Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

La crise a fait apparaître l’importance des relations en ligne et de la possession des technologies qui y sont relatives. Comment assurer l’égalité d’accès au numérique ?

Respectable Loge, Intersection, Orient de Paris, Région 12 Paris 2

Mots Clefs : Formation au numériqueInclusion numériqueRéserve citoyenneWi-Fi gratuit

L’égalité d’accès au numérique : un horizon encore à conquérir

   Une récente étude du Capgemini Research Institute, menée dans six pays (France, Allemagne, Suède, Royaume-Uni, États-Unis, l’Inde), montre que dans les pays développés, environ 13 % de la population n’a pas accès à internet, et que cette situation touche toutes les tranches d’âge. Les raisons invoquées sont les suivantes : le coût des matériels et des souscriptions auprès des fournisseurs d’accès vient en tête des motifs pour les 22-36 ans et les personnes habitant dans les zones rurales ; la difficulté d’accès est la principale raison mise en avant par les personnes souffrant d’affections de longue durée ou d’un handicap ; la méconnaissance des services offerts par internet est invoquée prioritairement par les personnes âgées ou par les femmes.

   Le rapport du Capgemini Research Institute corrobore les constats du rapport publié en mai 2018 à la demande du Secrétaire d’État chargé du numérique et intitulé « Stratégie nationale pour un numérique inclusif ». Ce rapport mettait en évidence que 13 millions de Français sont en difficulté avec le numérique, et que 40 % des Français sont inquiets à l’idée d’effectuer leurs démarches administratives en ligne.

   Or cette situation, qui est davantage subie que choisie (la majorité des personnes déconnectées indiquent qu’elles aimeraient pouvoir accéder à internet), porte un préjudice certain, dans la société d’aujourd’hui, aux personnes concernées : elle génère une forme d’exclusion sociale.

   Sans connexion et sans l’usage courant d’un smart phone ou d’un ordinateur connecté, il devient de plus en plus difficile d’accéder à l’emploi, de bénéficier d’opportunités de carrière, de faire valoir ses droits auprès des services publics ; plus généralement, sans le numérique, il devient impossible de bénéficier des produits et services les moins chers proposés en ligne par le monde marchand et de saisir des opportunités qui seraient bien utiles en cas de faibles revenus ; les non connectés ne bénéficient pas non plus d’une source riche et diversifiée d’informations, et se retrouvent de fait sous-informés, y compris sur des questions vitales comme celles regardant leur santé ; enfin, pour elles, il est plus difficile d’interagir avec leur famille ou avec des amis, s’ils sont éloignés physiquement. De plus, au-delà de l’accès à internet, l’absence d’accès au numérique prive de l’usage de nombreux logiciels utiles dans la vie courante, comme ceux qui permettent à un foyer de mieux gérer ses finances.

   Cette exclusion des personnes déconnectées s’est encore aggravée avec la crise sanitaire provoquée par le coronavirus. En effet, cette pandémie, et le confinement qu’elle a généré dans de nombreux pays, ont entraîné un recours brutal et massif au télétravail, et un usage décuplé d’outils numériques comme la visio-conférence, ou les logiciels de télémédecine. Les enfants et les jeunes ont dû rester à leur domicile, et seuls ceux qui pouvaient se connecter sont restés en contact avec leurs professeurs et ont bénéficié d’une forme de continuité de l’enseignement. D’indispensable aux gestes les plus courants de la vie, le numérique est devenu vital dans cette période. Il est d’ailleurs apparu comme un révélateur des inégalités sociales, parce qu’il a essentiellement servi aux cadres pour le télétravail, dans une moindre mesure aux agents de maîtrise, et peu aux ouvriers et employés, qui se sont trouvés exposés au virus dans des emplois peu compatibles avec le travail à distance. Cette question est abordée dans d’autres chapitres de notre Livre Blanc.

