Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

Faire société et faire démocratie

Respectable Loge, non renseignée, Orient de Bordeaux, Région 16 Sud-Ouest

Mots Clefs : Aucun

Dès son compagnonnage, le maçon est confronté à la complexité de l’homme et de l’humanité. Il s’emploie à la décomposer. Chacun entend devenir ce qu’il est dans un monde plus grand que lui. Or il faut se gouverner individuellement et collectivement. Le constat est là : l’homme a tout réussi y compris à réunir les conditions de sa propre disparition. Comment dès lors « faire société »  -expression valise qui certes fait image – et peut-on en rester là où nous sommes?

De la difficulté de gouverner

Le monde n’est pas figé. D’une part, il évolue au gré des avancées scientifiques et techniques, de la créativité, des impulsions entrepreneuriales dans un système libéral mondialisé, enfin et bien plus lentement, de la réflexion philosophique. L’évolution s’accélère, amplifiée par le numérique, les médias, les réseaux sociaux, les avancées de l’I.A. et du génie génétique, les menaces sur l’environnement. Ainsi les notions de temps et d’espace se voient rétrécies. D’autre part, du fait d’une quasi-primauté de l’intérêt individuel ou de groupe sur le bien commun, le socle des valeurs partagées s’amenuise, entraînant une différence marquée des comportements. Comment dès lors gouverner ?

Dans ce contexte :

Se gouverner ne va pas de soi. Le « moi » est devenu insupportable ; le premier cercle est devenu un corset ; les autres sont devenus des concurrents potentiels dans la course aux savoirs, à la possession, au pouvoir. L’individu se sent seul et menacé dans un monde de conflits tant physiques que psychologiques qui font prospérer les théâtres d’opération et les divans des psychanalystes. Et chaque individu ne représente qu’un sept milliardièmes d’humanité !

Gouverner avec les autres ne va pas de soi. La démocratie représentative nationale issue d’un système constitutionnel controversé perd en efficacité donc en crédibilité. En outre, au delà de la nation, une entité composite, l’Union Européenne, par ses directives, façonne pour partie notre quotidien. Les bureaux de vote s’en trouvent presque désertés. Ainsi apparait une expression directe, d’opinions souvent versatiles, façonnée par les médias, leurs sondages à répétition, et les réseaux sociaux. Les citoyens devenus « citoyens-consommateurs » semblent vivre dans l’immédiateté. Ils peinent à s’accorder, dans un même temps, quel que soit le sujet. Cela entretient, à minima, de grandes insatisfactions ou frustrations dans le corps social.

Établir des rapports aux autres, et avec les autres, ne consiste pas à les ramener à la formule commode de « faire société ».

Faire société

Les maçons utilisent plus volontiers l’expression « être le centre de l’union » pour caractériser la disposition à rassembler ce qui est épars. Selon Marcel Bolle de Bal, la « reliance » et la « déliance » constituent des fondamentaux sociologiques caractérisant les liens fonctionnels que chacun tisse avec la communauté, la société, dans leurs différents aspects.

Des liens se créent par la famille, les associations, les syndicats, les O.N.G., autour des actions d’un Etat protecteur, etc… Ils sont le fruit de l’affection, du bénévolat, de l’entraide, du principe de solidarité. Dès lors veillons à protéger l’enfant et nos aînés, à vivifier l’associatif autour d’un statut du bénévolat avec sa prise en compte dans le PIB, à favoriser l’expression citoyenne au sein d’un futur « Conseil de la participation », à conforter les missions de l’Etat tournées vers la justice et la redistribution. Il nous faut, notamment, parfaire l’enseignement et les apprentissages, financer le 5ème risque celui de la dépendance liée à la longévité, imposer la levée de l’anonymat délétère sur le 2.0, faire admettre un code non écrit relatif au comportement dans la rue, espace de reliance par excellence.

