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Mariane
Livre blanc

Une situation de crise dans une société démocratique justifie-t-elle une restriction des libertés ?

Respectable Loge, Union des Rites, Orient de Marseille, Région 15 Provence- Alpes - Corse et Loges de Sardaigne et d'Italie

Mots Clefs : Restrictions des libertés

Constat

Il s’agit d’une question effectivement cruciale, qui peut laisser entendre en filigrane que nos libertés les plus fondamentales (expression, pensée) pourraient disparaître progressivement au profit d’un totalitarisme galopant.

Une question qui suscite en tout cas autant de réponses positives que négatives, et qu’il convient donc d’examiner avec la plus grande attention.

Le 1er constat que nous pouvons faire est que la pandémie mondiale de coronavirus, au-delà d’être une crise sanitaire sans précédent contemporain, a mis à mal nos valeurs républicaines.

La devise de notre République « Liberté, Égalité, Fraternité » se trouve en effet amputée, consécutivement à des décisions politiques de nos dirigeants pour affronter cette crise, de son fondement principal qu’est la Liberté, en tout cas en ce qui concerne nos déplacements et nos comportement sociétaux.

Impossible de se déplacer, confinés chez soi dans l’attente d’une nouvelle décision nous autorisant partiellement à bouger et à reprendre nos habitudes, sans qu’on puisse réellement en comprendre les tenants et les aboutissants, tant les informations distillées sont floues.

Contraints de porter un masque pour nous protéger et protéger les autres. Un masque qui, symboliquement, nous empêche d’exprimer notre voix, nos émotions, et même de respirer.

Contraints d’arrêter de travailler pour certains, le travail qui permet de vivre, de se réaliser, et qui constitue également un vecteur de lien social fort pour beaucoup d’entre nous.

Cette crise ébranle donc les fondements même de notre société. Alors que nous sommes sortis du confinement généralisé qui mettait tout le monde sur le même plan, ce sont désormais les disparités dans les mesures prises par le gouvernement qui génèrent à nouveau de l’incompréhension et viennent remettre de l’huile sur le bûcher de notre chère liberté.

Toutes les mesures prises autour de cet « état de guerre » (pour reprendre le vocable de notre président) sont-elles donc justifiées ?

La liberté en question

La liberté dans sa plus simple expression, dans sa globalité, est depuis longtemps régie par des lois, ces mêmes lois qui sont censées nous permettre de vivre ensemble en société. En étant ainsi codifiée, la liberté est de fait amputée de quelques-uns de ses attributs.

Certains évoquent ainsi le fait que si une loi prévoyait les mesures à prendre dans ce genre de crise, la situation serait plus lisible, et ne souffrirait peut-être d’aucune critique.

Mais au final, s’il y a des décrets et des lois, chacun reste libre de s’exposer au virus s’il le souhaite, et donc d’être le garant de sa propre liberté. Notre conscience devrait, en principe nous interdire d’exposer les autres. Toutefois, force est de constater que tout le monde ne le fait pas car l’égoïsme, ou en tout cas nos convictions personnelles sur cette crise, prime, face à des directives gouvernementales pour le moins sujettes à débat.

C’est dès lors tout notre sens de la citoyenneté qui est mis à mal, et on pourrait dire un autre pilier de notre devise républicaine, la Fraternité.

Quand nous ne portons pas le masque, nous assumons le risque pour nous-même. Mais comment pouvons-nous délibérément décider d’exposer les autres à une éventuelle contamination, alors même que nous reprochons à nos dirigeants de prendre des mesures restrictives liberticides au motif de vouloir nous protéger ? Nous voulons tout et son contraire, il y a semble-t-il là un problème de prise de conscience et de responsabilité.

Si cette question de la restriction des libertés est importante, il faut également la comprendre dans le sens de l’intérêt général, et l’envisager comme définie dans le temps.

