Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

Notre système de santé a été éprouvé pour de multiples raisons. Quelles pistes pour l’améliorer, le rendre robuste et fiable ?

Respectable Loge, Intersection, Orient de Paris, Région 12 Paris 2

Mots Clefs : État de crisePréventionReconstructionSystème de santé

Problématique et enjeu

Pendant la crise sanitaire, il s’agissait d’agir et soigner dans l’urgence alors que notre système de santé était vulnérable et n’était ni préparé, ni organisé pour les crises sanitaires longues et d’ampleur. Il n’est pas conçu pour la prévention. Les failles du système de santé en équilibre instable depuis plusieurs années et son impréparation à gérer une crise sanitaire sont patents. Un diagnostic en cinq points nous a semblé approprié pour cerner la problématique et définir les enjeux.

L’absence de stratégie préventive a vite dévoilé la vulnérabilité de notre système de santé, engageant une déstabilisation générale et une réorganisation de crise. La déstabilisation a été d’autant plus prégnante que cette nouvelle épidémie avait une double exigence : premièrement, celle d’investir les secteurs de réanimation, structures sanitaires les plus sophistiquées, seules capables de prendre en charge la forme grave de détresse respiratoire exigeant la mise sous coma artificiel avec ventilation assistée ; et deuxièmement, celle d’instaurer des filières dédiées afin de limiter les risques de contamination.                                                          

Cette double contrainte, éviter la saturation des secteurs de réanimation et limiter la propagation virale, a vite imposé la réquisition des unités de soins intensifs, salles de réveils et blocs opératoires conventionnels, impliquant l’ensemble des services hospitaliers tant publics que privés ainsi que le Service de Santé des Armées.

Conjointement à cette réorganisation sanitaire d’urgence, le gouvernement français a décidé de confiner la population. Ces décisions ont permis à l’Etat de miser sur trois points :

-le redéploiement des services, répartitions des secteurs de réanimation ;

   – le   l’engagement et l’implication de tous les soignants ;                                                                               

   – le civisme de la population.

   L’anxiété de la population face à la vulnérabilité et aux incertitudes : les caractéristiques de cette pandémie (propagation rapide et sévère, connaissances incertaines, morts de soignants) ont vite complexifié la gestion de crise. Le climat d’incertitudes imprègne tous les citoyens de sentiments d’anxiété et de vulnérabilité.

   Le retard des aides à la décision stratégique : malgré les nombreux organismes consultatifs (Conseil Supérieur de la Santé, Agence Régionale la Santé), les concertations gouvernementales apparaissaient trop souvent inopinées.                                                                                                                                           

   Les faiblesses organisationnelles et logistiques : déficit d’équipements de protection, manque de matériels de soin, mauvaise gestion du flux des patients, problème de distribution de médicaments et équipements médicaux… Tout cela agaçant les soignants, les malades, les familles, les citoyens et les décideurs. Le processus de coordination a donc été mis à mal.[1]

   Vide décisionnel, disparité des discours et absence de consensus médical sur la prise en charge des malades : la plainte majeure des équipes soignantes a résidé dans cet état de fait et les initiatives diffuses, voire, contradictoires ont perturbé tous les acteurs médicaux. Cette ambivalence décisionnelle (inertie pour certains, précipitation pour d’autres) reflète parfaitement la fragilité et l’impréparation de notre système de santé face à ce genre d’événements sanitaires. Son ingérence a atteint jusqu’à son intégrité lorsque la continuité des soins, mission majeure du service public hospitalier, n’a plus été assurée[2].

Tous les secteurs, publics ou privés, hospitaliers ou libéraux, ont souffert de ce vide décisionnel[3]

Un système à reconstruire

 Les épreuves, constituées d’expériences concrètes vouées uniquement à corriger les travers dans l’urgence, se font aujourd’hui vecteurs de comportements délétères animés de sentiments de colère, d’angoisses et de révolte. Cependant, plutôt qu’une critique systématique, inhibitrice de tout esprit d’initiative, il nous faut tirer des leçons. Elles se doivent d’être exonérées de mauvaise conscience afin d’envisager un projet indemne de toute animosité. Analysons ainsi dans un premier temps, les faiblesses puis dans un deuxième temps, les atouts mis en évidence pour enfin suggérer des pistes d’amélioration.

