Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

Le télétravail et ses réalités

Respectable Loge, Louise Michel, Orient de Limoges, Région 5 Centre

Mots Clefs : Co-constructionPrioritéTélétravailTiers-lieuTransformation

Le télétravail et ses réalités

Les dispositions légales relatives au télétravail sont prévues aux articles L. 1222-9 et suivants du Code du travail depuis la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012. Le télétravail est défini comme « toute forme d’organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon volontaire en utilisant les technologies de l’information et de la communication » (article L. 1222-9 du Code du travail). Le décret n° 2016-151 du 11 février 2016 détermine les conditions d’exercice du télétravail dans la fonction publique. Le décret 2020-524 du 5 mai 2020 modifie de façon importante le décret n° 2016-151 du 11 février 2016 relatif aux conditions et modalités de mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique.

Ce nouveau mode de travail révèle de nouvelles attentes des salariés qui ont la possibilité de le pratiquer (nous ne parlerons pas ici des postes « non-télétravaillables » et des problématiques d’équité que cela pose) ! Une grande majorité des personnes qui n’avaient jamais télétravaillé avant la crise du Covid-19 aimeraient travailler à domicile au moins une fois par semaine à l’avenir. Les salariés y ont vu de nombreux avantages : 

– Gain de temps (dans les transports notamment),  

– Meilleure gestion du temps de travail,  

– Augmentation de l’autonomie dans la gestion des tâches, 

– Environnement calme qui permet une meilleure productivité, 

– Meilleur équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle,  

– Diminution du stress…

Mais parfois certains n’ont pas vu les côtés négatifs du télétravail durant le confinement :

– Déconnexion difficile : difficile à la maison de faire la scission entre le travail et la vie privée ce qui pose d’autant plus la question du droit à la déconnexion numérique

– Éducation et gestion des enfants en l’absence d’école soit un double travail

– Absence ou diminution de communication non-verbale et culte du « paraitre » renforcé par la webcam ce qui peut exacerber les tensions entre collègues

– Perte de sens (après le « burn-out » et le « bore-out », le « brown-out »)

– Surcharge de travail,

– Et pour les « salariés managers », difficulté de « doser » la charge de travail des équipes et encore plus difficile de contrôler ce même travail autrement que par du management par objectifs (contrôle sur des livrables par exemple) ou, pour les plus méfiants, grâce à des outils de « télésurveillance » d’activité ce qui pose la question du respect de la vie privée des personnes…

Les nombreuses entreprises qui avaient déjà mis en place le télétravail, le plus souvent dans le cadre d’un accord ou d’une charte, ont pu rapidement déployer cette organisation pour atténuer les effets du confinement. Pour les autres, il a fallu en urgence donner aux salariés les moyens essentiels de travailler depuis leur domicile : mise à disposition d’ordinateurs portables, de clés d’accès aux serveurs de l’entreprise, renvoi de lignes téléphoniques… (pour les fauteuils ergonomiques, les écrans panoramiques et le son de qualité, il conviendra de s’équiper soi-même… ou d’oublier)

Le télétravail est-il vraiment un idéal ?

Avec la crise sanitaire liée au COVID 19 et grâce au télétravail, on constate un changement de paradigme : avant on travaillait et ensuite, la vie personnelle s’exerçait en fonction du temps resté libre. L’importance du travail n’est pas la même : il est domestiqué, il revient au cœur du foyer, c’est une activité parmi d’autres. Il a retrouvé son sens : il est redevenu un moyen. Il se mêle aux autres activités et n’est plus un accomplissement suprême ni une raison d’être. En reprenant sa juste place, le travail a perdu son hégémonie.

État de l’art sur le sujet

« Le retour du télétravail doit être l’occasion de repenser globalement l’organisation du travail », estime Isabelle Barth, professeure en sciences du management, qui s’inquiète de la tentation de réduire les temps jugés « improductifs ».

