Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

Individualisme, coercition, liberté

Respectable Loge, Étoile de Marianne, Orient de Niort, Région 9 Ouest

Mots Clefs : Responsabilité

L’usine du bonheur

C’était les belles années des trente glorieuses, un courageux général avait redonné confiance et grandeur au peuple français, il lui avait permis de clore une page douloureuse de leur histoire : la décolonisation, non sans fracture et fracas des armes. La contrepartie qu’imposa notre général ce fut l’étouffement du parlementarisme et l’émergence d’une notion toute militaire que l’on nomme « verticalité », plus prosaïquement « ne voir qu’une seule tête ». 

Cet attelage monarchique, grandeur et discipline a été bouleversé par les évènements de Mai 68, la jeunesse étudiante a souhaité défaire les liens d’autorité en scandant « il est interdit d’interdire ». Cette classe d’âge prenant peu à peu les rênes du pouvoir politique et économique a érigé une société libérale libertaire, l’émergence de la société du désir.

La nature de cette société libérale/libertaire a fortement été modelée par les grands bouleversements technologiques de la fin du XXè siècle et notamment l’informatisation sous toutes ses formes, qui a bouleversé les notions de temps et de distance. Cette technique a consolidé le socle libéral/libertaire dans le sens ou elle a permis à chacun de faire prospérer ses affaires personnelles, à l’origine pour le libéral, le bien commun résulte non pas du souci de tous pour le bien commun, mais du souci qu’à chacun de son intérêt propre. En ces temps de pandémie, on ne peut exclure une autre technique qui a pris un poids considérable, la médecine. Les progrès fulgurants de cette discipline ont permis de vivre mieux et plus longtemps. A l’extrême la convergence de l’ordinateur et de la médecine ont généré un monstre que l’on nomme le transhumanisme, la mort ne doit plus être la fin de la vie, tout concoure a maîtriser le vivant, la nature doit obéir à l’homme tel est le diktat libéral qui unit l’intelligence et le capital.

Quelle surprise pour cette belle usine à bonheur lorsqu’un mauvais virus vient rompre la quiétude du confort. Quelle panique pour ceux qui dirigent, ils en perdent le sens même des mots et parlent de guerre, ils en perdent le sens de la mesure et décrètent l’état d’’urgence, ce discours militaire tient lieu de politique, là où la tempérance, l’équilibre devraient être les mesures qui forgent la responsabilité et le sens commun pour affronter une épidémie aussi grave soit elle.

Certes le Covid a bouleversé la vie des français, mais cette société libérale /libertaire était déjà fortement fissurée. Deux failles lézardaient l’édifice quand bien même beaucoup s’évertuent à le nier : d’une part l’accroissement des inégalités économiques et d’autre part la déliquescence de la notion même de démocratie.

L’accroissement des inégalités économiques n’est plus ignoré par personne, par contre l’intensité de la situation est minorée jusqu’à la caricature où certains voudraient que le ruissellement de ceux qui gagnent permettent d’endiguer ces inégalités économiques. L’histoire récente nous a appris que la période des trente glorieuses a permis l’émergence d’une classe moyenne, c’est elle qui a consolidé la démocratie et a consolidé la vitalité des corps intermédiaires. Notre époque est différente, mais il importe de ne pas paupériser cette classe moyenne, car nous verrons se développer les idées simples du nationalisme où les révoltes brutales et désorganisées deviennent le change de très nombreux oubliés de l’usine à bonheur.

Sur la même veine, prospère depuis une vingtaine d’années, un refus de la démocratie ou plus exactement une désunion des citoyens avec l’idée de démocratie. Plusieurs phénomènes enrichissent cette idée, dont le pouvoir des médias. Ces médias appartiennent pratiquement tous aux banques et aux entreprises mondialisées, l’information devient inévitablement tendancielle et la confiance des français pour l’information divulguée est fortement négative, ce n’est pas pour rien que nos anciens dans le programme du CNR voulaient l’indépendance des journalistes par rapport au monde économique, ces hommes-là avaient le sens de la liberté.

Un autre constat est aussi nécessaire :  démocratie vient du grec ancien dêmos qui veut dire peuple et kratos qui veut dire pouvoir, la démocratie est donc le gouvernement du peuple, il est intéressant de le rappeler en France, puisque nous vivons sous une constitution très autoritaire, qui au bénéfice de l’histoire a permis à la France de passer un cap difficile mais ces temps sont révolus et il faut constater qu’il est impossible a un homme seul de gouverner quand moins de 20 % des inscrits lui donnent quitus et que cette constitution lui permette de faire passer des lois par ordonnance ou imposer le non débat au parlement par le fameux 49.3.

Le parti majoritaire du parlement par le jeu du scrutin uninominal à deux tours est aussi élu par moins de 20 % des inscrits et ces élus sont sociologiquement des hommes et des femmes appartenant au même milieu social ou du moins si l’on se réfère au classement en déciles de L’Insee on positionne ces élus aux deux premiers déciles. Faut -il caricaturer et appeler le gouvernement de la France : le gouvernement des 20 %.

Le constat de cette défaillance démocratique est de fait, celui de nombreux citoyens, puisqu’ils sont de plus en plus nombreux à refuser de voter ou voter « blanc ». Pourquoi participer à un vote puisque votre candidat ou les idées que vous défendez ne peuvent être présentes dans les instances élues. Lors de la pandémie les élections municipales ont connu un record d’abstention abyssal, certes la peur du virus était présente, mais s’est on interrogé sur le fait que les citoyens votent pour un maire dont les pouvoirs ont été transférés à une « agglo » non élue au suffrage universel quand ce n’est pas le préfet qui arbitrairement décide au gré des besoins de l’État. 

