Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

Sinon, comment l’adapter aux problèmes révélés par la situation de crise sanitaire ?

Respectable Loge, Intersection, Orient de Paris, Région 12 Paris 2

Mots Clefs : Agenciarisation de l’action publiqueAnalyse des défaillances de l’ÉtatDispositifs de gestion des crisesLutter contre les inégalités en matière de santé

Problématique en jeu

   La gestion de la crise sanitaire liée à l’épidémie de coronavirus a fait apparaître au moins deux dysfonctionnements majeurs : les difficultés d’approvisionnement en masques de protection (pour les soignants, pour les professions exposées puis pour le grand public) et les errements dans l’organisation de tests de dépistage massifs (virologiques comme sérologiques).

    Si ces manquements sont liés en partie à une insuffisante anticipation en amont de la crise et à des problèmes de souveraineté industrielle de la France en matière sanitaire, c’est aussi la capacité de l’État à gérer une crise de cette envergure qui peut être questionnée.

   Quelles difficultés cette crise a révélées sur nos processus de décision, aux niveaux local, régional comme national ? Comment les adapter pour l’avenir ?

Analyse actualisée de la situation : l’État a montré d’importantes défaillances en   matière de gestion de crise sanitaire.

   En premier lieu, la gestion de la crise par l’État en France ne saurait faire uniquement l’objet de critiques. Des choses ont fonctionné : des milliers de morts ont été évités grâce à un confinement efficace, le nombre de places de réanimation a été doublé en l’espace de quelques jours, l’économie a été en partie sauvegardée grâce à une série de dispositifs amplement déployés (activité partielle, fonds de solidarité, prêts garantis par l’État, etc.) et le déconfinement s’est fait de façon maîtrisée. 

   Cependant, la gestion de crise par l’État a fait apparaître d’importantes défaillances. Au niveau central, les structures se sont multipliées sans partage clair des responsabilités, ni circuit formalisé de l’information ou chaîne décisionnelle définie. Ainsi, la cellule interministérielle de crise (CIC), la cellule de crise sanitaire (CCS), la cellule chargée du déconfinement autour de Jean Castex, le secrétariat général à la défense et à la sécurité nationale (SGDSN) ou encore la cellule de continuité économique à Bercy (CCE) ont pu intervenir dans la gestion de crise. Cette organisation a eu l’inconvénient d’être illisible pour les acteurs économiques ou locaux. En outre, la complexité de l’édifice de gestion de crise dans son ensemble a eu pour conséquences qu’une grande partie des informations ont circulé sur un mode informel, au gré des affinités et des relations interpersonnelles. In fine, cette organisation a pu avoir pour conséquence de déresponsabiliser les différents échelons et donc de concentrer fortement la prise de décision autour du président de la République et du Premier ministre (et ce, même pour des arbitrages qui n’auraient pas dû remonter à leur niveau). 

   Au niveau régional, les critiques adressées à l’État pendant la crise sanitaire se concentrent sur l’action des agences régionales de santé (ARS). Ces agences, créées en 2010 pour piloter administrativement et financièrement l’offre sanitaire et médico-sociale à l’échelle régionale, n’ont en aucun cas été pensées comme des acteurs de terrain de la gestion de crise sanitaire. Dès lors, elles n’ont en général pas l’agilité suffisante pour s’adapter à l’urgence. Plus fondamentalement, les ARS ne se sont le plus souvent pas positionnées, pendant cette crise, comme des maillons de la chaîne de réponse de l’État face à l’épidémie, privilégiant notamment des stratégies de protection de leur autonomie hiérarchique vis-à-vis des préfets. 

   Par ailleurs, faute d’un dispositif efficace et opérationnel de remontées de terrain, il est marquant de constater dans cette crise la difficulté que l’État a pu éprouver à s’ouvrir sur les initiatives et propositions d’acteurs extérieurs (entreprises, collectivités locales, associations) ou à s’assurer que les orientations générales décidées de façon très verticale à Paris étaient bien déclinées à l’échelle « micro ». De fait, les maires (distributions de masques, continuité des services, organisation des marchés, etc.) ou les chefs de service dans les hôpitaux (mutualisation de places, partages de respirateurs, etc.) se sont souvent retrouvés livrés à eux-mêmes dans cette gestion de crise.

Les actions concrètes pour améliorer la réponse de l’État à une crise sanitaire, en lien avec les différents acteurs. 

   Rénover les dispositifs de gestion de crise sanitaire de l’État. Au niveau central, une organisation claire de gestion de crise sanitaire devrait être mise en place en amont d’une éventuelle prochaine crise. Les responsabilités doivent être mieux définies, les circuits d’information plus transparents et robustes, la chaîne décisionnelle rationalisée et les modalités de la prise de décision politique finale mieux décrites. Au niveau déconcentré, l’autorité des préfets sur les directeurs d’ARS doit être permise en situation de gestion de crise. 

   Plus largement, la question des ARS pose celle de « l’agenciarisation » de l’action publique dans notre pays. Cette gouvernance éclatée rend très difficile une réponse coordonnée de l’État en cas de crise, notamment sanitaire. 

   Associer les territoires dans la gestion de l’après-crise. Les collectivités territoriales de tous échelons, les acteurs du secteur sanitaire, ainsi que les acteurs économiques ou associatifs ont parfois été écartés pendant la gestion de la phase aiguë de la crise sanitaire. Dès lors la gestion de l’après-crise, qui pose des défis majeurs, gagnerait à être faite de façon réellement concertée. 

   Lutter contre les inégalités en matière de santé dans notre pays. L’adaptation de notre maillage territorial à la lumière des défaillances constatées dans notre réponse à l’épidémie de coronavirus devra passer également par un renforcement de l’offre sanitaire dans les territoires périphériques. Il est en effet certain que le coronavirus aurait pu frapper plus durement les territoires les plus fragilisés en matière sanitaire.

   Le maintien d’un réseau de médecins généralistes en zone rurale, notamment dans les maisons de santé pluridisciplinaires, dépend largement de l’existence des centres hospitaliers publics locaux (accueil d’urgence, soins de suite, gériatrie). Dans cette optique, il pourrait être envisagé de mettre en place une prise en charge intégrale par l’État des pertes de recettes des hôpitaux locaux sur la part T2A (Tarification des Actes) en cas de baisse d’activité. Afin d’agir contre le fléau de la désertification médicale, il est également proposé de mettre en place, par exemple dès la troisième année d’études de médecine, quatre stages obligatoires en médecine générale de ville, dont la moitié au moins en zone rurale, afin de sensibiliser le corps médical à l’exercice en ruralité. Enfin, l’épidémie de coronavirus a entraîné une hausse historique de la téléconsultation. Il convient de pérenniser cette pratique qui est une solution complémentaire à l’insuffisante accessibilité des services publics de santé dans certains territoires.

Proposition phare : renforcer l’offre sanitaire dans les territoires périphériques.

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