Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

Entrer en « Écologisation » : un impératif maçonnique

Respectable Loge, Utopia Soleil Noir, Orient de Toulouse, Région 17 Sud et Loges d'Espagne

Mots Clefs : Crise multiforme de la GlobalisationÉcologisationTemporalités

L’écologisation :

L' »Écologisation », un terme initié par Bruno Latour, est l’intégration dans toutes les décisions, toutes les réflexions, tous les territoires du Global au Local, de la prise en compte de la Biosphère et du Monde Vivant dans toutes ses dimensions. Elle implique chacun de nous. L' »Écologisation » n’est pas l’écologisme, c’est un paradigme nouveau, plus large, impliquant tout un chacun sans exclusion ni exclusivité. Elle est à intégrer au même titre que d’autres paradigmes sociétaux et politiques telle la démocratisation.

Pourquoi une telle nécessité ?

Nous vivons en 2020 une situation exceptionnelle. Cette situation relève de deux temps historiques, et de leur conflagration.

Le premier est celui de la Mondialisation, et de la modernisation associée, qui en diverses phases depuis cinq siècles est arrivée aujourd’hui aux limites de son insatiable progression boulimique.

Distinctement, et pourtant lié à la précédente, nous connaissons un tournant historique, celui d’un dérèglement majeur des conditions naturelles. Il est commun et justifié de le lier aux effets néfastes de l’anthropisation effrénée de notre planète, comme en témoigne le jour du dépassement de l’aptitude à renouveler les ressources prélevées, qui recule inexorablement, jour établi au 29 juillet en 2019 ! Depuis plus de 50 ans les alertes se font de plus en plus fortes et plus fréquentes. Les rapports scientifiques se multiplient, les illustrations, les preuves s’accumulent. Les Conférences, les rapports du GIEC ou de l’IPBES, les COP et l’actualité informent sans relâche. Par ces manifestations, par la presse, par l’Enseignement, par une multitude de publications, toutes ces problématiques sont aujourd’hui connues.

Rappelons les grands traits de ce dérèglement. Trois grandes préoccupations liées aux dégradations de l’environnement et des conditions environnementales à des échelons multiples, locaux, régionaux, planétaires, sont bien identifiées. Le réchauffement planétaire est la première de ces manifestations, ses causes largement anthropiques sont connues, ses effets à court, moyen et long terme sont bien posés. C’est l’enjeu principal, le plus difficile à contrer, les effets d’inertie jouant de toute façon, et de ce fait celui où l’urgence est la plus grande. L’autre problématique environnementale concerne la biodiversité, les écosystèmes, les milieux naturels, les paysages. Les dégradations environnementales s’accélèrent (pertes de biodiversité, que ce soit les espèces animales, les forêts primaires, ou encore les récifs coralliens). Destructions, extinctions, dégradations, dévastations, sont le fruit d’une exploitation débridée, sans retenue, à des fins bien souvent capitalistiques ou cupides. Le troisième volet de cette crise environnementale relève des crises sanitaires de plus en plus fréquentes tant en ce qui concerne les virus et autres bactéries que la question de l’approvisionnement en eau ou la qualité de l’air.

Se combinent aussi des temporalités différentes. D’abord celle du temps long qui serait celle des mutations climatiques et du devenir des espèces …. Il y a celle des préoccupations sociales et économiques relevant du temps présent voire de l’immédiat (« la fin du mois »), une préoccupation qui en ce temps de crise est pour beaucoup essentielle. Ces deux visions sont souvent opposées. Par ailleurs relevant de temporalités plus glissantes, du temps court au temps intermédiaire, se posent aussi les questions socio-politiques du devenir de la démocratie, de la laïcité et de la lutte contre toutes les formes d’intolérance, et de manipulation. Cette présentation séquencée qui a dominé la fin du vingtième siècle et laissé penser que le court terme et le moyen terme avait la priorité été dépassée. En fait ces questions et ces temps se télescopent. Temps long et temps court sont étroitement liés. Ces temps s’enchevêtrent. La vision des problèmes posés à nos sociétés ne peut être segmentée, sériée, Tout est lié, tout est global, tout est systémique. Biosphère et Humanité sont intrinsèquement interdépendantes. Ainsi les questions politiques ne pourront pas être dissociées des mesures visant à corriger et améliorer notre relation au Monde du Vivant et aux évolutions hydriques et thermiques planétaires. « La Terre est un Tout » écrivait Paul Vidal de la Blache il y a plus d’un siècle.

