Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

Une situation de crise dans une société démocratique permet-elle une limitation des libertés ?

Respectable Loge, Intersection, Orient de Paris, Région 12 Paris 2

Mots Clefs : Droit à la vieÉtat d’urgence sanitaireService public de la Justice

Une pandémie provoque de profondes modifications économiques, politiques, juridiques, sociales et psychologiques parfois sur plusieurs générations. La planète a été foudroyée par le danger du coronavirus, peu connu et exposant dangereusement le lien social.

   Le virus a également bouleversé les démocraties qui ont toutes mis entre parenthèses les libertés fondamentales.

La déclaration d’état d’urgence sanitaire peut-elle mettre entre parenthèses les libertés ?

   L’état d’urgence sanitaire, institué le 23 mars 2020, permet-il de mettre entre parenthèses toutes les libertés fondamentales à l’exception de celles qui sont exercées au sein du foyer familial ? La question du droit à la vie étant posée, les États ont privilégié le droit à la Vie au détriment de la vie économique et en ce sens on peut considérer cela comme un progrès.

   Les critères de suppression des libertés doivent se définir comme strictement nécessaires, proportionnés, limités dans le temps. L’état d’urgence sanitaire ne doit pas signifier que nous sortons d’un état démocratique.

L’état d’urgence sanitaire » a percuté « l’état démocratique » normal.

   Le processus de prise de décision. L’état d’urgence sanitaire, le 5ème sous la Vème République, s’appuie sur le précédent lié au terrorisme (loi de 2015). La loi du 23/03/20 a créé l’article L3136-4 du Code de la Santé conférant au premier ministre des pouvoirs étendus.Cette loi votée par les deux assemblées, sans amendement et dans un délai de 72h, pose question.

   La rapidité de l’adoption de la décision, après un certain retard dans l’appréciation de la situation, alors que le virus circule depuis 3 mois, que l’Italie et l’Espagne ont déjà opté pour le confinement, interpelle quant à la possibilité d’une réelle analyse critique parlementaire. Les parlementaires ne se sont-ils pas trouvés « coincés » rendant le « juridique » incapable de fonctionner correctement ?

   La ministre de la santé détenant des données sur le virus, elle-même médecin de formation, démissionnant pour se présenter aux élections municipales a renvoyé une image de relativisation et de banalisation. Le défaut d’information sur la nocivité du virus, sur l’état réel du système de santé ainsi que les informations contradictoires n’ont-ils pas annihilés toute forme de réflexion et de discussion ?

D’autres questions toutes aussi graves se posent :

Le choix des malades du coronavirus au détriment d’autres n’a-t-il pas masqué les défaillances de l’État ?

L’État a-t-il protégé les citoyens en créant une situation de privation des libertés fondamentales et pérennisant pendant 2 mois des mesures initialement prévues pour quinze jours ?

Le débat démocratique n’a pu s’organiser pour un confinement d’une durée de 2 mois. Les dirigeants politiques ont-ils « manipulé » les parlementaires pour obtenir aisément un confinement qui une fois voté serait renouvelé ?

   Le rôle trop effacé du Parlement a placé le citoyen dans une assignation à résidence sans lien avec ses représentants locaux.

   La crise du coronavirus a forcé le trait des imperfections constitutionnelles de la Vème République. De fait, une forme de « pleins pouvoirs » dévolus à l’Exécutif est adoptée extrêmement facilement, lorsque les conditions de l’urgence sont créées. Des personnalités « iconoclastes » (Trump, Bolsonaro) dans l’usage de leur puissance et leur psychologie propre sont au pouvoir, y compris dans des sociétés démocratiques. L’état d’urgence sanitaire ne doit pas conduire à renforcer les pouvoirs populistes supposés protéger le peuple d’un grand ennemi. Le risque est donc de voir valider à long terme des mesures provisoires.

   Le Président a occupé une fonction paternaliste. Son allocution initiale a évoqué une guerre alors même qu’aucune stratégie n’a été évoquée.

   La question du masque et des tests de dépistage n’a guère été exposée au début.  Cela a maintenu le pays dans un climat de précarité sanitaire, faisant durer le sentiment de l’urgence sanitaire, suggérant l’absence d’alternative à la suspension de toute liberté d’aller et venir. L’hôpital de campagne dressé par l’Armée dans le Grand Est a validé la notion de guerre et d’urgence sanitaire.

