Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

Le numérique au service de l’amélioration de l’École (2ème partie)

Respectable Loge, Intersection, Orient de Paris, Région 12 Paris 2

Mots Clefs : Équipement numériqueFormation des enseignantsManagement innovant

Problématique : passer de bricolages improvisés, sous la contrainte et l’urgence, au soutien organisé et maîtrisé des équipes pédagogiques

   Malgré les insuffisances et les défaillances individuelles, on peut considérer que l’école a su, à tous les niveaux, partager et assurer une forme de continuité pédagogique et utiliser à cette fin les potentialités du numérique.

   Il s’agit désormais :

            – d’assurer en premier lieu un niveau d’équipement individuel des enseignants, des élèves, des familles et d’infrastructures qui rendent possible la généralisation de l’outil numérique et de l’égal accès à distance au service public de l’éducation et de l’enseignement supérieur ;

            – et en second lieu, de passer de bricolages improvisés, sous la contrainte et l’urgence, à une responsabilisation et une reconnaissance des équipes pédagogiques, à une organisation des institutions scolaires et universitaires pensée et maîtrisée pour apporter aux équipes pédagogiques le soutien dont elles ont besoin, à une diversité maîtrisée d’expérimentations que l’institution se donne les moyens d’analyser, d’évaluer et de diffuser.

L’enjeu : des limites en termes d’équipement et de formation, un révélateur brutal des inégalités

   La crise a révélé la non-maîtrise du numérique par beaucoup d’enseignants. Ils bénéficient de peu de formation initiale. Dans les instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation, le numérique est souvent utilisé uniquement pour numériser des documents. Quand une formation existe, elle regroupe tous les stagiaires, quelle que soit la discipline, et consiste à manier des outils en dehors de tout projet pédagogique. En formation initiale, il est peu enseigné comment créer, dans une progression disciplinaire, une « capsule interactive numérique ». La formation continue propose des stages efficaces, mais, basés sur du volontariat ; ne s’y inscrivent que ceux qui sont déjà convaincus et techniquement à l’aise.

   La crise a également fait apparaître le manque de matériel (ordinateur, logiciels) pour tous : élèves, enseignants, ainsi que les inégalités et insuffisances d’accès aux réseaux numériques. La généralisation brutale et non préparée de l’enseignement à distance a eu pour conséquence d’aggraver le décrochage scolaire, surtout en lycée professionnel, mais pas seulement. Elle a révélé et accru une précarité et des inégalités dont la conscience était diffuse : celles des familles (difficultés de logement, ou le fait que le repas à la cantine est parfois le seul repas équilibré de la journée pour certains enfants), situation laquelle se trouvent certains étudiants qui n’ont plus de job…

   La crise a mis en lumière crûment combien l’attractivité des filières technologiques et professionnelles est dépendante de l’image dégradée des métiers et, par voie de conséquence, des formations qui y préparent. L’orientation des jeunes, tout particulièrement en fin de 3ème repose encore trop, de manière terriblement stigmatisante, sur le tri négatif qui « spécialise » les filières technologiques et professionnelles dans l’accueil des publics en difficulté.

Propositions pour tirer les enseignements de la période écoulée et mieux organiser l’usage du numérique

   Quelques enseignements minimaux peuvent être tirés de la période qui vient de s’écouler, pour ne pas subir l’urgence sanitaire, mais en anticiper les conséquences :

   – mettre en œuvre un plan ambitieux et volontariste d’équipement en matériels et en réseaux qui conjugue les efforts de l’État et des collectivités territoriales pour assurer aux élèves, aux enseignants et aux familles un égal accès, en tout point du territoire, au service public de l’école ;

   – faire de l’utilisation du numérique un rituel. En chaque début d’année, recenser pour chacun le matériel et son temps à disposition, activer les adresses mail professionnelles des enseignants et celles des élèves et des étudiants, faire des exercices pour que cela devienne des automatismes ;

   – encourager et développer les expérimentations dès la prochaine rentrée, et mobiliser l’appareil d’encadrement intermédiaire pédagogique et administratif (services académiques, corps d’inspection) pour accompagner et soutenir ces expérimentations ; organisation des échanges entre les équipes, à tous les niveaux (au sein d’un établissement, sur un territoire, au sein d’une discipline, entre premier degré et second degré…). Il convient d’accompagner ce changement par une gouvernance managériale innovante : les corps d’inspection jusqu’au plus haut niveau doivent en savoir autant voire davantage que ce qui demandé aux professeurs de manière à pouvoir, évaluer, accompagner, impulser et reconnaître, pour le professeur et sa carrière, la qualité d’un travail fourni ;

   – créer un corpus de formation initiale et continue et une banque de ressources nationales centralisée au CNED : en plus de mobiliser les instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation et les laboratoires de recherche pour accompagner, évaluer et analyser les expérimentations (au moins les plus construites d’entre elles), il faudrait constituer un corpus de formation continue et initiale des enseignants, basé sur ces innovations et constituer une banque de ressources nationales centralisée au CNED, pour disposer sur chaque chapitre des programmes, de « capsules numériques » à destination des élèves, qui pourraient être intégrées au cours ou suppléer en partie un cours dans le cadre d’un enseignement à distance 

   – repenser totalement l’ingénierie des formations des enseignants, à la fois initiales et continues : Former les professeurs à concevoir des parcours pour enseigner aussi bien à distance qu’en présentiel ; Prévoir également dans ce cadre des stages sur « comment gérer de façon optimale son temps de travail » (à la fois au niveau du professeur et au niveau de l’élève) ou « comment améliorer la motivation et la cohésion du groupe classe à distance » ;

   – rebondir sur le nouveau regard que les parents portent sur leur enfant et leurs enseignants, et sur celui que porte l’enseignant sur l’enfant et ses conditions de travail. L’enseignement à distance a créé un lien qu’il faut entretenir et sur lequel il faut s’appuyer ;

   – proposer une nouvelle ambition pour l’enseignement professionnel : l’intégration de filières professionnelles au sein de campus des métiers et des qualifications (CMQ) les fait, par ailleurs, bénéficier de l’effet d’image dû à la proximité d’établissements prestigieux et des entreprises regroupés au sein du campus.

   – un stage en entreprise pour l’ensemble des futurs professeurs, pour toutes les disciplines, est indispensable au cours de leur formation initiale.

Proposition phare : il faut remettre l’École au cœur de la société, et l’élève enfin au centre de l’école. Et pour cela il faut que l’École soit à la pointe des progrès techniques, que toutes les filières de l’École, au niveau scolaire comme au niveau supérieur, soient valorisées à part égale dans la société, et porter un autre regard sur l’apprentissage et les filières professionnelles, qui correspondrait un peu mieux aux débouchés professionnels potentiels. 

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