Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

Pour la construction d’un nouveau désir de commun

Respectable Loge, Athanor Charentais, Orient de Angoulême, Région 16 Sud-Ouest

Mots Clefs : Désir de communÉducation populaireEsthétique et politiqueÊtre ensembleUtilité des artistes dans la société

Problématique, constat, contexte de la contribution :

Comme le souligne le Grand Maître du GO dans son éditorial pour notre Livre Blanc « Après » :  

« L’on assiste, dans la dispersion de ce confinement, à l’expression forte d’un nouveau désir de commun, un peu comme si chacun de nous, ébranlé dans ses habitudes, s’efforçait de sortir de l’espèce de somnambulisme où l’avait plongé́ l’emprise de « la société automatique » mondialisée et son impudente dogmatique ». C’est sur cet élan de « nouveau désir de commun » que nous souhaitons réfléchir et faire.

Cette construction d’un nouveau désir de commun est fondamentale pour réduire la fragmentation de notre société et éviter la montée des extrémismes, qu’ils soient religieux ou politiques, qui viennent peu à peu remettre en cause les fondements de notre démocratie et nos valeurs humanistes.

Profitons donc de cet « élan » pour contribuer à une meilleure intégration, et considération, de la « France périphérique » ; celle qui reste sur le bas-côté, celle qui n’attend plus rien de la politique et de l’ascenseur social, celle qui est exclue de la méritocratie, celle qui s’est manifestée par le mouvement des Gilets Jaunes.

Cette construction d’un nouveau désir de commun doit s’ancrer en premier lieu dans les interelations existantes entre l’esthétique et le politique ; car la question esthétique – aisthésis, qui relève de la sensation, du sentir et de la sensibilité en général – est une question éminemment politique – politeia, au sens étymologique « le » politique, l’être ensemble – et réciproquement la question politique est avant tout une question esthétique.

La question politique est essentiellement la question de la relation à l’autre dans un sentir ensemble.

La politique est l’art de garantir une unité de la cité dans son désir d’avenir commun, son individuation, sa singularité comme devenir-un. Or un tel désir suppose un fonds esthétique commun. L’être-ensemble est celui d’un ensemble sensible. Une communauté politique est donc la communauté d’un sentir.

Bon nombre de nos concitoyens sont aujourd’hui privés de ces expériences esthétiques qui construisent ce « désir de commun » cet «être ensemble » parce que soumis au conditionnement esthétique du marketing qui est devenu hégémonique pour l’immense majorité de la population qui vit dans des zones esthétiquement reléguées où l’on ne peut pas vivre et s’aimer parce qu’on y est esthétiquement aliéné.

Nous, les gens réputés cultivés, savants, artistes, philosophes, clairvoyants et informés, il faut que nous nous rendions compte que l’immense majorité de la société vit dans cette misère symbolique faite d’humiliation et d’offense. Tels sont les ravages que produit la guerre esthétique qu’est devenu le règne hégémonique du marché.

Les artistes, qui souffrent au premier chef de la crise sanitaire et économique que nous traversons, ont un rôle majeur à jouer dans la construction de ce nouveau désir de commun parce que leur travail est originairement engagé dans la question de la sensibilité de l’autre.

Nous avons aujourd’hui autant besoin d’artistes pour nous aider re-construire cet « être ensemble » que de sociologues, de psychologues, de femmes et d’hommes politiques.

L’œuvre d’art, à sa manière, manifeste et la manifestation appartient à l’essence même du politique. L’œuvre d’art visuelle est indéniablement ostensive et émancipatrice.

En cet « Après » il est temps de défendre l’utilité des artistes dans notre société. Une utilité publique d’ordre symbolique – qui est la fonction première de l’artiste dans la cité – à savoir faire sentir ce qui nous manque et en donner le désir ; voilà qui est magnifiquement utile à tous ! Mais aussi une utilité collective que l’on peut qualifier de secondaire et qui plus que jamais est nécessaire à notre société en crise où le « Care » (le souci des autres) s’impose comme la voie à suivre pour notre intérêt collectif ; par exemple en rendant visible un lieu ou une activité dépréciée, en faisant vivre une mémoire, en matérialisant une appartenance identitaire ou en améliorant un cadre de vie

État de réflexions déjà produites sur le sujet, État de l’art :

  • Bernard STIEGLIER « de la misère symbolique » (l’hégémonie du marketing et de la marchandisation de notre société)
  • Christophe GUILLUY « La France périphérique » (comment on a sacrifié les classes populaires)
  • Pierre SANSOT « les gens de peu » (l’imaginaire commun des classes populaires)
  • Jacques RANCIERE « le spectateur émancipé » (l’aliénation du spectateur)
  • Guy DEBORD « la société du spectacle »
  • Evelyne PIELLER « Mais à quoi servent donc les artistes ? » paru Monde Diplomatique aout 2020
  • Les nouveaux commanditaires, François HERS (pour un art de la démocratie)

Propositions concrètes, opérationnelles, disruptives :

  • Donner un véritable statut aux artistes avec une rémunération garantie à l’année. L’idée est de généraliser le statut des intermittents du spectacle à tous les artistes et de passer un contrat d’intérêt public avec eux les impliquant en termes d’actions de médiation/création au près des publics les plus éloignés de l’offre culturelle et du savoir.
  • Lancer un plan « Marshall », à l’instar du « New Deal » qui s’est mis en place aux EU dans les années 30 pour lutter contre les effets de la grande dépression (reconnaissance/légitimité du rôle de l’artiste par les autorités américaines) en mettant en œuvre une véritable politique de développement culturel irriguant tout le territoire et financés par des commandes publiques émanant de véritables « besoins/demandes » de la population (en s’inspirant, en terme de méthode/protocole, de la démarche dite « des nouveaux commanditaires »)
  • Créer de nouveaux espaces « d’éducation populaire » dans les quartiers « Politique de la ville » et en milieu rural ou la création et la diffusion de l’image numérique serait au cœur du processus d’apprentissage et de fabrication « le faire soi-même » (en s’inspirant des projets dits MAKERSPACE). En faisant intervenir des artistes qui utilisent le numérique dans leurs processus de création et en élargissant le simple usage « consommateur » des supports de l’industrie numérique pour en faire des usages d’apprentissages et d’acquisition de connaissances mais aussi de production concrètes pouvant être commercialisées (construire un drône par exemple à partir d’une imprimante 3 D).  Développer à partir de ces espaces, fixes ou itinérants (camion numérique) des « Ecoles du numérique et de la réussite » destinés aux jeunes en échec scolaire et en insertion.   

Proposition

La crise sanitaire a révélé, entre autres, un vrai désir de commun qui fait grandement défaut à la société française contemporaine. Cette (re)construction d’un « être ensemble » est fondamentale si nous souhaitons éviter la fragmentation de notre modèle républicain et la montée des extrémismes. Pour ce faire nous devons réhabiliter l’utilité des artistes au sein de notre société en priorisant des actions de développement culturel au plus près de nos concitoyens/nes les plus éloignés de l’offre culturelle et des études supérieures. Nous devons inventer de nouveaux dispositifs d’éducation populaire adaptés à notre temps qui permettront cette rencontre. L’usage des supports de l’industrie numérique à des fins de création mais aussi de fabrication, d’éducation et de formation devra être privilégié.

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