Au cœur de la démocratie, nos libertés fondamentales

Un appel à la mobilisation des Francs-Maçons

Une crise sans précédent qui frappe nos consciences

Une crise sanitaire sans précédent s’est abattue sur le monde.

Un virus jusqu’alors inconnu s’est répandu sur la planète, menaçant la vie humaine et tuant des milliers d’entre nous, ciblant d’abord les plus âgés et les plus fragiles, et a quasiment mis à l’arrêt nos économies, nos vies politiques et sociales, et une part essentielle des relations humaines.

En quelques semaines, la plupart des êtres humains ont cessé de vivre normalement. Largement confinés, assignés à résidence, ils ont cessé de se déplacer et de se réunir, de travailler, parfois même de s’instruire, de se cultiver et de se mobiliser. La violence de la crise sanitaire a sidéré et tétanisé les citoyens comme leurs représentants, qui ont pour l’essentiel accepté et organisé une mise sous couple réglée généralisée de l’essentiel des libertés fondamentales, dans le but, aussi légitime que difficilement contestable, de protéger la vie humaine.

Pour tous les Francs-Maçons, l’heure n’est-elle pas, comme chaque fois qu’ils ont été confrontés à de grandes périodes de crise et de transition, à s’engager et à rebâtir ?

L’enjeu pour eux n’est pas de d’abord déterminer si cette crise sanitaire aurait pu ou dû être évitée, si les mesures de protection sanitaire imposées sont justifiées, ni de débattre de l’adéquation ou de la proportionnalité des mesures prises ; la mission que s’assignent les Francs-Maçons est de parvenir à comprendre comment la société humaine, dans sa dimension planétaire, peut ainsi se trouver soudainement privée d’un tel niveau de libertés essentielles, comment expliquer qu’elle peut à ce point s’y soumettre, le plus souvent spontanément, et quelles sont les conséquences immédiates d’un tel choc pour son existence même.

C’est sur cette base que, fidèle à sa tradition et à sa vocation, le Grand Orient est invité à décliner les trois principes fondateurs de la pensée maçonnique à cette situation inédite – le principe symbolique fondateur d’intérêt général, le principe culturel du vivre ensemble, et le principe d’émancipation sociale – afin de présenter une lecture maçonnique de la crise que nous traversons et du rôle du rôle que l’obédience peut s’assigner pour y répondre.

Immédiatement, une amplification des inégalités et une mise en sommeil des libertés

Deux éléments de permanence frappent d’emblée à l’observation de cette crise.

Le premier tient à l’aggravation des inégalités sociales dans nos sociétés. Les personnes les plus modestes et précaires sont à la fois les premières frappées par la cessation de l’activité économique et sociale et les règles de confinement imposées, et celles qui vivent à bien des égards ces règles comme un amplificateur de leur situation d’inégalité, dont nombre d’exemples peuvent témoigner : inégalités scolaires entre enfants pendant le confinement, inégalités entre travailleurs quant à l’exposition au risque sanitaire ou au niveau de protection sociale, accroissement des inégalités femmes-hommes… Cette amplification des inégalités sociales traduit l’état de grande vulnérabilité économique, sociale, environnementale et sanitaire de nos sociétés.

Le deuxième tient à cette situation inédite d’annihilement immédiat de la quasi-totalité de nos libertés publiques fondamentales (liberté d’aller et venir, de réunion, de manifestation, liberté sociales et syndicales, droit à l’éducation, à la justice, à la culture). Plus encore, alors que nous n’aurions jamais imaginé perdre soudainement une telle étendue de nos libertés essentielles, nous nous y soumettons très largement, sans grande contestation. Enfin, si la résilience de nos sociétés face à ces mesures imposées s’est beaucoup expliquée par une conscience de leur caractère temporaire, nous savons désormais que celles-ci ont vocation à durer, pour certaines plusieurs années, peut-être pour d’autres sans limitation.

Dès lors, est posée à l’humanité la question de la survivance et de la pérennité des libertés essentielles et de leur exercice individuel et collectif dans un contexte de crise sanitaire durable. Comment concilier effectivement la nécessaire protection de la santé et l’impérative protection de libertés sans lesquelles toute vie humaine est vidée de sa substance ?

Un appel maçonnique pour la défense des libertés fondamentales

La Franc-maçonnerie française a très tôt postulé que la démarche initiatique et introspective était indissociable de de la résolution du fait social et donc d’un engagement individuel et collectif dans la vie de la cité. La raison d’être des Francs-maçons du Grand Orient de France est de travailler inlassablement à l’amélioration matérielle et morale de l’homme et de l’humanité. Cette vocation, cet engagement exigent, dans une période telle que celle que nous traversons, que nous nous levions pour décoloniser les consciences, lutter contre les inégalités et défendre nos libertés essentielles.

C’est en ce sens que nous pensons que le temps est venu d’un large appel maçonnique pour la défense des libertés fondamentales.

Cet appel devrait s’adresser à toutes les forces démocratiques de nos sociétés, qu’elles soient politiques, sociales, associatives ou culturelles. Il ne devrait pas être limité à une acception individuelle des libertés publiques, mais au contraire porter une exigence de défense des libertés fondamentales dans la redéfinition d’un espace de protection de la dignité de la personne humaine, afin de donner corps à la reconnaissance d’un « principe absolu d’humanité ».