   Bref, il devient de plus en plus difficile de vivre sans le numérique, et l’éloignement du numérique est lui-même générateur d’une aggravation des inégalités dans les sociétés modernes. Il convient donc d’engager des moyens importants pour tenter de le résorber.

Quelles sont les mesures déjà prises pour une meilleure inclusion numérique ?

   Les constats précédents ont déjà donné lieu à des rapports, des publications, et à des actions en France et dans l’Union Européenne. Citons en premier lieu le plan Très Haut Débit, qui vise à équiper l’ensemble du territoire national d’une connexion de qualité à internet d’ici 2022. Mais d’autres initiatives existent : « WiFi4EU », par exemple, vise à offrir un accès internet partout dans l’Union Européenne, grâce à des points d’accès Wi-Fi gratuits dans des lieux publics comme les parcs, places, bâtiments officiels, bibliothèques et établissements de santé. Pour autant la dotation reste modeste puisque chaque commune peut bénéficier au mieux de 15000 euros au titre de ce programme. De même, en France, l’initiative « Hubs France Connectée » menée par la Banque des Territoires et le Secrétariat d’État au Numérique, a pour ambition de créer dans les territoires des lieux permettant de répondre aux besoins de formation des citoyens, en particulier de ceux des 13 millions de Français qui se sentent éloignés du numérique. Mais cette initiative n’est dotée que de 5 millions sur une période de 18 mois, soit 38 centimes par personne déconnectée ! Enfin, le Secrétariat d’État au Numérique a publié la quatrième version du RGAA, le référentiel général d’accessibilité des administrations, qui fixe des obligations aux acteurs publics et privés en matière d’accessibilité des produits et services TIC. Mais là encore, force et de constater que ces obligations sont souvent mal connues des professionnels du numérique, et pas nécessairement appliquées.

Donner un coup d’accélérateur à l’inclusion numérique

   Tous les constats ont déjà été faits sur ce qui provoque l’exclusion numérique et sur les orientations qu’il conviendrait de suivre pour y remédier. La question est maintenant de donner un coup d’accélérateur à ces mesures et d’agir davantage. C’est pourquoi, au-delà de ce qui existe, nous préconisons quatre mesures complémentaires visant à intensifier la lutte pour l’inclusion numérique :

   – la première est de rendre le coût d’accès à l’internet gratuit pour ceux qui ne peuvent pas s’y connecter pour des raisons financières : les fournisseurs d’accès doivent pouvoir proposer à leurs clients une formule gratuite, modulée en fonction de la composition du foyer, par exemple pour une connexion de l’ordre de 10 heures par semaine et par personne. Cette offre serait proposée sous conditions de ressources. Par ailleurs, des programmes de recyclage d’anciens postes de travail d’entreprise et d’anciens smart phones, qui pourraient venir doter gratuitement des personnes sans ressources, devront être rendus obligatoires et contrôlés ;

   – la deuxième est de créer dans chaque mairie un lieu de formation élémentaire au numérique, qui serait doté du matériel nécessaire pour accueillir des petits groupes afin de les former aux gestes élémentaires leur permettant notamment d’accéder aux services publics en ligne ;

   – la troisième serait de créer et de promouvoir, à l’image de la réserve citoyenne de l’Éducation Nationale ou de la réserve citoyenne en cyberdéfense, une réserve citoyenne dédiée au numérique, chargée d’encadrer des aidants bénévoles. Ceux-ci seraient ensuite répartis sur tout le territoire national pour apporter les formations élémentaires que nous avons évoquées au point précédent.

   Enfin, prolonger l’initiative « Hubs France Connectée », et solliciter les acteurs privés pour doter le fonds de moyens beaucoup plus conséquents. Ces hubs territoriaux permettraient un approfondissement de l’aide élémentaire apportée dans les mairies.

Proposition phare : créer et promouvoir une réserve citoyenne dédiée au numérique, pour identifier et encadrer des aidants bénévoles chargés de porter une formation élémentaire au numérique sur tout le territoire national.

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