Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

Télétravail

Respectable Loge, La Tolérante Amitié, Orient de Agen Le Passage, Région 16 Sud-Ouest

Mots Clefs : Télétravail

Pratique déjà un peu ancienne, mais propulsée sur le devant de la scène par la crise du covid, le télétravail peut sembler accumuler les avantages permis par le progrès technique depuis la révolution Internet. En permettant la communication instantanée de lourds documents accessibles partout dans le monde quelle que soit la distance, le télétravail apparaît comme un instrument libérateur. Il permettrait de s’affranchir des plus vieilles contraintes de la condition humaine, à savoir le temps et l’espace. La crise du covid aurait ainsi servi de facteur déclenchant pour accélérer des mutations rendues possibles mais encore peu utilisées à cause du poids de nos routines.

  • Le télétravail permet sur un sujet de réunir les meilleures compétences, sans avoir à tenir compte de leur éloignement physique, abolissant distances et frontières.
  • Et la communication entre ces compétences peut devenir immédiate et permanente. Le travail peut donc s’accélérer, devenir plus rapide et efficace, plus productif.
  • Le télétravail peut également alléger les entreprises d’une partie de leurs coûts fixes.

Le télétravail serait donc hautement souhaitable pour notre économie.

Au-delà de son seul intérêt en interne pour le travail, le télétravail peut aussi présenter des avantages en externe, au niveau social global :

  • Il peut permettre pour le salarié une plus grande autonomie dans l’organisation de son travail et de son temps.
  • En limitant les déplacements physiques de personnes entre leur domicile et leur lieu de travail, il concourt à désengorger les réseaux de transport quotidiennement saturés de nos grandes agglomérations. Gain de temps mais aussi gain environnemental non négligeable.
  • En permettant de travailler depuis chez soi, le télétravail permettrait de surmonter la fracture entre vie professionnelle d’une part et vie personnelle et familiale d’autre part (voire de regagner du temps pour cette dernière).

Vive le télétravail donc ? Et vive la crise actuelle qui a permis son avènement ? Pas si simple ! Et ce tant pour des raisons internes au travail lui-même que pour des raisons sociétales plus générales.

Dans le travail tout d’abord, le télétravail n’est pas forcément si efficace qu’il n’y paraît de prime abord :

  • Efficace et rigoureux pour la transmission des dossiers, il oublie que ces dossiers ne sont souvent que le support d’un travail. Et pour faire ce travail, pour traiter ces dossiers, les contacts directs, les interactions humaines, sont indispensables : s’assurer de la bonne compréhension d’une situation et de la réponse à y apporter peut nécessiter un rapport humain direct, dont la complexité ne peut pas être totalement suppléée par la technique.
  • De plus l’efficacité du travail dépend aussi du bien-être des personnes au travail. Et ce bien-être nécessite aussi des rapports humains entre collègues, dont on ne peut guère imaginer se passer globalement et durablement. La machine à café est un lieu essentiel, pour les individus mais aussi pour le travail lui-même.
  • Enfin, en isolant les télétravailleurs, il rend plus difficile l’organisation de la cohésion au sein de l’entreprise ainsi que la transmission des savoirs, savoir-faire et savoir-être en son sein.

Indéniable dans certaines situations ou à court terme, l’efficacité économique du télétravail demeure donc plus problématique s’il s’agit de généraliser son emploi.

Mais c’est surtout au niveau social global que le télétravail touche ses limites :

  • Le télétravail bouleverse la relation salariale classique au sein de l’entreprise perçue comme une unité de lieu et de temps, ainsi que le droit social qui a bâti ses garanties sur ce cadre. Il expose le salarié à une nouvelle vulnérabilité, à de nouvelles formes de subordination individuelles.
  • Le télétravail ne peut pas s’appliquer à tous les types de travail. Possible, avec les limites évoquées ci-dessus, pour certaines professions, il est inenvisageable pour bon nombre de professions physiques ou de services à la personne. Généraliser le télétravail, c’est alors risquer de créer une société à deux vitesses, entre les exécutants physiquement présents au monde d’une part, et les professions plus intellectuelles pouvant s’exercer par cette médiation, en « distanciel ».
  • Le télétravail insère le lieu professionnel dans l’espace personnel. Cela peut paraître séduisant (« réunir ce qui est épars »). Mais ces espaces ont aussi besoin d’être séparés. Le confinement a montré que nous avons besoin de plusieurs espaces distincts (personnel, familial, de loisirs, professionnel). Savoir les réunir en nos personnes peut être un résultat souhaitable, mais ne veut pas dire les confondre constamment.

Si donc le développement du télétravail est inéluctable, gardons-nous de céder à sa fascination.

  • Il faudrait veiller à ce qu’avec le télétravail le XXIème siècle ne recrée finalement pas l’entreprise paternaliste du XIXème siècle où le patron, fût-il bienveillant (ou moderne et innovant), aurait la maîtrise d’un lien individuel avec ses employés et donc le contrôle de tous les aspects de leur vie. Il est indispensable pour cela de l’inclure rapidement dans un droit du travail négocié collectivement.
  • Les nouveaux espaces de travail partagé (co-working) peuvent être une voie à explorer pour concilier la proximité du travail par rapport au domicile et en même temps la nécessaire distinction de ces deux espaces, tout en créant un espace de travail collectif et mutualisé.
  • Gardons également en tête que le télétravail peut aussi ignorer les frontières : son développement pourrait alors contribuer à la perte de nombreux emplois sur le territoire national.

Le télétravail mis en avant dans la crise actuelle est ainsi certainement un outil intéressant, individuellement comme collectivement, et son développement paraît inéluctable. Mais il n’est pas pour autant nécessaire qu’il devienne le seul horizon du travail pour le siècle à venir. Il importe qu’il ne supprime pas la part humaine du travail et ne se transforme pas en outil de contrôle de l’ensemble de nos vies par le travail. Préserver l’homme et la liberté dans le travail demeure essentiel.

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