Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

1919-1939, 1945-1975 : « Les mondes d’après »

Respectable Loge, Arago Fraternité, Orient de Paris, Région 12 Paris 2

Mots Clefs : Histoire des mondes d’aprèsRapports de l’homme avec la nature et le cosmos

Au moment où les yeux se tournent vers « le monde d’après » Covid 19, où l’esprit essaye de le concevoir et de l’inventer, où les espoirs et les angoisses se projettent sur lui, sans doute est-il utile de revenir sur « les mondes d’après » les deux grands cataclysmes du XXe siècle, la Première et la Seconde Guerre mondiales.

L’histoire, en effet, permet de lire l’avenir à celui qui tout à la fois la connait et sait s’en détacher. A qui la connait, l’histoire permet d’éviter de reproduire les erreurs et de s’inspirer des bonnes pratiques du passé. A qui sait s’en détacher, l’histoire permet de distinguer ce qui est singulier de la réitération du même, de reconnaitre ce qui est nouveau par-delà ses ressemblances avec ce qui a été.

En 1919, le projet est la construction d’un monde sans guerre.

La Grande Guerre doit être la « der des der ». La carte du monde est redessinée en ce sens. Pour éviter une nouvelle confrontation des nationalismes, il semble qu’il faille satisfaire aux aspirations nationales. Ainsi est-il donné satisfaction aux revendications des minorités, au nom de la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes. Ou plutôt partiellement donné satisfaction : les peuples vaincus, parce-que vaincus, notamment les minorités allemandes, ne sont pas concernés par l’application de ce principe. Afin que les peuples et les états se concertent sur les grands intérêts de l’humanité et sur la préservation de la paix, une vieille utopie voit enfin le jour avec la création de la Société des Nations. Mais si c’est bien le président américain Wilson qui la porte sur les fonts baptismaux, les États-Unis refusent pourtant au final d’y adhérer et reviennent à leur isolationnisme traditionnel. Par ailleurs, au nom même de la paix, l’organisation en charge de son maintien n’est pas dotée de force armée. En France, si l’on ne veut pas du retour de la guerre, on ne veut pas non plus d’un « monde d’après ». Tout est fait pour renouer avec ce qu’on définit alors comme « la Belle Epoque ». Les « années folles » sont une frénésie de fêtes et de consommation. Sur plan institutionnel, les IIIe République que l’on pensait à bout de souffle avant 1914 semble renforcée. Pourquoi changer un régime qui a résisté au choc de la guerre et donné la victoire ? Sur le plan économique, les conséquences des mutations induites par la guerre ne veulent pas être vues. On préfère se rassurer en se disant que, toute ruinée qu’elle soit, « l’Allemagne paiera ! »

Il ne faut pas vingt ans pour que « le monde d’après » né de la première guerre mondiale ne bascule dans une nouvelle apocalypse, celui de la seconde.

En 1945, le projet est la construction d’un monde sans guerre et sans barbarie,

plus juste, plus solide et plus pragmatique que celui qui s’est effondré.

La notion de crime contre l’humanité émerge du procès des criminels nazis à Nuremberg ; l’ONU succède à la SDN, dotée d’une force armée ; Le système financier mondial est redéfini à Bretton Woods ; le monde se sépare entre Est et Ouest mais la paix est maintenue grâce à l’équilibre de la terreur nucléaire ; la décolonisation s’impose partout, permettant l’émergence d’un troisième monde, tantôt négocié pacifiquement, tantôt imposé par des guerres de libération ; les miracles économiques se multiplient à l’ouest (miracle allemand, miracle italien, miracle japonais, miracle français,…). En France, les bases de l’état providence et de la croissance économique sont posées- en dépit du conservatisme institutionnel des forces politiques qui sous le nom de IVe république remettent au goût du jour les principes de la IIIe, avant que le Général De Gaulle ne fasse enfin triompher ceux du « parlementarisme rationnalisé » imaginé dès les années 30.

Ce « monde d’après » né de la seconde guerre mondiale est plus viable que son prédécesseur. Il dure et se transforme.

Dans les années 70 et 80, il abandonne le modèle fordiste et réduit la voilure de l’interventionnisme d’état au profit du toyotisme et d’une économie plus libérale et davantage mondialisée, favorisant l’émergence de nouveaux dragons économique et l’avènement de la Chine ; La guerre froide aboutit à la déroute puis la disparition de l’URSS ; l’idée d’un menace humaine sur l’équilibre de la planète prend son essor avec la diffusion des travaux du Club de Rome, les deux chocs pétroliers (1973, 1979) et l’affirmation de l’écologie politique. C’est ce monde qu’il est question de faire disparaitre à l’occasion de la pandémie du Covid 19.

Que sera ce nouveau monde d’après ?

D’ailleurs, adviendra-t-il ? Les nostalgiques du monde d’avant et ceux qu’inquiètent ce qui est nouveau seront-il de force à empêcher son éclosion ? Le choc du Covid 19, infiniment moins rude que celui des deux guerres mondiales, sera-t-il suffisant pour bousculer les habitudes ? D’autant que ce « monde d’après », pour faire face aux défis de l’heure, devra être infiniment plus différent du monde d’avant que ne l’était ceux nés en 1919 et 1945. Car ce qui est en question, au fond, n’est rien moins que le rapport de l’homme avec lui-même, avec la nature et avec le cosmos. C’est l’humanisme né au XVIe siècle et progressivement affirmé le long des siècles qui est interrogé et qui, s’il veut se survivre, ne pourra que profondément se transformer.

L’avenir nous dira si le temps actuel est celui de l’émergence du « monde d’après », d’une simple esquisse, ou de l’immobilisme. Il nous dira plus encore ce que sera ce « monde d’après », s’il est viable, ou si, comme celui né en 1919, il est voué à disparaitre sous l’effet de ses contradictions.

Repenser le rapport de l’homme avec lui-même, avec la nature et avec le Cosmos

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