    Les dysfonctionnements de l’appareil judiciaire comme la suspension des libertés fondamentales n’a-t-elle pas été disproportionnées par rapport aux risques sanitaires ?

   Pour répondre à cette question démocratique par essence, il convient de relever les points suivants :

   – les délais concernant les voies de recours des décisions étaient suspendus jusqu’au 30 juin 2020 ;

   – Suspension du fonctionnement du système judiciaire et de toutes requêtes, référés, toutes voies de recours, tout accès au juge judiciaire sauf extrême urgence ;

   – en matière pénale, les détentions provisoires ont été prorogées de plein droit de 6 mois sans comparaître devant un juge judiciaire pour les faits de nature criminelle. Ne s’agit-il pas là de « lettre de cachet » ? ;

   – l’Exécutif a choisi de proroger les détentions provisoires sans comparution devant un juge judiciaire. Ne s’agit-il pas d’une violation de la séparation des pouvoirs et donc d’une violation de l’article 66 de la constitution ? ;

   – pourquoi ne pas avoir maintenu les audiences par visio-conférence par respect des libertés fondamentales ? ;

   – absence d’avocat en garde à vue, ou avocats présents par voie téléphonique ce qui pose question sur le secret professionnel et le tiers présent téléphoniquement ;

   – les audiences de comparution immédiate et jugements publics rendus à huis clos car les conditions de sécurité sanitaires étaient impossibles à faire respecter ;

   – l’ordre des avocats du Barreau de Paris a suspendu la désignation d’avocats de permanence car un grand nombre d’entre eux ont été atteint du coronavirus ;

   – le droit et la représentation des plus faibles (les enfants en danger) ont été inexistants alors que le rôle de la démocratie est de les amener à une citoyenneté pleine et entière. Toutes formes d’investigation et de recherche concernant les situations de maltraitance à enfant ont été mis entre parenthèse. Le service des urgences médicales fonctionnait alors que le service des urgences sociales était déserté. Par peur de mourir médicalement, on mourrait socialement ;

   – la justice des mineurs ne fonctionnait qu’en présence du seul magistrat ;

   – les services des juges des tutelles ne fonctionnaient pas ;

   – peu de jugements civils ont été rendus y compris par des juges uniques.

   Comment peut-on justifier une telle atteinte au droit des personnes ? L’accès au juge judiciaire et les libertés fondamentales ne constituent-t-ils pas un pilier de la démocratie ? L’atteinte à l’accès au garant de la liberté individuelle est manifeste.

   La suspension des délais d’examens des questions prioritaires de constitutionnalité. Le contrôle de constitutionnalité de la loi sur l’état d’urgence sanitaire, rendu par le Conseil constitutionnel le 26 mars, a validé la suspension des délais d’examens des questions prioritaires de constitutionnalité alors même que la loi crée un nouveau délit, celui d’entrave au confinement. Le délai est suspendu jusqu’au 30 juin 2020. Au moment le plus critique pour elles, le service public garant des libertés fondamentales et du bloc de constitutionnalité est suspendu de ses fonctions !

Solutions préconisées pour garantir un bon contrôle juridictionnel en temps de crise

   Le maintien du service public de la justice, garant des libertés individuelles, est indispensable.

–  Mise en place d’un plan d’action de service public de la justice dans l’hypothèse d’une situation sanitaire analogue

–  Voies de recours et actes juridictionnels dématérialisés.

–  Magistrats et avocats, greffiers peuvent télétravailler et rédiger des jugements et conclusions.

–  Généralisation des procédures orales pénales par VISIO conférence,

–  Convocation des parties par mail et non lettre recommandée exclusivement.

–  Convocation des parties par mail et non exclusivement fax.

–  Accès au dossier des juges pour enfants, tutelles et pénaux par liens RPVA

–  Accès aux bibliothèques juridiques virtuelles gratuites.

–  Réduction de la durée d’examen des QPC (au lieu de leur suspension).

–  Ne pas mentir pour ne pas affaiblir la parole publique et renforcer l’incivilité publique.

   Pour conclure, le coronavirus s’attaque aux organes vitaux de l’homme mais aussi aux droits de l’Homme.

Proposition phare : le maintien du service public de la justice, garant des libertés individuelles, est indispensable.

A lire aussi

Cet article est unique.

Aucun article n'a les mêmes mots-clefs.