Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

Redonner leur place à nos aînés pour une société plus humaniste

Respectable Loge, Charles de Montesquieu, Orient de Paris, Région 11 Paris 1

Mots Clefs : EPHAD

Contexte, constats, tentative de compréhension et problématique

La Covid 19 a révélé des failles sous-jacentes des sociétés : leur incapacité à traiter dignement et protéger leurs ainés, les + 65 ans ayant payé le plus lourd tribut avec 93% des 31 000 décès en France (900 000 mondial) et bien davantage encore du fait des dégradations psychologiques et physiques liées aux reports de soins, aux phénomènes d’abandon, isolement, voir de stigmatisation. Chaque a famille a aussi profondément souffert de l’isolement accru de leurs proches.

Un enjeu crucial qui concernera une part croissante de la population dans les années à venir… et chaque citoyen à l’aube de sa vie :

les +65 ans, 11 millions de français vont augmenter de 31 % à 5 ans et près de 50% d’ici 2050. Tous les pays développés présentent des populations vieillissantes et ceux en voies de développement, dont des taux de fécondités s’effondrent, suivront le même trend. En dépit des progrès en matière de santé ou d’accompagnement, les personnes en perte d’autonomie vont aussi croître de 7 % d’ici 5 ans à 1,5 million de citoyens.

Les cycles de la vie, implacablement, s’enchaineront : pertes de capacités physiques et psychologiques, perte d’autonomie, isolement … ou plus imagé, « Après le camping-car, la pêche à la ligne, les associations de seniors, la mise au rebut dans les EHPAD, loin des familles, sans espoir de marche arrière », puis, comme Brel l’illustre dans son texte les Vieux « …du lit à la fenêtre puis du lit au fauteuil et puis du lit au lit ».

La problématique est difficile à traiter sur 2 pages : notre propos ne visera donc pas les problématiques matérielles d’amélioration de la vie de nos ainés, celles qui fournissent des béquilles pour se donner bonne conscience ou qui mettent sous cloche, à coups de milliards, ce qui est devenu insupportable : la déchéance de nos proches, et leur finitude. Les réflexions « institutionnelles » déjà à l’étude, ne seront donc qu’évoquées en partie 2 et annexes.

En Franc-Maçonnerie, nous nous concentrerons sur les souffrances les plus intangibles, silencieuses, les plus cruelles, celles liées au sentiment d’inutilité, au déclassement, à la désocialisation et qui précipitent la vieillesse par « glissement ».

L’ambition est de redonner aux ainés, leur dignité, la place qu’ils méritent dans une société moderne qui les en a privées, et au-delà, de recréer la chaîne d’union trans-générationnelle qui s’est brisée, stoppant net les processus de Transmission d’expériences, dont nos sociétés et citoyens, en perte de repères, manquent cruellement. Redonner « Un Sens » à leur existence donc, la fierté de ce qu’ils ont accompli dans leur vie, et se savoir utile à « quelque chose de la Vie ! »

Pas juste leur offrir une petite mort, mais une vraie place dans la société… leur redonner plutôt…car cette place, ce statut, cette dignité, ils l’avaient, lorsqu’ils détenaient les savoirs que chacun, reconnaissant, venait cueillir : mais qu’avons-nous fait à notre temps ! Qu’avons-nous fait à nos ainés ?

État des réflexions déjà produites sur le sujet, où en est-on ?

Cette crise a « néanmoins » présentée des vertus pour l’avenir de nos ainés :

  • pointer l’insuffisante anticipation, l’inadaptation de nombreux processus de l’Etat ou des institutions spécialisées, et leurs manques en matière d’organisation et coordination,
  • générer nombre d’initiatives d’acteurs locaux, associatifs souvent, qui ont pallié à ces manques via des actions de soutien, opérationnel ou psychologique,
  • prouver que l’attachement des familles à leurs ainés reste immuable, bien que nos modes de vie et sociétés modernes tendent à le désagréger,
  • accélérer l’expérience d’outils de contact à distance d’ainés, pour rétablir leur contact avec leur famille et leur ouverture sur le monde, (internet, photos, sms, WhatsApp, Insta…

Ces constats balisent les nombreuses réflexions de commissions dédiées à la protection des personnes âgées, dont les axes de transformations principaux seront joints en annexe 1 et 2.

Propositions opérationnelles pour redonner leur place à nos ainés

1) Renouer avec les lois de la nature : dans nos bois et forêts, les arbres vivent une organisation en société très développée. La Canopée constitue une couverture protectrice des sous-bois par le rassemblement des sujets les plus anciens pour couvrir les plus jeunes contre sécheresse, foudre et autres attaques naturelles. Ils se sacrifient également pour protéger l’écosystème et l’équilibre des forêts. Nos Aînés sont avec nous, parmi nous. Si nous ne

les respectons pas, nous ne bénéficierons pas de leurs expériences des sécheresses, de leurs génies pour se protéger contre les attaques de la Vie, pour survivre, pour avancer dans nos projets.

2) Nous réconcilier avec la mort, et la vieillesse qui l’annonce :

La mort est de plus en plus tenue à distance et elle nous traumatise lorsqu’elle réapparait dans sa réalité la plus nue, comme dans cette crise du Covid. Il en est de même avec la vieillesse qui l’annonce et qui se heurte aussi aux « standards » des valeurs de nos sociétés contemporaines : performance, beauté, rentabilité économique…

Ré-apprivoisons la mort et la vieillesse sera acceptée ! La Franc-Maçonnerie est une voie, mais il doit y en avoir d’autres.

