Pour un monde nouveau

La pandémie du Corona virus a meurtri l’humanité toute entière par une contamination exponentielle éclair avec plus de 860 000 décès recensés à la mi-septembre. Elle a provoqué l’effondrement instantané de l’économie mondiale en détruisant ses dogmes les plus affirmés que sont la libre consommation, la liberté de circulation et les déficits publics nationaux. Paradoxalement, dans l’urgence et la compassion de nombreuses actions collectives de solidarité ont pris le pas sur l’indifférence individuelle, ouvrant dans le même temps des voies économiques et sociales nouvelles (A). Dans cette perspective, fidèles à nos principes maçonniques, tentons de définir notre rôle de maçon pour le monde de demain (B) afin de rendre l’humanisme universel le plus cohérent possible.

Des liens humains prioritaires

Une réflexion sur la valeur de la vie humaine. La maladie, la mort et le deuil auxquels nous avons été confrontés doivent nous inciter à réfléchir sur la valeur humaniste de la vie. Cette réflexion est révélatrice inévitablement les questions liées à l’organisation d’une société humaine en expansion démographique vers un meilleur partage des richesses. Il nous faudra faire preuve de sincérité et avoir le courage de définir une politique migratoire où humanisme et limites seront conjuguées pour s’imposer. Il en sera de même pour l’organisation acceptable du travail hors de nos frontières.

Une société du lien plutôt que du bien. Nous sommes peut-être à un moment charnière où il s’agirait de redéfinir le sens que l’on veut donner à notre manière de vivre ensemble sur cette terre. Il s’agit de redécouvrir que les comportements collectifs nous protègent des vulnérabilités individuelles. Il en est de même pour la préservation des services publics hors de la sphère marchande car ils sont le bien commun indispensable à l’humanité : santé, éducation, recherche, sécurité, eau, justice. Cela implique également la prise en compte de nouveaux éléments d’avenir pour les différents marchés. Ainsi une clause de considérations humanitaires au même titre que celle consacrée à l’écologie, pourrait être imposée et intégrée aux cahiers des charges. Ces politiques auraient un devoir d’humanité qui s’étendrait à d’autres entités non humaines.

Faire village. Un nouveau rapport aux gens, une solidarité de voisinage considérée dans un nouvel aménagement du territoire devrait permettre de lutter contre la pauvreté, l’isolement au milieu des autres, le stress dans les transports et au travail généré par des agglomérations tentaculaires. Bâtir la ville à la campagne impose une véritable vision écologique dans l’urbanisme des Territoires.

La maçonnerie et ses membres en question

Lutter contre le consumérisme maçonnique. Si les Francs-Maçons du GODF ont découvert ce que la crise a révélé, c’est qu’ils n’avaient pas, comme la plupart, pris conscience des enjeux du consumérisme mondial. Ne sommes-nous pas plus préoccupés par le fonctionnement de l’obédience que par ses capacités de réflexion intellectuelle. Il serait sans doute utile de se passer des habitudes acquises au fil du temps qui ne représentent pas de caractère essentiel. Écarter les propos « du café du commerce » au profit de réflexions que nous pouvons et devons tenir. Cela nous permettra de lutter contre le consumérisme maçonnique. Si, pour nous, prendre son temps est confortable, cela masque souvent notre inactivité…par manque de temps, ce qui est un comble !

Le réveil des maçons. Apprenons à ne pas attendre les crises pour nous réveiller. C’est le même constat qu’en 1939 avant le deuxième conflit mondial. Durant cette crise et  son confinement, les maçons doivent se comporter comme s’ils retournaient pour un long séjour dans le cabinet de réflexion et non pas comme une simple parenthèse hors de l’engagement maçonnique. Ils doivent garder leur démarche initiatique qui impose un déroulement organisé et des gestes rituels essentiels à la démarche maçonnique. Elle permet une réflexion commune où chacun apporte sa pierre pour construire une œuvre collective partagée.

Vers un travail maçonnique militant. Il nous appartient, à nous Francs-Maçons, avec nos grands cœurs et nos beaux idéaux de réfléchir et d’influencer avec nos moyens le cours du nouveau monde à réinventer. Une société où les Francs-Maçons auraient un idéal de perfection à faire valoir.  Il faut que nous redevenions tous des acteurs actifs de notre loge. Notre démarche devra avoir des objectifs et des exigences, c’est-à-dire être engagée politiquement et humainement dans une volonté du résultat. Plus simplement, ce serait pour chaque maçon l’occasion de jouer un rôle de « guide » avec bienveillance, fraternité égalité et liberté dans cette société.

Conclusion

La grave crise mondiale que nous traversons a touché notre planète en un temps record. Partout le constat sanitaire d’abord, économique ensuite, a révélé une fragilité plus ou moins grande de chaque pays quel que soit leur système politique décisionnaire.

La crise a également apporté son lot de belles surprises avec une certaine solidarité retrouvée, une prise de conscience de l’importance de la santé, une réflexion sur la mort. L’importance aussi de la protection sociale, des mouvements associatifs, des corps de métiers indispensables et mal considérés. Elle a mis au jour les valeurs modifiées du travail et permis d’envisager sereinement une consommation et des mobilités raisonnées.

Notre utopie maçonnique constructive nous a laissé entrevoir quelques pistes à travailler. Une société du lien et non du bien est à imaginer. Dans tous les domaines l’humanité est à considérer d’abord. Tes tests de marché démontant cette perspective seraient à règlementer dans les actions commerciales mais aussi dans la vie politique courante. « Sacraliser » les systèmes de santé hors de la rentabilité de marché, amener par la loi la gestion publique au plus près des problèmes à solutionner, maintenir et améliorer la protection sociale des plus faibles, réévaluer les bas salaires qui occupent des fonctions indispensables à la vie collective voire installer une forme de revenu universel permettant la prise en charge des frais vitaux, d’alimentation, de logement et l’épanouissement culturel des bénéficiaires, en seront les lignes directrices majeures.

Fort de l’expérience humaine qui a souvent oublié les leçons de l’Histoire, maçons, n’attendons plus pour travailler et apporter notre pierre taillée à ce monde nouveau. Redevenons militants avec nos valeurs hissées haut et fort pour une humanité du bonheur, une République universelle chère à notre utopie maçonnique.