Globalement, il est admis que le télétravail revêt trois formes majeures : sédentaire (télétravail à 100%), alterné (télétravail le plus courant avec un partage du travail dans les locaux professionnels et dans un autre lieu de son choix) et enfin nomade (déplacements constants du télétravailleur). Le télétravail a été, durant ce temps inédit de confinement, un télétravail « imposé », « de guerre » et en aucun cas un télétravail voulu, accepté, appréhendé, paisible. Sa mise en place s’est effectuée, pour bon nombre d’entreprises, sans véritable préparation. Nous sommes loin des conditions initiales du télétravail qui supposait un double volontariat : celui de l’employeur et de l’employé de sorte qu’aucun des deux ne pouvait l’imposer à l’autre. C’est d’autant plus vrai qu’aujourd’hui, les avis des chefs d’entreprise divergent à l’extrême. Certains considèrent le « télétravail » comme une voie d’avenir ; les autres, l’assimilent aux « télé-vacances ». Ces points de vue révèlent avant tout que la mise en place du télétravail à grande échelle et de manière pérenne ne peut s’effectuer sans une grande préparation en amont. Il en va de l’intérêt de l’employeur et du salarié.

Propositions concrètes pour le télétravail de l’après

Poursuivre et amplifier le soutien des initiatives de type tiers-lieu pour tout type de télétravail (public, privé) : les tiers lieux sont des points de rencontre et de travail nomades. Les télétravailleurs peuvent s’y rendre et ainsi côtoyer d’autres télétravailleurs, issus d’horizons complètement différents. Il s’agit d’espace de travail mutualisé permettant aux télétravailleurs d’accéder à des services professionnels et créant de l’interaction et à l’entreprise de rationaliser ses coûts de structure. L’ambiance y est souvent moins stricte qu’au bureau tout en étant efficace et conviviale. Ces espaces de travail partagés permettent de concilier les avantages du travail à domicile avec le monde proche de l’entreprise en recréant un lieu permettant d’entretenir un lien social avec les autres travailleurs, qui sont issus d’horizons complètement différents. Depuis dix ans, les tiers-lieux ont déjà montré leur utilité parce qu’en « rassemblant ce qui est épars », ils constituent une réponse pertinente au télétravail. Ceci est d’autant plus vrai notamment en milieu rural où les télétravailleurs à domicile sont confrontés à des problématiques d’accès au très haut débit, indispensable pour un travail de qualité (travail en visio-conférence, sur des fichiers volumineux, traitements gourmands en débit sur des serveurs distant) ; ces modèles de collectifs ont fait leur preuve proposant à la fois à des « co-workers » un bureau équipé de connexion très haut-débit et la possibilité de travailler avec de « nouveaux collègues » d’autres structures avec qui partager des rituels de travail (pauses café et repas en commun, échanges intellectuels informels, construction de projet commun, …) donc des « tranches de vie » personnelles et professionnelles.

Considérer le chantier du télétravail comme un des chantiers prioritaires au niveau national pour que chaque entreprise/collectivité,… puisse poursuivre (pour certaines entités, le télétravail s’appuie déjà sur des accords ou chartes existants dans l’entreprise ou l’administration) ou tout du moins ouvrir le dialogue sur ce sujet avec ses salariés et le considérer également comme la priorité de l’année à venir (une priorité doit être assortie de moyens pour ne pas rester qu’une idée); ouvrir le dialogue sans imposer car si le concept du télétravail peut-être commun, la mise en œuvre ne peut l’être compte-tenu des diversités de contexte ; ainsi, la réponse doit être nécessairement co-construite et adaptée au contexte pour que le télétravail s’inscrive dans une relation « gagnant-gagnant » pour l’employeur et ses salariés. L’objectif est que le télétravail devienne réellement l’égal du travail avec les mêmes droits et les mêmes devoirs (ce qui n’est pas toujours le cas en réalité) même si l’alternance télétravail/travail en présentiel doit être privilégiée afin notamment d’éviter le phénomène d’isolement du télétravailleur et les risques professionnels associés tels que les risques psychosociaux : la consolidation du télétravail de l’après dans les entités doit s’imaginer avec un accompagnement fort de l’employeur qui, au-delà des moyens techniques à mettre en œuvre (ordinateur, accès distant, …) doit accompagner davantage ses salariés dans ce changement de paradigme : des sessions de formation en distanciel et/ou présentiel en présence et en l’absence de la hiérarchie sont essentielles pour confirmer ce nouveau mode d’organisation du travail et éviter les écueils connus.

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