Même si notre appréhension du futur est fortement altérée en ce moment, on peut raisonnablement supposer que nous finirons par venir à bout de cette crise, et donc nous retrouverons, sans doute, notre chère liberté. D’aucuns voient ainsi les contraintes actuelles comme des aménagements et non des restrictions. Une adaptation temporaire de nos règles en quelque sorte.

Outre la question de la durée, se pose la question de la proportionnalité. La réponse forte apportée est-elle corrélée à la gravité de la situation ?

Car il y a semble-t-il bien d’autres maladies ou facteurs dont le taux de mortalité dépasse largement celui du coronavirus. Pour beaucoup de gens, il est difficile de percevoir ce qui n’est pas directement palpable, surtout quand les symptômes sont pour la majorité très faibles voire invisibles, ou que nous ne connaissons pas de proches touchés autour de nous. Plus que notre sens de la citoyenneté, c’est peut-être là notre sens de l’humanité qui est en question.

Conjointement à cette question de la liberté, c’est celle de la répression associée qui est mise en exergue par certains.

Une restriction des libertés va forcément de pair avec une surveillance renforcée.

Certains arguent qu’une surveillance de l’ensemble de la population est une aberration dans une démocratie comme la nôtre, et ne peut se concevoir sans répression.

Or réprimer dans ce contexte signifie ne pas faire confiance au sens civique de la population, ce qui est un aveu d’échec de la politique, au sens grec Polis, c’est à dire une communauté de citoyens libres et autonomes.

La surveillance et la répression infantilisent et déresponsabilisent.

Ce sont des méthodes de gouvernement par la dictature, le fascisme, le totalitarisme.

En conséquence pour certains d’entre nous, aucune restriction des libertés ne peut se justifier dans une société qui se veut véritablement démocratique.

Selon les termes de l’article 4 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen :

« La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui: ainsi l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres [.], la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi. ».

Donc si on considère que l’on est potentiellement dangereux pour autrui en risquant de le contaminer, accepter de restreindre sa liberté se justifie.

Mais tout ne relève finalement que d’une question de point de vue, et donc d’équilibre à trouver.

Propositions

D’autres exemples de gestion de la crise pandémique nous sont proposés dans d’autres pays. La Suède a notamment beaucoup été évoquée pendant la crise : refus de confiner la population ou d’imposer le port du masque (excepté pour les soignants), et encouragement au respect des mesures barrières (distanciation sociale).

Les mesures sont beaucoup moins coercitives qu’en France, et donc les citoyens ont non seulement le sentiment de ne pas être privés en totalité de leur liberté, mais également d’être plus responsabilisés, et de fait ils adoptent plus facilement d’eux-mêmes les mesures barrières.

Et force est de constater qu’à ce jour, les chiffres font mentir ceux qui avaient prédit un avenir des plus funestes aux pays du Nord de l’Europe.

La responsabilisation citoyenne suffit-elle ? Per Follin, responsable du département de contrôle et de prévention des maladies infectieuses, affirme que les suédois suivent à la lettre les recommandations en matière de gestes barrières. C’est justement cette discipline qui permet de contenir l’épidémie, plutôt que les gens.

Mais c’est aussi une relation à double sens : si le gouvernement suédois fait confiance à sa population, c’est aussi parce que la population place une grande confiance en son gouvernement.

Et c’est très loin d’être le cas chez nous : la vision renvoyée par les responsables politiques divers critiquant à tour de rôle les décisions du gouvernement, ou la multiplication des avis contradictoires d’experts médicaux plus ou moins légitimes sur les chaines infos, ne contribue pas à nous donner une vision claire et intelligible de la stratégie de lutte contre le virus. Et donc à susciter la confiance des citoyens.

A l’heure où les questions du communautarisme et maintenant du séparatisme se font prégnantes en France, derrière cette question de la liberté ne se cacherait-il pas finalement la question de la remise en question de nos institutions dans leur globalité ? la question du Covid est-elle aussi vraiment sujette au séparatisme ?

Si nous prétendons vivre dans une démocratie, c’est à dire avec des dirigeants censés avoir été élus librement, pourquoi ne parvenons-nous plus à leur faire confiance ?

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