Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

Créons un nouveau monde du travail

Respectable Loge, Bartholdi Liberté, Orient de Clermont-Ferrand, Région 6 Est et Loges de Suisse

Mots Clefs : CoopérationFrugalitéPartageUbérisationUtilité sociale

Coups portés par la covid 19 aux modes de travail anciens.

L’apparition du virus a bouleversé la notion de travail. Il a fallu dans l’urgence réduire, stopper les activités humaines et recourir à de nouvelles pratiques. Dès lors le travail a-t-il un avenir… et lequel ? L’homme va-t-il être asservi au numérique autant qu’il l’était aux machines ?

Décriée par les philosophies antiques, associée à la vision chrétienne de la peine et de la souffrance (Adam Smith), la notion de travail a été survalorisée : ce qui était punition, voire moyen de rédemption est devenu puissance de création positive (Karl Marx). Chacun a besoin de se sentir reconnu dans son travail, le rapport entre l’homme et la nature permet de le sociabiliser en réalisant une œuvre commune.

La crise a mis en lumière la valeur sociale de métiers ingrats, mal rémunérés et qui, pourtant, ont permis à la société de tenir. L’urgence sociale de préservation de l’emploi est venue se superposer à l’urgence sanitaire.

Elle a accentué concurrences et renfermements, mais a fait émerger des alternatives impactant l’organisation du travail, les échanges internationaux, le dialogue social et la conduite de l’économie.

Véhiculée par la mondialisation, la crise a permis de prendre conscience du péril écologique. Il convient donc de poser la question de la relation du travail à la nature : peut-on continuer à saccager notre planète ? Le mieux-disant social et écologique et la coopération sont ils compatibles avec le volume actuel des échanges ?

Remise en cause de la place du travail dans nos sociétés.

Certaines remises en causes (35 heures, heures supplémentaires) sont incompatibles avec un chômage de masse systémique que les crises vont amplifier. Le confinement a démontré que le prix du travail ne tient compte ni de son utilité vitale, ni de sa valeur sociale, ni même de son sens. Il a mis en lumière le déséquilibre entre travailleurs et encadrants, les délirantes disparités de salaires, l’autoritarisme et un pouvoir quasi absolu dans l’entreprise.

L’entreprise est entrée au domicile. Les nations sont devenues schizophrènes : repliées sur elles-mêmes (fermetures des frontières), concurrentes (masques) et pourtant confrontées à la nécessité de coopérer pour sortir de la crise (vaccins).

Le télétravail est d’un usage inégalitaire, trop souvent réservé à l’encadrement et permet aux entreprises le des gains financiers, une économie de foncier et de taxes, et la réduction du nombre de cadres. Pour les salariés il a pu permettre de concilier vie personnelle et professionnelle, d’abaisser la pression tout en soulageant les systèmes de transport. A grande échelle, sa généralisation entrainerait des risques majeurs qu’il importe de réduire : rupture du lien avec les collègues et l’entreprise, pollution de la vie familiale, stress dû à l’isolement et au manque de soutien hiérarchique, insécurité informatique.…

Parmi les exemples d’innovation sociale rapportés dans les médias, retenons que les hospitaliers ont pris l’ascendant sur leur hiérarchie en organisant eux-mêmes, dans l’urgence, leurs postes de travail et la gestion de leurs ressources. Ils ont pu innover, se réapproprier leur métier, expérimenter de nouvelles méthodes, les partager, retrouver des espaces de discussions qui font tant défaut dans les nouveaux modes de gestion des ressources humaines.

Le microbiologiste Philippe Sansonetti, professeur   au Collège de France, a montré que l’expansion foudroyante de cette pandémie est corrélée à l’essor des échanges inhérents à la globalisation économique.

Nous avons donc d’une part une série d’« insoutenabilités » : Sociale pour les plus pauvres, sans récoltes et sans travail, Technologique  par le numérique, Economique par l’arrêt des circuits de production et de distribution, Ecologique  par la surexploitation de la planète et enfin Juridique par l’opposition entre la justice sociale et écologique et la financiarisation qui traite les biens universels comme des marchandises.

Oui à la coopération, non à l’uberisation.

Il nous faut mettre en place des garde-fous entre monde connecté et non connecté.  En effet systématiser le télétravail engendrerait une « ubérisation » généralisée faisant des travailleurs à domicile des auto-entrepreneurs corvéables à merci (l’ordinateur remplaçant ainsi la mobylette du livreur de pizza !) avec la disparition à terme du salariat, des syndicats, de perte de cotisations sociales et de tricheries aux impôts qui fondent le financement public. Les employés séparés les uns des autres et non-solidaires pourraient être manipulés car ils perdraient conscience que leur problème personnel est aussi celui de leurs collègues. La surveillance des salariés serait facilitée dans un contexte où l’injonction à la performance individuelle, l’invasivité du numérique et le traçage à outrance se généraliseraient. Un comité paritaire pourrait exercer les contrôles et corrections nécessaires.