Le temps des réflexions

Il y a une vingtaine d’années, il était commun d’entendre une critique de la pensée unique, en réalité cette critique valait pour les partis politiques. En France deux grandes tendances politiques issues de la révolution française s’affrontent d’un côté les républicains, de l’autre les conservateurs qui sont devenus schématiquement la gauche et la droite. Pour ces deux grandes tendances, la production des contributions politiques a fini par se rejoindre pour ce qui est des idées politiques, économiques et sociales, demeure un petit segment qui permet de différencier gauche et droite ce sont les idées dites sociétales : mariage pour tous, PMA. Il faut bien reconnaître que ce qui sous-tend la défiance des principes démocratiques, c’est la pauvreté des discours des partis politiques. Néanmoins le débat s’est déplacé ailleurs, principalement dans le milieu universitaire et au sein de cercles de réflexions sectorielles peu liés aux mouvements politiques. 

Les débats universitaires sont féconds sur la crise de la démocratie, et principalement sur cette perte de confiance des citoyens vis à vis des instances qui assurent les fondements du gouvernement et de l’ensemble des institutions républicaines. Chaque année les travaux du Cevipof se font l’écho du malaise, qu’un politologue a appelé « l’archipel français » en opposition à l’intégration républicaine.

Une disruption salutaire

En 1874, Littré définissait le mot disruption comme « rupture, fracture », de nos jours ce mot est devenu à la mode sous l’influence des marketeurs pour qui, disruption est « une méthodologie créatrice proposée aux clients ». Osons ! Et proposons une rupture créatrice pour faire renaître l’idéal démocratique.

La démocratie ne peut être que parlementaire pour complaire à l’idée de gouvernement du peuple, les révolutions anglaise et française ont commencé par supprimer le pouvoir de l’homme seul pour instaurer une pluralité au sein d’un parlement, c’est cette notion de pluralité qui importe, car elle suppose l’échange des arguments, la recherche des forces communes, mais n’exonère pas les joutes contradictoires. Le débat parlementaire doit être construit autour de l’idéal dialectique que nous ont enseigné les différents philosophes depuis Hegel.

Sur le plan institutionnel, cela signifie qu’il faut abandonner le principe de l’élection présidentielle au suffrage universel, qui ressemble aujourd’hui à une joute moyenâgeuse de gladiateurs ripolinés par le pouvoir médiatique. Revenir à une élection d’un parlement qui doit assurer dans sa totalité le pouvoir législatif, nulle disposition d’exception ne doit entraver le pouvoir du parlement. La composition du parlement doit permettre la création d’un exécutif en fonction des tendances politiques qui le composent, la tête de l’exécutif revient à la personne qui représente la synthèse et assume la responsabilité de l’exécutif, ce gouvernement étant naturellement approuvé par un vote du parlement. Au-dessus pour organiser ce principe institutionnel, un président de la République élu par le parlement, ce dernier n’ayant aucun pouvoir sauf celui d’organiser les principes démocratiques. 

Si l’on dit rupture elle doit trouver sa source dans une véritable représentativité des choix politiques des citoyens au sein d’un parlement. On connaît en France la rudesse du scrutin uninominal à deux tours qui élimine et donne de ce fait mécaniquement des majorités peu représentatives. A l’opposé le scrutin à la proportionnelle intégrale est le reflet mathématique des votes des citoyens, c’est son principal avantage, son défaut réside dans la difficulté à générer de cet éclatement une majorité.

Souvenons-nous, Churchill disait que « la démocratie était un mauvais système, mais le moins mauvais de tous ». Ce n’est peut-être pas pour rien que les vainqueurs de la seconde guerre mondiale ont imposé un système électoral à l’Allemagne, afin que celle-ci retrouve les voies de la démocratie. Inspirons-nous du système électoral du Bundestag qui permet d’élire la moitié des députés via un scrutin uninominal à un tour et l’autre moitié via un scrutin proportionnel sur la base des partis politiques qui sont n’en déplaise à la mouvance libérale actuelle, le fondement de la démocratie parlementaire. Ce système électoral est l’exacte contraire de la verticalité militaire, il n’est pas fait pour subir mais pour unir, il n’est pas fait pour exclure, mais pour inclure les citoyens dans le débat national.

L’autre versant nécessaire pour revitaliser l’idéal démocratique, c’est la nature et la responsabilité du pouvoir local.  La crise du Covid a montré que l’État central ignorait d’une manière toute jacobine les « territoires », cette attitude a été et demeure contre-productive. Aujourd’hui le principe de l’unité de la nation est acquis, c’est donc le moment d’amender l’attitude jacobine et de donner un sens au pouvoir local. La Région est l’entité géographique qui fait consensus, donnons à la Région les moyens d’exercer un véritable pouvoir économique, social et politique, faisons de la Région et de son mode d’élection une entité qui assure avec le pouvoir central la continuité et la complémentarité de la politique de la nation. Naturellement cela nécessite l’abrogation des conseils départementaux et une sérieuse remise en question du rôle des préfets, c’est certainement le rôle des préfets, mit en place par Bonaparte pour asseoir son pouvoir personnel qui coûterait au gouvernement.

Ce monde d’après doit prendre en compte le délitement actuel de la démocratie, de nouvelles institutions deviennent nécessaires pour que la citoyenneté reprenne force et vigueur et dessine une liberté qui fasse du citoyen un être responsable et acteur de la vie de son pays.

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