Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

Quels enseignements une pandémie peut-elle fournir quant à la préservation des principes de la République ?

Respectable Loge, Intersection, Orient de Paris, Région 12 Paris 2

Mots Clefs : Bloc de constitutionnalitéÉthique de la vérité et de la vertuPrincipes et normes républicaines

   La notion de principes républicains renvoie à notre histoire nationale inspirée par le Siècle des Lumières, marquée par la révolution de 1789 et la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, la suppression de la royauté (21 septembre 1792), la fondation de la IIIème république, le programme du CNR…

La problématique des circonstances exceptionnelles sous la République

Les circonstances exceptionnelles d’une pandémie bouleversent le cours normal des sociétés.  Avec de profondes et larges répercussions : sur le plan sanitaire mais aussi politique, économique, social. Sa gestion globale, essentiellement politique, conduit-elle inéluctablement à une remise en cause du respect des principes républicains, dans quelle mesure et peut-on gérer une telle crise de manière républicaine ?

   Dans notre filiation philosophique, la République repose sur une éthique de la vérité et de la vertu. Sur le plan juridique, ces principes sont contenus dans le « bloc de constitutionalité », issu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel et du Conseil d’Etat, soit un ensemble de textes ayant valeur constitutionnelle : Constitution de 1958, y compris son préambule, Préambule de la Constitution de 1946, Déclaration des droits de 1789, auxquels s’ajoutent les « principes fondamentaux reconnus par les lois de la République » (liberté d’association, école obligatoire, gratuite et laïque, séparation de l’église et de l’État …).

   Les principes républicains énoncés dans ces différents textes déclinent les grandes valeurs républicaines exprimées par notre devise nationale « Liberté, Égalité, Fraternité » auxquelles nous avons tendance à ajouter la laïcité (qui est plus un principe qu’une valeur ; la valeur serait plutôt la liberté [absolue] de conscience). Il est capital de bien noter que ces valeurs revêtent une portée universelle. Les républicains sont donc patriotes mais pas nationalistes …

Des principes républicains globalement respectés avec des marges de progression

Face à la pandémie du coronavirus, les pays ont réagi en fonction de leur « tempérament » et « gouvernement » nationaux.En France, l’atteinte aux principes républicains a été réelle mais, elle est demeurée mesurée, les gouvernants sont restés « sous-contrôle démocratique », cependant des « dysfonctionnements » peuvent être relevés.

   L’atteinte à d’importants « principes républicains » a été réelle. Comme dans la plupart des grands États, démocratiques ou non, la France a dû adopter des mesures exceptionnelles. Celles-ci ont « bousculé » un certain nombre de nos principes et valeurs républicains :

Liberté : afin d’endiguer la propagation du virus, le gouvernement, sur le fondement d’une loi sur l’état d’urgence sanitaire, a apporté de sévères restrictions à la liberté d’aller-venir, de manifester, de se réunir, d’association, du travail, d’entreprendre etc…

Égalité : sans surprise, la crise sanitaire a mis en évidence les inégalités de notre société, devant la maladie (en fonction de la catégorie sociale d’appartenance ou du territoire de résidence) comme dans les conditions du confinement ; le principe de l’obligation scolaire a été écornée.

Fraternité : au niveau international nous avons assisté, surtout au début, à « un grand chacun pour soi» non conforme à l’universalisme de nos valeurs mais on a pu constater, également, avec bonheur un grand élan de fraternité et de solidarité au niveau national.

   Mais une atteinte mesurée aux principes républicains et sous contrôle démocratique. L’atteinte aux principes républicains a été partielle (les libertés d’opinion, d’information, de presse et d’expression ont été totales), limitée dans le temps (la période de confinement, avec des paliers de dé confinement), dans l’espace (répartition des départements en trois catégories) et proportionnée (les activités vitales ont été préservées ainsi que les services publics essentiels etc.).

   Le respect des « normes » républicaines a été écorné pour des raisons vitales, supérieures, consubstantielles à la vocation même de tout État (depuis Hobbes) et qui légitiment, dans leur principe même (et même si certaines modalités sont discutables), les mesures prises.

   Depuis le commencement de la crise, le gouvernement est resté sous le contrôle de l’opinion publique (usage intensif et libre des médias vidéo et numérique …), du Parlement et des juges.