Par l’éloignement et l’isolement, la notion même d’entreprise, d’œuvre collective, serait remise en cause par ces recherches incessantes de talents et de compétences individuelles. Il faut promouvoir la démocratie dans l’entreprise et lever l’anonymat des centres de financement et de décision.

Le travail doit rester un droit pour tous, organisé, rémunéré et partagé. C’est un droit constitutionnel garant de la cohésion sociale. On ne peut sacrifier la sécurité de l’édifice social à la sécurité sanitaire. Pour que l’homme s’adapte aux changements technologiques et scientifiques, l’enseignement de base et la formation continue sont indispensables.

La valeur d’usage, qui intègre l’intérêt commun des marchandises et services produits, doit toujours être supérieure à la valeur d’échange marchande. Au lieu de détruire la nature par ses activités productives, l’adoption du monde de l’usage ferait de la terre une terre habitable (Hannah Arendt). La pandémie pose donc clairement la question de la résilience et la nécessité d’une société plus frugale en généralisant la démarche de l’analyse de la valeur en se demandant ce qui est juste et nécessaire avec le plus faible impact pour l’environnement et la santé.

L’utilité sociale, se définit comme l’émancipation individuelle couplée à l’utilité commune. La création d’un fond commun permettrait de distribuer des revenus complémentaires aux salariés en prenant en compte l’utilité sociale de leur travail. La grille de salaires serait revue à l’aune d’un consensus national (création d’un « Grenelle » de l’utilité sociale) intégrant utilité commune et développement durable.

Les employeurs détiennent une position de domination sur les salariés afin de leur faire respecter des critères prédéfinis. La production est devenue soumission à des rapports sociaux imposés. Il faut promouvoir des modes de management plus humains et une économie répondant à la soutenabilité sociale et environnementale, créer une représentation des salariés dans les instances dirigeantes (organiser une convention citoyenne de l’entreprise réunissant toutes les parties prenantes). Nous devons réinventer des rapports productifs fondés sur la coopération et non plus sur la concurrence de tous contre tous. Le nécessaire enrichissement du travail ne peut se satisfaire de la tache répétitive (click informatique).

Tous les partenaires ont un rôle à jouer pour reconfigurer l’activité productive sous des formes plus ancrées dans les territoires, des circuits plus courts, aptes à renforcer la résilience et le développement durable (Amap, Économie Sociale et Solidaire, économie circulaire…). Nous proposons de nommer un référent dans chaque entreprise en charge de la promotion et du respect de ces nouvelles règles.

Nous devons aller vers une entreprise inclusive : obligation d’embauche d’apprentis et stagiaires sur le mode de la règlementation handicap.

Conclusion : L’idéal pour lequel nous œuvrons ne peut se satisfaire de cette vision du travail ultralibérale avide et si peu humaniste. Tous ensemble, il nous faut revoir sa conception et sa réalisation, les liens entre production et consommation, créer et favoriser de nouveaux modes de gouvernance, réglementer l’accès aux ressources et contraindre la sphère financière à se mettre enfin au service de l’humanité.

Nos préconisations

– Réduire la fracture numérique, en donnant accès et éducation numérique à tous, avant la recherche de rapidité du net (5G).

– Télétravail :

1) Limiter la proportion de télétravail à moins de 40% du temps

2) Fourniture de tous les moyens par l’employeur

3) Encadrement strict du statut d’autoentrepreneur 

4) Interdiction de la télésurveillance par traçage.

– Faire appliquer le droit au travail inscrit dans la constitution : veiller à la limitation des heures supplémentaires et favoriser la réduction du temps de travail.

– Instaurer une véritable démocratie dans l’entreprise, et créer une convention citoyenne de l’entreprise.

– Faire primer la valeur d’usage sur la valeur marchande et créer un étiquetage adapté des produits.

– Utilité sociale du travail : conditionner la production à ce qui est juste et nécessaire, en regard des contraintes environnementales (frugalité). Soumettre les grilles de salaire à un consensus national de type (« Grenelle »). Conditionner les aides de l’État aux entreprises au respect des valeurs sociales et environnementales.

– Renforcer la résilience et le développement durable. Nommer un référent garant de la promotion et du respect de ces règles dans l’entreprise.

– Fixer un % du budget de la nation pour les formations de base et continue qui serait sanctuarisé.

– Créer des comités paritaires de contrôle du télétravail.

A lire aussi

Un nouvel horizon, une prospective maçonnique

Constats et Contexte  Le thème soumis à notre réflexion souligne la profondeur chaotique de l’Etat de santé de notre société et par la même de l’état d’esprit du citoyen moderne et soi-disant modèle. Faut-il attendre...

Lire la suite
Un nouvel Horizon

Pourquoi et comment prendre son temps ?

Ressenti La société est malade de son temps. Ce problème parcourt toutes les périodes de l’histoire. Il y a le constat que nous faisons : D’une part, les progrès de la technologie sont absorbés par la...

Lire la suite
Le Temps

En général 2

Sous la quadruple exigence des valeurs républicaines que sont « la liberté, l’égalité, la fraternité et la laïcité », après cette crise sanitaire et longue épreuve de confinement due à l’épidémie dite du covid 19...

Lire la suite
Autre et Partage