Il apparaît tout aussi nécessaire de délier ce qui peut constituer une entrave au plein exercice de la citoyenneté. Prenons donc soin d’affuter notre vision sur la séparation effective des trois pouvoirs constitutionnels, sur le périmètre des actions d’un état jacobin, sur les hyper-concentrations économiques et financières et leur ingérence dans les médias devenu source d’un nouveau pouvoir. Encadrons la porosité entre institutions gouvernementales chargées de l’intérêt général et les intérêts privés, entretenu par les lobbys et le « pantouflage ». Elle permet un système d’influences, d’ententes, de prévarication. Élargissons la protection du « lanceur d’alerte » à propos du fameux « secret d’affaires ». Autrement dit, réaffirmons une culture d’intégrité. Gardons-nous d’une déliance qui par rejet deviendrait ségrégation.

« Faire société » tout en préservant les libertés publiques, voilà une équation difficile à résoudre. Deux options s’opposent :

. celle qui considère que « faire société » va de soi. Dans un État aux attributions minimales, elle résulte d’un « laisser-faire » avec ses aléas, allant du pire au meilleur à moins que ce ne soit l’inverse. Mais dans ce cas les meilleurs atouts sont captés par les plus forts ou les mieux armés.

. celle pour qui « faire société » résulte d’une construction républicaine. Elle est fondée sur des valeurs partagées qui reflètent les aspirations légitimes du corps social, dans sa plus large expression. La laïcité y a toute sa place en favorisant le « vivre ensemble ». Elle assure à tous la protection et l’accès aux libertés fondamentales.

Les maçons ont choisi l’option qui contribue à l’émancipation et à la protection de tous. Mais, quelle que soit l’option privilégiée, la cohésion sociale ne se fera pas sans tolérance et sans une démocratie éclairée.

Et faire démocratie

Le peuple est la diversité des personnes soumises aux mêmes lois qui constituent la nation. La démocratie selon la formule d’Abraham Lincoln, est le « gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ». En est-il vraiment ainsi de la démocratie dans notre 5ème République ?

Son système législatif a laissé le pas à un exécutif bicéphale, le judiciaire reste pour partie dépendant de lui. La gouvernance qui relève des seuls élus de la nation, est parfois confisquée par des autorités indépendantes sans contrôle direct des citoyens. Au surplus elle doit donner une suite aux directives européennes à la définition desquelles ses représentants ont contribué.

En réaction, se dresse devant nous le piège du populisme.

Pour refonder nos institutions on les adossera utilement à cinq dispositions : découplage des élections présidentielle et législative, attribution prioritaire de l’initiative des lois au Parlement (Art.39 de la constitution), réelle autonomie du Parquet, réduction du nombre des autorités indépendantes, loi électorale permettant une représentation effective des territoires et des sensibilités. Donnons une chance à l’intelligence collective en validant une pratique réaliste du tirage au sort pour la constitution de « conseils citoyens » en vue de consultation ou d’interpellation. Dans la culture égalitaire de notre démocratie sont considérées comme potentiellement illégitimes des différences de statuts fondés sur le genre, la richesse, l’éducation, l’influence d’un pouvoir, etc..et pourtant l’égalité homme/femme reste empêtrée dans les racines du patriarcat, l’accumulation des richesses n’est pas taxée à un juste niveau, trop d’enfants quittent l’école sans diplôme, les élites républicaines oublient leurs devoirs de solidarité.

Affirmons à nouveau les piliers de notre société, la liberté de conscience comme absolue, la laïcité dans toute son expression légale, non affaiblie par un quelconque qualificatif.

Notre République insérée dans l’espace européen, affronte les défis de l’époque qui partout se caractérisent par la monté des populismes et l’élection chez nos voisins européens de gouvernements dits illibéraux, moins attachés aux principes fondamentaux de liberté d’égalité de fraternité. Pour parfaire sa démocratie elle doit retrouver la pleine acception du mot « peuple ». La fierté d’en être appartient à tous, y compris à ceux avec lesquels nous partageons la « citoyenneté européenne ».

Cible : Redonner du sens au mot « peuple » pour son plus grand bien, celui de la société et de la démocratie.

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