Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

La Covid 19, une exponentielle de plus

Respectable Loge, Étoile de Marianne, Orient de Niort, Région 9 Ouest

Mots Clefs : Simplicité

Dans cette époque avide de chiffres, les courbes exponentielles ont la côte. Preuve en est, durant le confinement, nous étions tous pendus à nos écrans télévisuels qui nous assenaient des chiffres, celui des nouvelles contaminations, des hospitalisations et des décès. Notre appétence pour les graphiques nous a rendus accros à ces indicateurs. Le sensationnel nous fait oublier que derrière ces chiffres, il y a des hommes et des femmes qui ont perdu la vie.

Parmi les courbes, il en est une qui se distingue. Il s’agit de la courbe exponentielle qui a ceci de particulier : elle croit de façon vertigineuse et elle tend vers l’infini. Aussi requiert-elle toutes les faveurs des économistes. Certes le progrès, l’évolution s’entendent dans le sens d’une amélioration, d’une optimisation des process, d’une plus grande productivité. Ainsi dans notre quête insatiable de performances en tous genres, la courbe exponentielle exerce une fascination. Or pas besoin d’être grand clerc en la matière pour comprendre qu’une progression vertigineuse sans palier, sans « consolidation » est vouée tôt ou tard à la dégringolade.

La croissance, par essence dynamique, ne peut pas être stable. C’est un processus qui s’auto nourrit. Un processus qui cherche toujours à optimiser la croissance laisse de moins en moins de place aux variables d’ajustement. Un système optimisé dans un domaine aura plus de mal à résister aux aléas.

Les exemples sont légions :

Les approvisionnements, les achats et l’industrie : toujours plus de consommation et la volonté d’avoir toujours moins de stock. Il faut donc produire et s’approvisionner en flux tendu. Pour maximiser les profits, il faut optimiser les achats et donc s’approvisionner chez le moins disant qui souvent se trouve à l’autre bout de la planète. Bon nombre de pays se sont ainsi spécialisés, l’inde dans l’industrie pharmaceutique, la Chine pour les produits industriels etc…

A la moindre crise diplomatique, au moindre problème de transport, les importations gelées peuvent priver un pays de denrées absolument indispensables à sa population. L’exemple de l’approvisionnement en masques chirurgicaux dans la crise du Covid en est une parfaite illustration. L’agriculture et l’alimentation : le paysan d’hier est devenu chef d’entreprise. Face aux exigences de la population, il n’a eu d’autre choix que d’augmenter sa production. Pour ce faire, il a investi. Les intérêts d’emprunt de son exploitation l’obligent à tenir des rendements toujours plus élevés. Ce qui l’amène à être dépendant des produits « Monsanto » qui lui coûtent une fortune et des banques auprès desquelles il s’est endetté. Une chute des cours céréaliers, un aléa climatique l’amènent très vite à la faillite. Le paysan qui savait faire face lorsqu’une récolte n’était pas au rendez-vous a fait place à un acteur d’une industrie agro-alimentaire impitoyable qui se targue d’avoir éradiqué la famine mais à qui nous devons un nouveau fléau, la mal-bouffe. Durant le confinement, nous étions bien contents de pouvoir compter sur l’approvisionnement local, en direct du producteur. Puissions-nous nous en souvenir.

La gestion des territoires : Afin de rationaliser les activités économiques et favoriser la logistique on a concentré la population dans les villes qui sont devenues des métropoles urbaines. Alors que les populations s’entassent dans les banlieues, pour desservir ces espaces et les centres de production, on a créé des hubs routiers, des hubs aériens, des hubs ferroviaires, portuaires etc… La rationalisation à outrance, fait que les usagers sont considérés comme des fluides, au moindre grain de sable, le système est paralysé. Les infrastructures ne sont plus au service de l’humain mais du système reléguant ainsi l’individu au rang d’objet. Par ailleurs la désertification des campagnes va laisser en friche une grande partie du territoire. Sans surprise les départements de la Lozère, du Cantal et de la Creuse avec une densité de 15 à 20 habitants au km2 ont été les départements le moins touchés par le virus. Pour mémoire Paris a une densité de population supérieure à 21 000 habitants au km2, (891 pour Niort). Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que la prolifération ait fait rage en Île de France et que les Deux Sèvres aient été épargnées. Avec le télétravail, bon nombre de citadins font le choix de la qualité de vie et prennent la décision du retour à la campagne. Nous pourrions parler du système de santé, toujours plus de patients avec moins de moyens, de l’industrie touristique, toujours plus de séjour à moindre coût, dans tous les cas, la massification est un désastre.

Pourquoi et comment en sommes-nous arrivés là ? Le pourquoi, c’est simple, par cupidité, le comment s’explique par une faillite de la gestion politique de nos dirigeants. Qui dit gestion, dit conduite des organisations. L’œuvre politique consiste à trouver des points de fonctionnement qui sont intéressants. Ce point de fonctionnement est un point d’équilibre, un état moyen qui permet de croître tout en offrant au système une certaine stabilité. Sur un système en montagne russe, le point haut ne peut que redescendre. Les points d’équilibre sont des « points plats » (au sommet ou au creux de la courbe) qui permettent, face à une petite perturbation, de revenir à un point d’équilibre. Lorsque l’on recherche une croissance à tout prix et que l’on s’inscrit dans une compétition mondiale, comme c’est le cas aujourd’hui, ce ne sont pas les points d’équilibre qui sont recherchés mais la performance. Les responsables politiques aveuglés par le désir d’accroître la puissance de leur pays et la demande croissante d’une population jamais rassasiée, ne jurent que par le PIB, Produit Intérieur Brut, cet indicateur économique qui permet de quantifier la production de richesse annuelle à l’intérieur d’un territoire. Or d’autre choix sont possibles. Au cœur de l’Himalaya, le royaume du Bhoutan refuse « la dictature du Produit Intérieur Brut » et de la croissance économique à tout prix, en proposant un nouvel indicateur de richesse : le bonheur national brut (BNB). Cette quête de la croissance a d’autant moins de sens que nous évoluons dans un système fini, celui de notre planète. Jusqu’en 1970, la consommation mondiale annuelle correspondait aux ressources que la nature peut renouveler en une année. Aujourd’hui, dès le 1 er août nous avons consommé ces ressources. Nous vivons à crédit, nous hypothéquons l’avenir de nos enfants. Ce n ‘est pas par hasard, si des sociétés privées se lancent dans la conquête de l’espace. Elon Musk et Jeff Bezos ne sont pas des philanthropes. Si nous ne changeons pas de paradigme, l’humanité court à sa perte. Sachons prendre ce qu’il y a de bon dans cette épreuve. La Covid nous offre la possibilité de nous poser et de réfléchir. Si le monde d’après consiste à ouvrir les vannes financières pour maintenir le système, alors nous n’aurons rien compris. A mon sens, le monde d’après doit mettre le vivant au cœur de ses préoccupations, le vivant sous toutes ses formes, dans le respect de sa diversité. Chacun de nos actes à des conséquences, n’attendons rien de nos dirigeants qui prétendent ordonner le monde alors qu’ils n’ont même pas la maîtrise d’eux-mêmes. Je vous invite à méditer sur le bonheur, notre conception du bonheur individuel qui ne peut générer qu’un bonheur collectif. Si Stéphane Hessel nous exhortait à nous indigner, je vous invite avec la même ferveur à cultiver l’art de la simplicité.

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