Certes les failles se sont multipliées et ont vite jeté un discrédit sur nos acteurs gouvernementaux.                                                                                                                                           La qualité et la fiabilité des informations internationales ont été remises cause. Les inégalités territoriales sur le plan sanitaire et la dépendance en fournitures matérielles et pharmaceutiques ont vite été à déplorer. S’en suivent, une communication confuse, un délai élevé de diffusion de l’information et des prises de décisions gouvernementales. Les alertes sanitaires tardives ont provoqué un flot de contradictions, d’incohérence et d’incertitudes. Les EHPAD, notamment, ont souffert de cette inertie. Informés bien au-delà des premières mesures gouvernementales, ces établissements ont encouru des risques sanitaires majeurs. De même, dans les services de soins, les équipes, soumises à l’urgence permanente, ont dû assurer une prise en charge d’autant plus lourde que la mort rôdait au quotidien. Les prises de décisions isolées ont vite supplanté aux décisions habituellement collégiales. De nombreux professionnels ont ainsi vécu des dilemmes éthiques trop denses. Souffrance et épuisement professionnels restent en filigrane.  Des projets sont encore à l’étude et pour certains déjà effectifs afin d’appréhender les risques associés au coronavirus pour leur santé mentale (outils de dépistage, de soutien, d’aide à la résilience…).

La force principale à valider concerne la mobilisation humaine remarquable de réactivité et d’adaptabilité des professionnels faisant preuve d’une grande synergie (volontariat, augmentation rapide du capacitaire, transferts sanitaire, conversion de lits d’hospitalisation…) ainsi que le l’ensemble de la population exaltant de solidarité. Cet engagement humain a été l’atout majeur révélé pendant cette période.

Au regard de ces constats, de nouvelles fondations sanitaires sont à bâtir. Seul un travail collégial, pluridisciplinaire et coordonné en garantira l’équilibre et la pérennité.

Plusieurs pistes

   Reconstruire, est une tâche d’autant plus difficile que la nation s’attèle pour une longue période encore à un double travail. Elle doit en effet, répondre rapidement aux besoins de la population, l’accompagner au plus près du territoire et en même temps, réfléchir aux défis de demain : acquérir une méthodologie plus généralisée, garante d’une capacité à traverser un nouvel évènement sanitaire sans péril.                                

En France, nos dirigeants se sont donnés bonne conscience en proposant un « Ségur de la santé ». La vigilance reste de mise. Il ne s’agirait pas de céder à une solution éphémère démagogique ciblée aux dépens d’une fondation pérenne et exhaustive. Une refonte des fondamentaux semble nécessaire pour une reconnaissance à l’ensemble des acteurs de santé. Le cœur de la réflexion doit toujours résider dans la qualité de prise en charge du patient par des professionnels compétents et reconnus.

Il est donc primordial de redéfinir les statuts, droits et devoirs de toutes professions et de mettre en valeur les engagements, initiatives et responsabilités appliqués à chaque poste de travail. En effet, la pandémie a mis à mal tous les secteurs du système sanitaire français sans exception.

