Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

Mieux répartir la richesse produite en France

Respectable Loge, L’Etoile bleue, Orient de Toulon, Région 2 Alpes Côte d'Azur

Mots Clefs : ÉconomieJustice économiquePartage des richessesSociété

Le constat

L’iniquité dans la répartition des richesses fait hélas office de tableau de fond de l’économie dans ce monde obéissant aux règles du néolibéralisme. Un patron du CAC 40 gagnait en 2017 70 fois le salaire moyen français selon l’agence Bloomberg. À l’opposé, 9 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté. Et près de 4 millions d’entre elles sont mal logées.

La répartition de la valeur ajoutée et plus particulièrement des profits est une source importante de conflits au sein de la Société française. Les intérêts respectifs des parties prenantes ne sont pas alignés. La rétribution des actionnaires en France a augmenté de 5,3 % l’an dernier alors que les salaires des non-cadres ont augmenté en moyenne de 1,8 %. Avec 51 milliards de dollars de dividendes, l’Hexagone est « de loin » le premier payeur de dividendes en Europe. À titre de comparaison, l’économie allemande a versé 38,5 milliards de dividendes sur cette période, en baisse de 11 % (latribune.fr 19/08/2019). L’Allemagne se distingue également de la France en ce qui concerne la robustesse des bilans des entreprises avec un ratio de fonds propres supérieur à 20 % pour ses PME et plus de 30 % pour ses grandes entreprises. On y compte deux fois plus de PME qu’en France. Ces entreprises petites et moyennes contribuent à hauteur de 36 % à la création de richesse.

La faiblesse en fonds propres limite les investissements, l’innovation et l’emploi. Le versement de dividendes et les programmes de rachat d’actions ont pour effet de limiter les capitaux propres et donc la résilience des entreprises. D’un point de vue micro-économique, le risque de faillite est plus grand avec ses conséquences sur les parties prenantes de l’entreprise : ses salariés (chômage), ses fournisseurs (impayés), banques (sinistre)… D’un point de vue macro-économique, le risque systémique du capitalisme pèse sur le prêteur et l’assureur en dernier ressort : l’État.

Les deux pistons du moteur du capitalisme moderne sont une privatisation des profits (dividendes pour les actionnaires) et en même temps une mutualisation du risque des actionnaires supporté solidairement par toute la Société. Ainsi l’État a massivement financé le chômage partiel du secteur privé lors de la crise financière de 2008 et renfloué le secteur bancaire. Aujourd’hui avec la crise du COVID, à nouveau, le secteur privé demande l’aide de l’État pour financer son chômage partiel, recapitaliser les entreprises (Air France,) et prêter massivement (via BPI).

Ce financement par l’État du secteur privé sans contreparties réduit à chaque fois ses propres ressources qui devraient être orientées vers les infrastructures et les services publics. L’État qui a financé le privé en empruntant via France Trésor est contraint par le remboursement de cette dette devenue publique et n’a plus les moyens d’honorer ses propres obligations dans des conditions satisfaisantes (dégradation de la situation dans le secteur hospitalier, l’éducation, la recherche, les infrastructures).

Analyse et réflexions

L’amélioration de l’équité économique passera par de multiples voies : aides aux plus faibles, aux plus démunis, réactivation des efforts de formation et de réinsertion pour ceux qui sont poussés hors du champ social et économique. La situation des paysans est dramatique et nombre d’entre eux sont poussés au suicide… Idem pour certaines professions médicales et des services à la personne dont la crise du Covid a mis en évidence l’immense utilité sociale, non reconnue, insuffisamment rémunérée alors qu’elle est tout simplement vitale.

Mais parmi toutes ces injustices, il en est une qui mérite une attention particulière. Il s’agit de la répartition de la richesse produite dans l’entreprise où la rémunération des actionnaires se fait très souvent aux dépens de ses salariés et trop souvent aux dépends des intérêts de l’entreprise elle-même et par extension de la Société qui in fine en supporte les externalités (chômage, plans de sauvetage).

Créé par la loi du 17 août 1967 sous la présidence du général de Gaulle, la « participation des salariés aux fruits de l’expansion des entreprises » ne concerne que les entreprises de plus de 50 salariés qui réalisent des bénéfices.

C’était la première vraie grande réforme qui apportait une amélioration sensible au rapport capital / travail dans l’entreprise. Aujourd’hui il convient d’aller plus loin. Car cette participation à la française comporte des lacunes. D’une part, obligatoire qu’au sein de ces grandes entreprises, elle ne bénéficie donc qu’à cette seule partie concernée de salariés. D’autre part, sa formule légale[1] est complexe, peu lisible pour les salariés et n’est pas alignée avec les dividendes des actionnaires (elle est indexée sur le résultat net fiscal de l’entreprise).

Il convient d’intervenir pour rééquilibrer le partage des profits entre les 3 composantes, source de la création de valeur ajoutée.

Cela aura pour conséquence d’aligner les intérêts des salariés et des actionnaires d’une part, et d’autre part de mieux préserver la pérennité de l’entreprise en France et donc par extension toute l’économie française.

Cette disposition ne résout pas l’ensemble de la problématique énoncée mais elle améliorerait considérablement le sort de millions de salariés, donc de consommateurs tout en renforçant l’économie réelle (investissements, innovation).

Propositions

Supprimer le dispositif de la participation aujourd’hui inadapté et insuffisant ;

  1. Créer un dividende social universel.

Ainsi toute distribution d’un profit ou tout programme de rachat d’actions, quelle que soit la taille de l’entreprise, s’accompagnera de la règle des trois tiers :

  1. un tiers pour les actionnaires : le dividende à proprement parler ;
  • un tiers faisant l’objet d’une dotation en réserve légale : en pratique ces fonds renforcent les capitaux propres et donc les ressources de l’entreprise pour l’investissement, l’emploi et sa résilience ;
  • un tiers pour tous les salariés : le « dividende social[2] » : d’un montant égal au dividende versé aux actionnaires, il reprendra la logique de la participation au sens de l’article L. 2313-8 du code du travail. Le dividende social pourra donc faire l’objet d’un versement aux salariés sous forme de prime ou d’un placement dans le plan d’épargne entreprise et être abondé si l’entreprise le souhaite.

Pour éviter les « portes dérobées », le dividende social s’appliquera par extension sur l’ensemble des structures juridiques (holding, groupe) de l’entreprise et fera l’objet d’un rapport spécial des commissaires aux comptes dans les sociétés concernées.

Ainsi les intérêts des parties prenantes seront équilibrés : propriétaires, travailleurs salariés et Société.


[1] Réserve spéciale de participation (RSP) = ½ [B – 5% C] x [S/VA]

[2] Terme employé par Giacomo Corneo, mais dont la portée ici est différente.

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