Dans ce contexte exceptionnel, ce tournant historique, un changement de paradigme s’impose. Il s’impose à toute la société, à toute la Société-Monde. Ce constat n’est en rien original, il est rappelé, répété depuis longtemps, et cette année plus que jamais. Le terme, initié par Bruno Latour, le résume : l’Écologisation. De même qu’on doit toujours poursuivre la recherche de la démocratisation et contribuer au bonheur de l’Humanité, nous devons intégrer comme un dénominateur commun ce souci d’Écologisation.

Le GODF un éveilleur à l’œuvre

La FM a déjà au cours de son histoire accompagné le grand tournant de la Modernité. Elle l’a fait par ses réflexions, ses travaux et la défense de ses valeurs, mais aussi par l’engagement de nombre de ses membres en faveur du progrès de l’Humanité, de la paix, de la démocratie et des grands principes de tolérance, de liberté, d’égalité et de fraternité. Sa participation directe ou indirecte à la démocratisation des sociétés occidentales, surtout, en a été une des principales priorités. Il en a été de même pour un autre combat de l’émancipation, la lutte contre l’esclavage. Le GODF s’est illustré plus spécifiquement en promouvant la laïcisation. Récemment le GODF s’appuyant sur la création spécifique en son sein de commissions spécialisées œuvre pour le respect et l’amélioration de l’Humanité.

Mais le temps de l’Écologisation n’est pas encore l’objet d’une prise de conscience, nécessaire et suffisante, sur nos colonnes, si ce n’est parmi les hautes instances de nos obédiences. Le nombre de travaux sur les questions environnementales et des liens entre Humanité et Nature, reste très minoritaire. Les prises de position du GODF et pire encore des autres obédiences sur ce champ environnemental sont quasi-absentes dans les débats nationaux et internationaux. Un voile s’est levé lorsque le Grand Maître actuel, J.P. Hubsch, lors du Convent de 2019 a évoqué la nécessité d’un « Humanisme Écologique ». Mais la prise de conscience doit d’abord être sur nos colonnes. Certains frères ou sœurs restent même sur des positions climato sceptiques ou tout simplement fatalistes. Comment dès lors se projeter vers le monde profane, vers l’avenir et ses utopies ?

Quelques pistes :

Dans un premier temps il serait judicieux d’intégrer dans le rituel introductif, à l’instar de ce qui a été fait à juste raison au bénéfice de la Laïcité il y a quelques années, une référence à la nécessité d’un engagement au profit d’un

« Humanisme Écologique ». Une idée qui court depuis quelque temps ne demandant qu’à être appliquée. Ainsi lors des Troisièmes Journées du Pôle jeunesse du GODF en Juillet 2019 se préoccupant de « Quel Monde transmettre » il avait été proposé de compléter ainsi l’article 1 : « La Franc-maçonnerie attache une importance fondamentale à la laïcité et à l’engagement humaniste d’écoresponsabilité ».

Notre association philosophique a toute latitude pour lancer ces réflexions et débats historiques pour mieux définir notre vision du Monde de demain. Elle en a aussi tous les symboles, concepts et autres décors qui peuvent fournir tous les leviers nécessaires à cette prise de conscience, à cette construction, à cet engagement. L’arsenal est large du compas au fil à plomb, du feu et de l’eau mobilisés en initiation, des végétaux, fruits et même animal, avec le coq, ouvrant à toutes les thématiques environnementales. Les grandes questions de « l’Écologisation » impliquent de réfléchir par exemple aux modes de production, à la faim et l’alimentation dans la Monde, aux modes de vie, au devenir des populations fragilisées, aux formes de la société de demain, la place de la solidarité, sans oublier le maintien d’une démocratie et d’une liberté toujours menacées. Humanité et Environnement sont au cœur de « l’Écologisation ». L' »Écologisation » implique toutes les problématiques, toutes les questions, tout étant lié, le présent et le futur, le politique, l’économique et le social, l’environnement et la santé, le global et le local. Une mobilisation générale est nécessaire à tous les échelons de notre Association. A titre individuel par notre engagement personnel, à l’échelon des loges et temples par des attitudes écoresponsables, à tous les échelons par nos réflexions, mobilisations et interventions. Nous nous définissons comme des hommes et femmes éclairés, prenons en main ce flambeau trop délaissé.

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