Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

Concilier sécurité et libertés en période de crise

Respectable Loge, Étienne Dolet, Orient de Orléans, Région 5 Centre

Mots Clefs : CivismeCommunicationLibertéResponsabilitéSécurité

Constat : les faits observables pendant la période de confinement

Lors de cette pandémie, le temps du confinement puis celui du déconfinement progressif ont été des choix politiques reposant sur l’avis d’experts reconnus et diversifiés. Ces choix ont permis la mise en œuvre des conditions et des moyens nécessaires à la réalisation de ces mesures, en s’appuyant sur une administration elle-même bien informée, dans la plupart des pays démocratiques ou non. Or quoi de plus normal, en période de pandémie, que d’exiger de nos gouvernants des moyens de protection ou des traitements médicaux ? Parallèlement, le devoir de tout citoyen est de se protéger mais surtout de protéger les autres, c’est le propre du civisme. Pourtant, les mesures prises dans notre pays pour faire face à la crise sanitaire liée à la pandémie de la Covid 19 ont pu être ressenties comme liberticides : le confinement imposé, avec l’implication des forces de l’ordre pour le faire respecter, fut synonyme de restrictions de libertés publiques telles que celle de se déplacer librement, de se réunir, de manifester, l’arrêt de toutes activités commerciales, rassemblements culturels, religieux, sportifs… Le gouvernement, pour déterminer les mesures sanitaires à appliquer, s’est appuyé sur les conclusions de débats d’experts scientifiques, débats contradictoires qui démontrent que les incertitudes permettent à la science de progresser. Mais la communication des autorités publiques s’est révélée au fil des jours ne pas être totalement honnête, voire parfois carrément mensongère (l’affaire des masques a été un point de cristallisation majeur) avec une argumentation adaptée aux circonstances et relayée par les chaines d’informations en continu et sur les réseaux sociaux.  Peu de ces mesures ont fait appel à la responsabilité de chacun par peur de voir trop de comportements inappropriés, par manque de civisme de quelques citoyens. D’où des dispositions sécuritaires pas toujours bien comprises par la société française. C’est ce qui nous a amenés à réfléchir à la question de la compatibilité entre sécurité publique et libertés individuelles. Pour Spinoza, les notions de liberté et de sécurité ne sont pas à opposer car « les hommes aspirent à la fois à la sécurité et à la liberté ». On peut même considérer que la sécurité est une condition nécessaire à la liberté. Spinoza encore affirme que « la finalité de la République, c’est la liberté » et que « la vertu de l’État, c’est la sécurité ». Autrement dit, il n’y a pas de liberté dans le chaos et il revient à l’État républicain de garantir les conditions de la liberté, dont la sécurité.

État des réflexions : les questions de fond qui se posent

C’est la vertu du doute scientifique d’animer les débats pour permettre une meilleure connaissance d’un virus et des moyens de s’en protéger. C’est grâce à ce questionnement permanent que la science avance, contrairement aux idéologies ou aux dogmes qui, après avoir asséné leur vérité au mépris de la raison, fige toute réflexion puisque la vérité est alors « indépassable ».  Dans une démocratie, dont le fonctionnement repose sur le débat, le doute est salutaire. À condition que la relation gouvernants/gouvernés repose sur la confiance. Pour cela, un discours de vérité de la part des gouvernants est indispensable. Mais toute vérité est-elle bonne à dire ? Le célèbre « on va tous mourir » n’est pas forcément rassurant. D’autres expressions se sont révélées très maladroites, comme par exemple « distanciation sociale », qui est source de confusion. Des termes concrets comme « distanciation sanitaire » ou « respect des distances » sont moins anxiogènes. On voit par là qu’il ne peut y avoir résilience que lorsqu’il y a confiance. Cela permet de se défaire d’un rapport de force et d’aller vers plus de bienveillance dans l’application de mesures qui peuvent apparaître coercitives dans une démocratie. C’est la confiance qui permet d’équilibrer le couple liberté et sécurité. Ainsi, dans une république démocratique mature comme le nôtre, face à l’urgence, n’aurait-il pas été plus sain de faire appel à la responsabilisation de chacun en informant clairement la population des risques et des moyens de se protéger de la Covid19 plutôt que d’infantiliser les citoyens par des discours de menaces ? Un État démocratique comme le nôtre a-t-il vocation d’imposer des règles sécuritaires à une population qui se trouve, du coup, réduite à l’obéissance ? Est-il vraiment indispensable de menacer d’une amende un citoyen qui part se promener dans une forêt déserte ou une plage sous prétexte qu’il prendrait le risque d’y faire circuler le virus ? Au nom de quel principe républicain la sécurité ne pourrait-elle pas reposer sur la liberté de chacun d’adapter son comportement pour protéger les autres et lui-même de la transmission d’un virus ? La confiance en l’intelligence et l’esprit civique de nos concitoyens aurait pu être envisagée.

Propositions concrètes : les solutions à court et long termes

Rétablir la confiance réciproque entre citoyens et autorités publiques par un discours public de vérité valorisant le couple sécurité-liberté, renforçant du même coup la fraternité, elle-même ciment entre liberté et égalité.

Pour cela, nous proposons la mise en œuvre de plusieurs chantiers concrets :

  • créer un comité d’éthique pour garantir, en cas de crise, une information gouvernementale authentique, crédible et responsable à la population ;
  • « ré-enseigner » aux élèves le civisme par le biais de l’instruction civique, par exemple par l’apprentissage des bons gestes et comportements en cas de crise sanitaire ou pour la défense de l’environnement, cet enseignement se donnant pour but de faire comprendre aux enfants qu’adultes, ce seront eux qui feront la société, avec l’aide de leurs représentants ;
  • axer plus encore l’enseignement sur le développement de l’esprit critique dans lequel le doute, au cœur de toute démarche scientifique, conduite par la raison, serait une valeur centrale permettant les progrès de la connaissance. Face à la multiplication des médias d’informations, télévisuels ou numériques, l’exercice de l’esprit critique paraît plus indispensable que jamais ;
  • redonner du sens au collectif et au représentatif par une République plus parlementaire et moins centralisée autour d’un pouvoir exécutif très présidentiel inscrit dans une tradition historique de monarques thaumaturges ;
  • sortir de la culture de masse, publicitaire et communautaire, pour redonner à la politique une vision à long terme, reposant sur des projets reconnus vitaux, discutés et consensuels, comme la défense de l’environnement, la sécurité sanitaire, la politique culturelle, l’indépendance alimentaire, énergétique, industrielle…

Pour une République mature où les discours de vérité contribueraient à restaurer la confiance entre gouvernants et gouvernés, où la responsabilité des citoyens serait davantage sollicitée afin qu’ils comprennent mieux l’ordre public sanitaire et acceptent en toute conscience de restreindre leurs libertés pour le bien de tous et d’eux-mêmes.

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