 Le bilan, toujours en cours, offre déjà plusieurs pistes :

   – reconnaître et fonder le nouveau système sur la mobilisation humaine remarquable de réactivité et d’adaptabilité des professionnels faisant preuve d’une grande synergie (volontariat, augmentation rapide du capacitaire, transferts sanitaire, conversion de lits d’hospitalisation…) ainsi que le l’ensemble de la population exaltant de solidarité. Cet engagement humain, atout majeur révélé pendant cette période, doit être au cœur de la reconstruction ;

   – reconstruire les fondamentaux par un travail collégial, pluridisciplinaire et coordonné : Le Ségur de la Santé ne doit pas être superficiel et médiatique. Il faut « une reconstruction pérenne et exhaustive ». Tous les acteurs de la santé doivent être reconnus et le centre de réflexion doit « toujours être la qualité de prise en charge du patient par des professionnels compétents et reconnus » ;

   – redéfinir les statuts, droits et devoirs de toutes professions et mettre en valeur les engagements, initiatives et responsabilités appliqués à chaque poste de travail. La pandémie a en effet mis à mal tous les secteurs du système sanitaire français sans exception.

   – réévaluer les cursus de formations initiale et continue aux besoins évolutifs des métiers (intégration des sciences humaines et sociales, éthique et législation dans toutes les filières de santé) avec exigence de veille des connaissances ;

   – accélérer la conversion digitale afin de développer les visioconférences pour les formations et les consultations. Cette période a dévoilé l’importance des outils informatiques de communication pour permettre le partage des connaissances et des protocoles avec notamment des remises à niveau ou de l’aide à la décision entre professionnels de santé et spécialistes médicaux. Ce fut une véritable bouffée d’oxygène pour de nombreux soignants !

   – organiser la qualité et le maintien du lien social : cette dimension est aussi importante que les connaissances opérationnelles ! [4] ;

   – créer un centre d’appel spécifique en cas d’épidémie. Autonomiser les établissements sanitaires en ressources matérielles (création de stocks, relocalisations industrielles ;

   S’aider des techniques stratégiques de l’Armée (Mulhouse, mars 2020) ;

   – redynamiser le travail en réseau Public-Privé pour élargir et alléger les procédures de prise en charge sanitaire et réfléchir à l’implication des systèmes de transports sanitaires (routier, ferroviaire, aérien) ;    

   – faciliter les missions de recherche (tester les molécules existantes, multiplier les études) ;  et lutter contre l’hégémonie des filières pharmaceutiques et industrielles ;

   – réfléchir à une possible suprématie étatique temporaire lors d’évènements sanitaires ;

   – introduire l’idée de concertations nationales des acteurs et experts en santé (Agence Régionale de Santé, Etats Généraux de la Santé, Académie Nationale en Médecine, Conseil National de l’Ordre des Médecine). 

Proposition phare : faire de la reconstruction de notre système de santé, une priorité nationale.                                                                                                                                                                     


[1] La mise à contribution du centre d’urgence 15 en est un fâcheux exemple. Ce service unique de première écoute, vite saturé, a rendu une prise en charge tardive des cas, alourdis par l’aggravation des symptômes.                                                                                                                                                                                                             

[2] Pour cause, toutes les énergies et forces disponibles avaient été sollicitées d’emblée pour la prise en charge ciblée de l’épidémie aux dépens des pathologies chroniques, voire aigues.  L’avenir en répondra…

[3] A l’inverse, une action péremptoire s’est vue imposée aux dirigeants des Etablissements d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes (EHPAD). Par insuffisance de tests de dépistage à disposition pour ces établissements, les certificats de décès devaient se valider de façon standardisée : l’exploitation des causes de décès était abandonnée dès lors que le résident décédé avait présenté des « signes caractéristiques du coronavirus ».  Ce fut là, une procédure éthiquement « agressive » pour les responsables d’EHPAD.

[4] Ce travail permettra de repenser les pratiques et d’élaborer des méthodologies adaptées par activités tout en s’inscrivant dans une démarche d’amélioration continue avec des retours d’expériences systématiques.  En exemple, les épreuves vécues au sein des EHPAD, invitent à réexaminer la prise en charges de nos ainés.  La richesse de professionnels spécialisés (ergothérapeutes, infirmiers de pratique avancée…) et la volonté d’alléger la structure logistique (la crise en a montré les limites), réengage l’idée du maintien à domicile (un vécu meilleur, une gestion facilitée…). 

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