   Le recours à l’état d’urgence évite celui de l’état de siège (transfert du maintien de l’ordre à l’armée) ou de l’art. 16 de la constitution de 1958 (dont le caractère républicain a toujours été discuté). Face au danger, la République a le devoir de se défendre et défendre ses citoyens (cf. notion de « salut public », notre personnel soignant étant comme nos soldats de Valmy !). Notons que la IIIème République ne prévoyait pas de régime juridique exceptionnel adapté aux temps de crise, ce qui a donné…Vichy !

   Cependant, des dysfonctionnements très regrettables sont à relever. Les valeurs républicaines sont autant de puissants atouts de gestion d’une grave crise qu’un enjeu en péril.Ainsi, le déclenchement de l’alerte mondiale a – semble-t-il – été différé par le retard apporté par la Chine qui en raison de son régime autoritaire n’aurait pas joué une totale transparence… La manière dont la crise a été gérée par le président Bolsonaro au Brésil montre également ce qu’il advient lorsqu’un régime politique s’écarte trop d’une vision républicaine des choses, sans parler des États-Unis.

   En France, la meilleure façon de réduire les atteintes aux principes républicains est de réduire efficacement l’impact de la pandémie. Or, sous réserve des enquêtes en cours ou à venir, il semble que notre pays aurait pu gagner quelques semaines (2 ou 3 ?) pour déclencher le confinement. On sait surtout que le pays n’était pas préparé (manque de lits d’hôpitaux, de masques, d’appareils respiratoires, de kits de test etc.). Plus grave, en matière de « dysfonctionnement », semble avoir été le discours officiel du début de la pandémie sur « l’inutilité » des masques, considéré par certains comme un « mensonge », qui paraît avoir décrédibilisé la parole gouvernementale et gêné la lutte contre la propagation du virus.

Les actions concrètes

En premier lieu, limiter le recours ou la durée du confinement. La meilleure façon de limiter les atteintes aux principes républicains en situation de pandémie est de limiter le recours ou la durée du confinement. A cet égard, il convient :

  • de mieux anticiper ;
  • d’améliorer la gestion de la crise pour la faire durer le moins longtemps possible (revoir l’organisation centrale et territoriale de la gestion de la crise sanitaire) ;
  • d’assurer la souveraineté économique de l’État national et / ou de l’Europe dans les domaines stratégiques (masques et vêtements de protection, tests etc.) ;
  • de réarmer le service public de la santé et mieux associer le secteur privé ;

de fortifier la coopération européenne à travers la gestion des frontières, la recherche dans le domaine de la santé et les relocalisations industrielles.

D’autres propositions pour d’autres points de vigilance ! Même si la France, n’a pas à « rougir » par rapport à nombre de pays étrangers (Grande-Bretagne, Italie, Espagne, États-Unis, Brésil…), la crise a cependant montré que nous devrons être attentifs à des points de vigilance importants :

  • Traiter les citoyens en adultes et leur tenir constamment un langage de vérité ;
  • favoriser le télétravail parlementaire et assurer une bonne protection sanitaire des parlementaires pour garantir la continuité du contrôle démocratique ;
  • penser à protéger sur la plan sanitaire les acteurs médicaux et paramédicaux de la première ligne, dans les hôpitaux comme dans le secteur privé et libéral (qui ont payé un lourd tribut dans cette crise) ;
  • protéger dans le cadre de plans sanitaires particuliers les forces de sécurité. Et, de manière générale tous les acteurs de « seconde ou troisième ligne » ;
  • améliorer le fonctionnement de la justice durant la crise pour assurer la continuité d’un service public essentiel (dotations d’équipements de protection le développement du numérique mériterait d’être plus poussé (télétravail, téléconférences) ;

L’Éducation nationale, particulièrement au niveau des enseignants a su faire preuve d’inventivité et de dévouement, mais l’adaptation a été inégale. Il conviendrait de développer le télé-enseignement et pallier les difficultés particulières des décrocheurs et des familles concernées par la fracture numérique.

Proposition phare : anticiper et préparer la gestion de crise ; donner plus de moyens aux services publics vitaux ; dire la vérité ; améliorer la coopération européenne et internationale.

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