unis, pour tout ce qui concerne des outils de base comme les systèmes d’exploitation (typiquement Windows), les suites bureautiques (de type Microsoft Office), les moteurs de recherche (exemple Google), les outils de communication (Zoom, Teams, Skype…), les réseaux sociaux (Facebook, WhatsApp…), et pour les infrastructures informatiques, comme celles qui équipent les grands datacenters (routeurs Cisco …) s’est installée et ancrée dans le temps, même si des logiciels libres offrent une alternative pour une part significative de ces outils. De même le recours au cloud, notamment pour le stockage de nos données, a accentué notre dépendance aux grands éditeurs américains. Bref, les « GAFAM » sont devenus un point de passage presque obligé pour tout utilisateur du numérique aujourd’hui. Et ces acteurs américains sont de plus en plus concurrencés par des acteurs chinois, les « BATX », qui cherchent à récupérer une part de l’hégémonie américaine au travers d’outils devenus indispensables à la vie de tous les jours.

   En ce qui concerne les matériels, la situation n’est guère meilleure ; il est fréquent de voir un ordinateur personnel de fabrication asiatique, fonctionnant grâce à des microprocesseurs américains conçus voire fabriqués en Israël. Dans ce domaine, l’Europe et la France apparaissent comme les grandes absentes du paysage industriel.

   Cette situation de dépendance de notre pays s’est révélée très pénalisante lors de la crise du coronavirus. Nombre d’entreprises ont pu mesurer combien l’usage d’outils de télétravail d’éditeurs étrangers pouvait comporter de risques sur la protection de leurs informations ; de même, de nombreuses entreprises ont craint des ruptures d’approvisionnement de machines ou d’équipements d’infrastructures aussi vitaux que des ordinateurs portables ou des serveurs informatiques. Cette situation a révélé la grande fragilité de notre économie, dès lors que nombre d’activités ont été largement informatisées, et qu’elles reposent sur des briques matérielles et logicielles sur lesquelles nous n’avons aucune maîtrise.

   Partant de cette situation, pouvons-nous imaginer résoudre la question de la « souveraineté numérique » ? Et dans quels domaines la France pourrait-elle agir pour mieux orienter son destin numérique, et se protéger des risques essentiels qu’entraîne une numérisation massive de tous les secteurs de la vie ?

Quelles sont les mesures déjà prises pour une meilleure souveraineté numérique ?

   Dans plusieurs domaines, des dispositions ont déjà été prises pour tenter d’infléchir la situation précédente. Il est possible aujourd’hui de disposer gratuitement de logiciels libres pour de nombreuses applications, et l’État français promeut ces solutions au travers du Socle Interministériel de Logiciels Libres, accessible à l’adresse suivante : https://sill.etalab.gouv.fr/fr/software. Ces solutions sont utilisées par l’administration, mais nous avons tout à gagner à les promouvoir auprès des entreprises et des particuliers parce qu’elles nous offrent autant de possibilités de diminuer notre dépendance aux grands éditeurs de logiciels, même pour nos outils du quotidien.

   Autre domaine dans lequel la France a consenti un effort significatif : la cybersécurité. Nous disposons aujourd’hui de « clusters » de jeunes pousses présentant de nombreuses solutions couvrant tous les aspects de la cyber sécurité, et l’État s’est doté d’une autorité nationale reconnue en matière de sécurité et de défense de ses systèmes d’information, l’ANSSI.

   En revanche, nous ne disposons pas des infrastructures nous permettant de nous affranchir de la dépendance aux États-Unis ou à la Chine sur nos infrastructures, et notamment de solutions de cloud souveraines et performantes.

Fixer plusieurs priorités

   Compte tenu du contexte, nous pensons que nous devons nous fixer quelques priorités, parce que nous ne pouvons pas imaginer combler à court terme notre retard à l’égard des grands pays du numérique comme les États-Unis et la Chine. Nous pouvons donc nous appuyer sur nos points forts pour regagner quelques marges de manœuvre. Il s’agira de procéder simultanément aux évolutions suivantes :

   – lancer une vaste communication pour promouvoir le Socle Interministériel de Logiciels Libres ;

   – faire évoluer les règles de la commande publique et celles qui sont imposées aux secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports, des services postaux par la Directive 2014-25 pour pouvoir étendre le recours aux contrats d’achat en gré à gré aux secteurs que nous entendons renforcer et promouvoir, par exemple le secteur de la cyber sécurité ;

   – lancer, après un appel d’offre pour sélectionner quelques industriels français du secteur, la construction d’un cloud de confiance sectoriel (l’investissement à consentir pour élaborer un cloud de confiance complètement outillé concurrent de ceux d’Amazon ou de Microsoft semble hors de portée aujourd’hui, pour la France comme pour l’Europe) ; il s’agira de proposer, sur des machines mises hors de contrôle d’États tiers et sécurisées sur le plan cyber, des solutions d’hébergement des suites collaboratives des grands éditeurs et des solutions de stockage de données ;

   – mettre en place rapidement une solution performante de vidéo conférence, éventuellement sur une base de logiciel libre, développée par une entreprise de service numérique française, à l’usage des entreprises et des administrations ;

   – soutenir, éventuellement par une montée au capital par l’État, des entreprises nous permettant d’assurer notre maîtrise de certaines activités et informations critiques, et qui apportent des solutions comme des microprocesseurs spécialisés, des diodes, etc. les entreprises dont nous disposons, et qui sont souvent des spin off de grands acteurs proches du monde de la défense ou de secteurs d’importance vitale, s’apparentant à des pépites qu’il est indispensable de préserver.

Proposition phare : lancer la construction d’un cloud de confiance sectoriel pour offrir une solution d’hébergement des suites collaboratives de grands éditeurs et une solution de stockage de données.

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