Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

Pourquoi et comment prendre son temps ?

Respectable Loge, Humanisme et Progrès, Orient de Toulon, Région 2 Alpes Côte d'Azur

Mots Clefs : FuiteLutteSociétéVitesse

Propos liminaires

Le choc épidémique a montré notre extrême vulnérabilité et nous aura peut-être donné l’occasion de prendre conscience de la nécessité de mettre en œuvre des moyens nécessaires à notre survie. Si la plupart des réponses à cette crise doivent être apportées par un appareil d’État solide, il apparait que les citoyens doivent également prendre leur part de responsabilité dans la mise en œuvre de « solutions d’avenir ». Cette « responsabilité humaine » conduit à interroger nos comportements individuels et collectifs en particulier face au danger.

Constats

La fuite est le premier acte réflexe quand le malheur s’abat sur le monde De multiples études scientifiques ont mis en évidence le phénomène de fuite rapide quasi instinctive des animaux lorsque leur vie est en danger. Par bien des aspects, la crise liée à la pandémie de la COVID nous a montré que l’homme en proie à une menace existentielle répond lui aussi par une frénétique fuite en avant conduisant en particulier la plupart des « dirigeants » à prendre dans l’urgence des décisions parfois contradictoires conduisant souvent à la confusion.

Nous vivons dans une société qui s’est donnée pour crédo d’aller toujours plus vite et la plupart d’entre nous, nous nous estimons victime de cet emballement que nous pensons inhérent à l’évolution intrinsèque de notre société. Nous ressemblons à ces hamsters en cage s’employant à tourner frénétiquement leurs roues. Poussés par les GAFA qui nous donnent tous les outils nécessaires pour être au cœur de la grande course mondialisée, nous nous épuisons quotidiennement à faire tourner notre roue avec l’illusion d’être au cœur du « process » et sans même prendre conscience que notre comportement conduit irrémédiablement à augmenter la vitesse de rotation de la roue. Nous sommes dans un système qui « s’autoalimente ».

Réflexions

La fuite n’est pas toujours la réaction la plus efficace pour échapper au désastre. La stratégie de l’économie et de la lenteur ont aussi leurs vertus. Cette stratégie, que l’on pourrait également nommer « la stratégie du pas de côté » est également un moyen de lutte, sans doute moins « naturel » que la fuite mais peut être plus efficace pour affronter une conflagration universelle.

La vitesse conditionne notre vision de « l’environnement ». La vitesse nous exclue de l’endroit où l’on est. En effet, plus on va vite, plus notre regard se porte naturellement « loin devant » et plus on est « ailleurs ». De ce fait, il est très facile d’ignorer ce qui se passe à sa porte et de ne pas voir la réalité telle qu’elle est. La vitesse est un bon moyen de nier les évidences et d’éluder les questions essentielles. Ralentir c’est finalement pénétrer la « vraie vie ».

Nous construisons avec ardeur une société capable de mettre au ban sans vergogne ceux qui ne veulent pas ou ne peuvent pas suivre le rythme qu’elle impose tout en déclamant dans une novlangue ridicule les vertus de la « slow life ». Nous sommes, une nouvelle fois, en plein dans les injonctions contradictoires. « Prenez votre temps » nous disent les nouveaux prophètes quand « la société automatique » dans laquelle nous évoluons, après nous avoir poussé à être de plus en plus réactif, exige dorénavant de nous, comble du cynisme que nous soyons pro-actif, c’est-à-dire à l’initiative même du changement.

Il est vrai, que vouloir prendre son temps dans une société mondialisée, c’est prendre le risque de décrocher, d’être marginalisée et finalement de ne plus être « dans le jeu ». Il est d’ailleurs assez troublant de constater que la crainte d’être « écarté du jeu » nous parait aujourd’hui bien plus grande que celle de voir le monde s’effondrer, menace pourtant bien réelle, à laquelle il nous est difficile de croire.

Mais, c’est une erreur de croire que l’on n’y peut rien changer. La vitesse n’est pas un impératif qui s’impose à nous. Faut-il rappeler que nous avons tous individuellement la responsabilité de nos actions et aussi une responsabilité collective dans la construction de notre société.