3) Reconstruire et sacraliser le rôle de nos ainés en valorisant leurs Expériences de vie

  • Montrer qu’ils assument nombre de missions importantes avec la promotion d’associations comme AgirABCD qui organise avec 3500 adhérents âgés de 55 à 88 ans, 400 missions par an de bénévolat à l’étranger d’une durée moyenne de 45 jours, ou d’autres qui œuvrent sur l’hexagone, souvent par filière.
  • Développer aussi les initiatives du type  www.changeonsderegard.com/ qui améliorent notre perception de la vieillesse via des vidéos de cultures où les seniors représentent encore un lien intergénérationnel unique.
  • Accorder des taux de médiatisation minimum aux séniors (dans les émissions, presse…),
  • Lutter contre « l’âgisme » tel qu’il est ressenti dans des sociétés type US.

4) Maintenir la participation à la co-construction des solutions de la cité

  • Développer un « réflexe empathique » pour voir avec leurs yeux, chacune des décisions susceptibles de les impacter et exiger un taux de représentation dans les commissions locales sur toutes les problématiques liées à leur environnement.
  • Promouvoir les outils d’accès aux informations, faciliter le maintien du droit de vote des ainés aux niveaux local et national, (internet ?)  et encourager la constitution de lobbies puissants, à l’américaine, pour qu’ils se sentent représentés, considérés, peser sur la vie de la cité.

5) Promouvoir le rapprochement des générations pour retisser les liens intergénérationnels

  • Favoriser l’ouverture des structures/accès de nos ainés dans les espaces hybrides : étendre les expériences dans les crèches et la sphère culturelle à d’autres champs qui font sens, en recherchant des convergences par ex. le Développement Durable, le Culinaire…
  • Cibler le service civique national sur ces enjeux d’aides et échanges avec les ainées.
  • Faciliter et promouvoir le « rapprochement familial » partout où il est désiré et possible pour les familles avec une approche transversale des aides (compte famille ?), une formation et professionnalisation des acquis et un hébergement, soit chez l’ainé, soit dans des centres de vie locaux.
  • Généraliser les solutions « gagant-gagnant » comme celles de l’association COSI, (Cohabitation Solidaire Intergénérationnelle) qui organise l’hébergement des étudiants chez les ainés contre de menus services. 

6) Rétablir des process de Transmission efficaces entre ainés et plus jeunes :

  • Développer une écoute et compréhension active de l’aîné, ce qu’il ressent et ce dont il a réellement besoin, tant les sentiments et aspirations peuvent varier au cours de la vie,
  • Commencer dès l’enfance pour rendre cette Transmission naturelle : présentation par les écoliers en classe du parcours de vie d’un ainé de leur famille sur la base d’un format apte à valoriser l’essence de leur enseignement : leurs échecs, les moyens utilisés pour les surmonter, leurs difficultés, leurs succès… et ce qu’ils en ont faits, leurs regrets …
  • Stimuler la Demande pour faire renaitre l’Offre : réaffirmer dans nos sociétés que la Transmission de l’expérience d’une vie, des secrets d’un parcours est une chance précieuse offerte aux plus jeunes, pour motiver nos ainés à transmettre, selon leurs capacités bien entendu.
  • Prioriser une transmission directe et physique de l’Expérience, plus efficace que les étagères les mieux pourvues en livres et le cousu main sans tenter d’obtenir un model répliquable tant les expériences de vie & trajectoires individuelles sont singulières… et diverses les demandes. Pas d’enseignement vertical non plus mais une démarche de conseil humble qui éveille et éclaire l’esprit du demandeur.
  • Privilégier une transmission trans-générationnelle et trans-sociale pour décupler la force du levier de la transmission en revitalisant l’ascenseur social et nos valeurs humanistes et si cette dernière se heurte à un langage, ou corpus de valeurs distants, les seuls « codes de la société » deviendront alors l’objet principal de cette Transmission, pour les guider dans leur parcours ?
  • Et, devant la crainte de l’incompréhension, se rappeler que l’on ne sait jamais ce qu’un geste, un mot, même insignifiant, peut produire en l’autre, et aussi que ce sont souvent de petites graines, semées par d’autres qui ont germées en nous pour nous indiquer notre voie, et enfin, que, même en cas de rejet, on aura à minima ouvert l’autre sur une perspective dont il n’aurait peut-être jamais eu conscience.

En tant que Franc-Maçon en Loge, au-delà de l’Hospitalier, beaucoup de leviers restent activables :  visites, échanges informels, planches d’hommage, planches à 4 mains en miroir sur le même thème où la vision du jeune se mesure à celle de l’aîné… Dans la vie profane, interrogeons-nous sur la manière dont les ainés de la Franc-Maçonnerie pourraient s’ouvrir davantage auprès de jeunes profanes dans des « Causeries Blanches » informelles par exemple…

Une souffrance de la vieillesse pourrait se résumer à l’Envie d’être en Vie, et l’Envie d’avoir Envie, d’aller plus loin, d’exister en se sentant utile : à tout âge prolonger son action, instiller un peu de soi via la Transmission : une trace laissée dans l’Histoire pour certains, les yeux et parcours de leur progéniture pour la majorité et, pour tous, une quête de Sens à notre vie pour affronter plus sereinement la mort.

Au-delà du politique, c’est donc bien sous l’angle philosophique que le débat envers nos ainés doit être abordé, au besoin avec humour car comme le disait Pierre DAC « La mort n’est … qu’un manque de Savoir-Vivre ! »

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