Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

Liberté Égalité Fraternité en Polynésie française sous COVID-19.

Respectable Loge, Mesektet, Orient de Etang Salé, Région 3 Afrique-Asie-Amériques-Pacifique-Océanie dite le Monde

Mots Clefs : Aucun

La crise sanitaire du Covid-19 touche indifféremment toute la planète mais les régimes politiques ne réagissent pas toujours de la même façon. Les fermetures de frontières et les égoïsmes nationaux ne plaident pas en faveur de la solidarité internationale. Et à l’intérieur des États, la répartition des pouvoirs peut être mise à mal. La Polynésie française est une collectivité d’Outre-mer qui dispose d’une autonomie reconnue par la Constitution. En temps normal, les lois de la République, en dehors des lois de souveraineté et des lois qui prévoient l’applicabilité dans son texte, ne s’appliquent pas. En dehors des pouvoirs régaliens, les politiques publiques dépendent essentiellement du pouvoir local. Cependant, devant cette pandémie, les États ont été contraints d’adopter des mesures fortes, exceptionnelles, qui réduisent les libertés fondamentales à un niveau rarement égalé dans les démocraties. Ces pouvoirs spéciaux sont « autorisés » afin de ralentir la progression de la maladie et de ne pas saturer les services hospitaliers. Par exemple, des États européens ont activé dès la mi-mars « la possibilité de déroger aux obligations prévues par la Convention européenne des droits de l’homme en cas d’état d’urgence »[1]. C’est-à-dire, précise la Convention dans son article 15, « en cas de guerre ou d’autre danger public menaçant la vie de la Nation ».

Qu’en est-il essentiellement de la Liberté, de l’Egalité et de la Fraternité ?

La Liberté

Il s’agit essentiellement de deux types de liberté : l’autonomie (la liberté de se gouverner soi-même) et les libertés individuelles et collectives.

A)  L’autonomie : Ces circonstances exceptionnelles ont bousculé le concept d’autonomie. Si nous dénonçons l’imprécision du terme et le refus des autorités de l’État et de la Polynésie de définir clairement l’autonomie, la crise du covid-19 a ajouté à la confusion. En effet, la crise sanitaire donne dès le 11 mars 2020 la main à l’État avec le déclenchement du plan Orsec. Conformément au statut défini par la loi organique de 2004 révisée, les autorités de l’État sont compétentes  pour prendre ces mesures. Certes, le représentant de l’État a ménagé le gouvernement local en l’associant systématiquement aux conférences de presse et aux communiqués. Cette concentration du pouvoir au centre caractérise la République.

B) Les libertés individuelles et collectives : Le 22 mars 2020, le Parlement adopte l’état d’urgence sanitaire pour deux mois, ce qui permet au Gouvernement de la République de prendre des décisions par ordonnances. La loi n°2020-290 du 23 mars 2020 pour faire face à l’épidémie de covid-19 prévoit la possibilité de déclarer l’état d’urgence sanitaire en Polynésie française. En application de l’article 3 du décret n°2020-293 du 23 mars 2020, qui fixe les mesures propres à garantir la santé publique, le représentant de l’État en Polynésie française « est habilité à prendre des mesures d’interdiction proportionnées à l’importance du risque de contamination en fonction des circonstances locales, après avis de l’autorité compétente en matière sanitaire. » Le gouvernement polynésien ne donne qu’un avis. Un confinement général est imposé le vendredi 27 mars à minuit et le Haut-Commissaire annonce aussi la mise en place d’un couvre-feu de 20h à 5h du matin sur toute la Polynésie. Les juridictions contrôlent les manquements injustifiés aux libertés et censurent ces atteintes. Ainsi, le tribunal administratif de la Polynésie française par son juge des référés constate qu’aucun décès n’est à déplorer alors en Polynésie et que seule une personne demeure hospitalisée : il annule le couvre-feu. Le juge administratif ayant estimé que les mesures prises « portent à la liberté d’aller et de venir et à la liberté individuelle une atteinte grave et manifestement illégale » et les a annulées.

Il faut noter que le président de la Polynésie qui souhaitait maintenir ce couvre-feu a déclaré : « J’ai consulté les maires ce matin et naturellement, tous désapprouvent ce qui a été fait … Nous avons décidé, tous les maires des Îles du Vent, d’écrire au Haut-Commissaire pour lui demander de maintenir ce couvre-feu … Je n’ai pas envie de vous dire que nous avons donné ordre au Haut-Commissaire, mais c’est presque cela ». La culture démocratique n’est pas toujours enracinée chez les dirigeants polynésiens.

L’Égalité et la Fraternité : la solidarité nationale

La Polynésie n’a pas apprécié de passer après la Métropole.

On s’inquiète tout de suite des aides de l’État et se demande si la République sera au rendez-vous pour aider financièrement la collectivité. Le Vice-Président traduit ainsi l’inquiétude : « Nous avons choisi de mobiliser tous nos moyens, dans l’attente, bien entendu, de la solidarité nationale, mais nous ne pouvions pas attendre puisqu’il faut que nous prenions nos responsabilités au titre du Pays. ». Cependant, la réaction la plus virulente vient de la Présidente du groupe Tapura, parti politique au pouvoir, Tepuaraurii Teriitahi. Elle reproche à l’État « son silence assourdissant » en martelant que « le gouvernement polynésien a écrit plusieurs fois à Paris, sans obtenir de réponse » 

A une question posée par un membre d’un groupe politique d’opposition, le Tahoeraa, qui lui demande si «  il faut nous en remettre à Dieu ou à l’État ? », Édouard Fritch, Président de la Polynésie répond sans hésiter : « Non, à Dieu d’abord, l’État je ne suis pas sûr ».

Au président les éloges sur l’État et à ses troupes les critiques acerbes.

Autre exemple, les masques et respirateurs. Le 26 mars, Édouard Fritch a annoncé lui-même devant les élus l’affrêtement d’un vol exceptionnel pour faire face à la difficulté d’approvisionnement en masques, respirateurs, et autres tests de dépistages nécessaires pour combattre l’épidémie. Cette initiative, qui a permis d’obtenir 2 millions de masques chirurgicaux a été renouvelée. Mais n’était-ce pas destiné aussi à montrer que la confiance envers la Métropole était limitée ?

Dans un entretien à Outre-Mer 360, le Président Fritch déclare à propos du statut d’autonomie et de la solidarité nationale : «  Oui, c’est une chance extraordinaire (mais) la solidarité nationale dans ce statut d’autonomie et dans le cadre des relations que nous avons avec la Métropole est un petit peu mis à mal ». Ensuite, il annonce que la Polynésie va devoir emprunter car la solidarité nationale n’est pas à la hauteur espérée.

Les relations Etat – Territoire Autonome (Polynésie) doivent être révisées dans le sens d’une précision sur les compétences respectives en matière d’urgence et de partage des coûts induits. Quel degré de solidarité établir ?

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