Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

La Cité et les nouvelles solidarités

Respectable Loge, Demain, Orient de Paris, Région 11 Paris 1

Mots Clefs : Énergies solidairesEngagementNouvelles solidaritésRéserve Civique

La crise sanitaire que nous traversons a mis en lumière de nombreuses inégalités que nous ne découvrons pourtant pas. Fragilité des plus modestes, difficultés des familles monoparentales, logements exigus, fins de mois difficiles et nécessité de recourir à différentes formes de solidarité. Ces inégalités se sont également exprimées territorialement entre franciliens et « provinciaux ». Entre zones rouges et zones vertes. Entre Paris et sa banlieue. Entre quartiers pavillonnaires et grands ensembles. Entre possesseurs d’un balcon ou non.

Pendant près de deux mois, chacun a pu se rendre compte de la chance qu’il avait ou qu’il n’avait pas d’habiter son quartier et sa ville, de télé-travailler ou non, d’avoir une bonne connexion internet et de bons équipements numériques ou non, d’avoir recours au chômage partiel ou non.

Face à cela, de nombreuses formes de solidarité, parfois nouvelles, ont vu le jour à différentes échelles. Elles rassurent quant à l’état de la Fraternité dans notre pays et de la capacité de nos compatriotes à s’indigner et s’engager mais posent des questions quant à leur capacité à perdurer dans le temps comme des éventuels risques et bénéfices de voir se décentraliser la « charge » sociale longtemps centralisée par les collectivités locales, l’État et les grandes associations caritatives.

Solidarité institutionnelle, populaire, communautaire

Les collectivités locales et notamment les premières d’entre elles, les communes (et les départements), ont longtemps fait office de coordonnatrices de la solidarité aux côtés des services de l’État et des fondations et associations très structurées.

A travers les CCAS, les villes ont elles-mêmes mis en place des dispositifs locaux d’accompagnement des plus fragiles : politiques d’accès au logement social, fonds de solidarité pour le logement, aides à domicile, épiceries sociales, aides sociales à l’enfance, soutien scolaire, aide au départ en vacances, point d’accès au droit, etc. Une politique du guichet très administrative et descendante.

A leur côté, et parfois par délégation de fait (en accordant des subventions importantes), les grandes associations nationalement reconnues comme le Secours Populaire ou les Restaurants du Cœur complètent le maillage territorial en répondant notamment aux besoins en matière d’aide alimentaire. Ces associations fonctionnent selon un modèle très organisé voire fermé avec des bénévoles souvent très anciens et réguliers.

Enfin, des formes plus ou moins individuelles et plus ou moins souterraines et communautaires ont toujours existé. C’est particulièrement vrai et organisé chez nos compatriotes immigrés de première ou deuxième génération où des systèmes de solidarité existent depuis des décennies (tontines, caisses de villages en Kabylie, etc…).

Nous l’avons tous constaté : depuis le mois de mars 2020, les besoins et les demandes ont explosés. Bien entendu, plus particulièrement dans les villes et quartiers populaires. Nous avons toutes et tous en tête les images des très longues files d’attente devant les distributions alimentaires.

Dans le même moment, se sont développés – aux côtés des grandes associations (qui ont joué leur rôle ; les restaurants du cœur ayant par exemple prolongé leur campagne d’hiver) – des collectifs plus ou moins répertoriés et organisés à l’échelle locale ou d’un quartier. Certains de ces collectifs qui n’ont pas nécessairement suivi le parcours classique de constitution en association (déclaration, statuts, etc..) peuvent interroger quant à un éventuel « agenda caché ».    

La solidarité de proximité, telle que nous la pratiquons dans notre vie quotidienne avec nos proches, voisins, seniors a été tout au long de ces derniers mois très régulièrement mis en avant dans les médias et de nouvelles pratiques ont vu le jour. Propositions de gardes d’enfants pour les personnels soignants ou professionnels ne pouvant télé- travailler, travail dans les champs, soutien et accompagnement des seniors et personnes vulnérables, soutien aux soignants que l’on applaudissait aux fenêtres à 20h, etc…le nombre d’initiatives individuelles a explosé.

Elles se sont développées très rapidement, en réaction à une situation historique, particulièrement anxiogène et en dehors des institutions et des cadres classiques, anciens et parfois dépassés des associations caritatives qui ne sont plus toujours en concordance avec les possibilités et les rythmes de celles et ceux qui souhaitent s’engager tout en gardant une certaine forme de liberté quant aux contraintes horaires et à la régularité qu’elles demandent.

Libérer les énergies solidaires

La crise a donc permis que la solidarité redevienne un quasi-devoir. Le risque est que le soufflé de l’engagement retombe aussi vite qu’il est monté avec le retour à la vie « d’avant » et avec lui du rythme professionnel et des soucis du quotidien qui sont autant de freins potentiels. L’enjeu est à présent de capitaliser sur cette dynamique pour que cette soif d’engagement se poursuive et trouve des débouchés à long terme.

Cela pourrait commencer par essayer de sortir d’une logique purement verticale de la solidarité. Il faut libérer les énergies et donner la possibilité à tous de s’engager dans un cadre et des contraintes plus souples.

A ce titre, les municipalités pourraient accompagner cette dynamique en proposant par exemple une plate-forme numérique (sur le même modèle que la « réserve civique » lancée pendant la crise) qui centraliserait tous les besoins et offres sur la commune. Chaque citoyen pourrait alors, aux côtés des associations, proposer ses services.

Les administrations elles-mêmes doivent s’engager dans un traitement plus horizontal et transversal de leurs politiques de solidarité en « dé-municipalisant » un certain nombre de services à la population et en sortant d’une logique purement subventionnelle de la solidarité.

Par exemple, en réponse à un constat d’éloignement de plus en plus important des jeunes des dispositifs municipaux, la mairie d’Evry – Courcouronnes (91) a lancé « La Fabrik’» en 2016. Il s’agit d’un lieu ressource, en plein centre-ville, facilement accessible et ouvert en soirée et le week-end dans lequel le service jeunesse de la Ville s’est installé. Les jeunes et étudiants (15000 étudiants, moyenne d’âge sur la ville de moins de 30 ans) ont donc la possibilité d’y rencontrer sans rendez-vous un agent municipal pour prendre des informations ou présenter un projet personnel. Les freins qui peuvent exister à l’idée de se rendre dans un service municipal au sein de l’Hôtel de Ville disparaissent. Un espace convivial pouvant accueillir des événements et expositions complète le lieu. En 4 ans, le nombre de 15-24 ans « touchés » tous les ans par la municipalité a triplé.

Nous pourrions également imaginer un tel dispositif « hors les murs » pour les services «vie associative et engagement citoyen», «seniors» et une partie des CCAS.

Proposition phare

Redonner du sens à l’engagement citoyen et le revaloriser symboliquement. Mettre en avant celles et ceux qui donnent de leur temps et de leur énergie au service de la collectivité.  Faire des municipalités le relais entre les habitants, les associations, les autres collectivités et partenaires institutionnels tout en veillant à ce qu’elles respectent la loi et les valeurs de la République.

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