Propositions

A ce stade de la réflexion, je dois avouer que j’étais tenté ici de rassurer le lecteur en levant une possible ambiguïté. Dans une société qui a érigé la vitesse en vertu et dans laquelle pour bon nombre de personnes, prendre son temps, c’est le perdre, faire le choix de ralentir ne signifie pas pour autant faire le choix d’une vision hédoniste de la vie consistant à en jouir sans chercher à réfléchir au lendemain et a fortiori à s’en préoccuper.

Pour répondre à la question du « pourquoi », j’étais tenté de suggérer quelques pistes de réflexions « écoresponsable » donc plutôt dans l’air du temps. Pourquoi prendre son temps ? « Pour être au rythme de la nature. Diantre ! »

Sans omettre d’évoquer quelques raisons consensuelles avec lesquelles il semble plutôt difficile d’être en désaccord ; « Pour être créatif, imaginatif » et d’autres sans doute moins évidentes mais assez peu discutables ; « Pour anticiper voire pour planifier ».

Pour assurer du sérieux de mon propos, j’étais prêt à proclamer « Pour mettre en œuvre sa capacité à agir avec mesure et discernement ». Estimant même que, expérience aidant, sous certaines conditions, ce mode de fonctionnement pourrait utilement être érigé en stratégie alternative dans les situations de crise.

Pour donner à mon travail un semblant de rigueur « scientifique », j’étais même prêt à rappeler les liens étroits entre nos besoins physiologiques et nos rythmes biologiques et à évoquer la sieste en revenant en particulier sur l’étymologie du mot qui nous vient de l’espagnol « siesta » lui-même emprunté au latin « sexta ». « La sixième » (heure du jour) le moment de la journée où la fatigue apparaît et l’attention diminue. Ce moment si particulier qui, nous disent les scientifiques, semble faire partie du patrimoine génétique de l’être humain.

Et enfin pour convaincre le lecteur encore sceptique, j’étais prêt à convoquer Sir Winston Churchill pour qui la sieste était la manière la plus efficace de combattre la crise. C’était même pour lui, disait-il, la seule manière d’être capable de prendre ses responsabilités en plein cœur de la guerre.

 S’agissant des propositions susceptibles de répondre à la question du « comment », je dois à la vérité de dire que j’étais prêt ici à formuler des propositions plus ou moins iconoclastes. Comment prendre son temps ? « En instaurant une période de césure au cours de laquelle le jeune adulte dénué des contingences matérielles, serait conduit à prendre du recul sur ses envies pour éventuellement s’engager dans une cause qui fait sens avec ses propres aspirations (en souhaitant qu’il en ait..) ».

Parce que l’éducation est au cœur des questions de société, j’étais tenté de donner à l’Ecole une place majeure dans le dispositif d’apprentissage en faisant en sorte qu’elle permette aux enfants d’apprendre à prendre le temps, selon des modalités qu’il conviendrait de définir précisément mais pour lesquelles je n’ai pas la moindre idée de mise en œuvre.

Et enfin, pour être tout à fait dans l’air du temps, j’étais prêt à formuler, une proposition disruptive consistant à délimiter des zones sanctuarisées dans lesquelles toute l’activité humaine serait réduite (sauf la réflexion bien entendu…).

Conclusion

Parce que le « toujours plus vite » s’inscrit « naturellement » dans une société qui prône le « toujours plus », s’interroger sur la nécessité de prendre son temps, c’est repenser la place de l’homme.

Quand la vitesse est érigée en vertu et que l’accélération semble inéluctable, prendre son temps, c’est apprendre à dire non. C’est lutter.

Je fais le choix ici de ne pas résumer mes indigentes propositions (formulées avec le brin de légèreté qui, en ces temps de crise, nous fait parfois défaut). Parce que le questionnement, nous le savons, est souvent un moyen plus sûr d’approcher la Vérité, je préfère cette double interrogation dont la force et la sagacité sont de nature, j’en suis convaincu, à bien mieux répondre à la question posée :

  1. Pourquoi la société nous dicterait-elle la façon dont nous devons agir et être dans nos vies
  2. Pourquoi devrions-nous nous imposer des rythmes, pour lesquels nous ne sommes pas faits ?

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