Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

La science et la technique

Respectable Loge, Montmorency-Luxembourg, Orient de Paris, Région 13 Paris 3

Mots Clefs : Souveraineté

Nos relations à la science, à la technique et à la production de biens ont une nouvelle fois été interrogées. Entre pensée magique, capacité infinie et limitation, quels enseignements en tirer ? Quelle souveraineté scientifique, technologique et industrielle pour notre pays ? Quel rôle pour l’Union européenne ?

Notre réflexion post-déconfinement s’est portée sur les questionnements posés entre d’une part notre relation à la science, notamment les nouvelles technologies, les réseaux sociaux et la communication à distance et l’intelligence artificielle et d’autre part sur la notion de souveraineté sur ces enjeux, au plan national et européen, voire mondial.

Cette réflexion s’articule autour des valeurs-clés de la Franc-Maçonnerie, à savoir la laïcité, les principes de Liberté, Égalité et Fraternité, en plaçant l’individu au centre.

Premier constat : La crise récente a fait apparaître un très grand élan de fraternité, avec ses composantes de solidarité, d’entraide et de bénévolat. Ceci de façon souvent spontanée et au plan local (villages, quartiers, etc.). Nous distinguons cela dit cette fraternité sincère avec les signes un peu artificiels des applaudissements aux soignants chaque jour à 20 h relayés par les médias.

Cette fraternité témoigne d’une incroyable résilience de l’individu, notamment lorsqu’elle est organisée en groupes. La relation aux « petites mains », soignants, livreurs, éboueurs, employés est passée d’une indifférence générale à une reconnaissance solidaire.

Il faut toutefois pondérer ce bilan positif par des tentations de repli sur soi de certains, voire des ruptures avec le système et la société : recherche de survivance autarcique prônée notamment par les collapsologues ; résurgence d’expériences de communautés alternatives « sans argent », ghettos de riches dans des « villages » fermés. Même si sur le principe ces expériences peuvent être intéressantes (auto-suffisance, circuits courts, troc), elles peuvent marquer une fracture entre certains privilégiés et le reste de la société.

Deuxième constat : le défaut d’égalité a été plus flagrant lors de cette crise, car tout le monde n’est pas égal face aux conditions de confinement : « people » tenant leur « journal de confinement » relayé par les médias dans leur résidence secondaire avec jardin ou vue sur la mer versus familles nombreuses dans petits appartement de banlieue ; inégalité par rapport à l’accès à l’école à domicile ou à distance entre familles aisées et cultivées et familles illettrées ; inégalité entre cadres en télétravail et employés au chômage ou sur le terrain. Ces inégalités portent sur les notions d’éducation et de revenus. Une solution pour y remédier serait d’adopter le principe d’un revenu universel de base (tel qu’il est promu en Ecosse par exemple), mais une telle mesure n’aurait de réelle signification qu’au plan européen. Elle serait notamment financée par l’abandon des autres types d’aides : chômage, RSA, etc. et par une simplification administrative.

Troisième constat : la liberté a été oblitérée le temps du confinement : liberté de circuler dans un périmètre limité avec autorisations, contrôles et verbalisations, mais aussi atteintes à la liberté dans les échanges virtuels, à cause des risques de cyberattaques et hacking (sites tels que Zoom ou appli Whatsapp sujets à de tels risques). La liberté de circuler risque d’être encore longtemps limitée, notamment lors des voyages à l’étranger. L’usage de moyens de transports polluants comme l’avion risque d’être lui aussi limité. Au plan de la communication à distance, qui permet une liberté non présentielle, des innovations en termes d’intelligence artificielle pourraient être développées (hologrammes).

La souveraineté nationale et européenne doit pouvoir rester rentables au plan mondial, tout en effectuant un virage vers des notions telles que la fabrication artisanale, les circuits courts, le recyclage, les réparations d’objets électroniques plutôt que leur remplacement, le bénévolat, la création, l’engagement associatif et humanitaire, la transition écologique, dans un objectif de décroissance maîtrisée et progressive s’accompagnant d’une augmentation du sentiment de bonheur individuel et collectif.

Mais cela implique un changement radical de paradigmes et de schéma de société. Y sommes-nous prêts ?

La période du déconfinement suivi de celle des grandes vacances a démontré qu’une large partie de la société ne semble pas prête à adopter spontanément les changements radicaux évoqués plus haut dans le cadre du « monde d’après », qui risque ressembler davantage au « monde d’avant, mais en pire » : course à la consommation, non respect des gestes barrières et règles sanitaires, recrudescence des incivilités entre « obéissants » et « rebelles » aux directives de santé, menaces de reconfinement, au moins partiel.

Ceci nous évoque l’été 1968 au cours duquel, après une « révolution » vite résorbée qui avait placé le pays à l’arrêt économiquement, les Français se sont rués sur les autoroutes pour partir en vacances.

Il semble que les réglementations et interdits ne sont globalement tolérés qu’en cas de menace immédiate, ou ressentie comme telle (pandémie, guerre, famine…). Aussitôt la menace écartée (même de façon éphémère), les anciennes habitudes reprennent le pas. La métanoïa ne s’opère pas car elle ne s’origine pas dans une prise de conscience intérieure (comme s’y prête le Franc-Maçon) et les règle de sécurité sont ressenties comme une entrave à la liberté individuelle (même au mépris de sa propre santé ou celle d’autrui).

Cette conclusion peut sembler pessimiste, mais il est avéré que les questions soulevées lors du confinement, et traitées dans ce Livre Blanc, sont presque exactement les mêmes que celles apparues après la première crise pétrolière de 1973, mettant fin aux trente Glorieuses, il y a donc presque un demi-siècle : dépendance pétrolière, dangers du libéralisme, pollution, villes surpeuplées, voiture reine, pas de politique de transition écologique, etc.

La mise en place de réelles solutions économiques et sociales ne semble donc pouvoir être mises en place que dans un cadre politique (au sens premier) opératif fondé sur d’authentiques valeurs humanistes. Les Francs-Maçons ont certainement un rôle à jouer, à condition d’être écoutés et, surtout, entendus.

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