Après

Problématique

APRÈS…morphème indiquant un rapport de postériorité dans le temps tout en introduisant une idée de changement. Si l’après nous interroge, manifestement c’est l’avant qui pose question.

Toute la création est achevée, sauf l’espèce humaine. L’être humain évolue, occupe les espaces terrestres, les océans et les airs. Mais, il ne peut asservir, infléchir (le cours), maîtriser les éléments naturels. Par son comportement « insensé » il aggrave, détériore, perturbe et accélère certains phénomènes. Gaz à effets de serre, réchauffement climatique, déforestation sont des données ajoutées par l’homme à l’équation qui régit l’évolution de notre planète Terre.

A présent l’inconcevable, mais pourtant réalité actuelle, nous impose de vivre aujourd’hui l’apocalypse longtemps annoncé par les observateurs scientifiques et relayée par tous les lanceurs d’alertes. Visiblement les alertes n’ont pas été suivies d’effets au plus haut niveau de l’état. Les responsables politiques et les acteurs économiques semblent avoir été atteints d’une forme d’autisme, encouragés par la passivité complice d’une grande partie de l’humanité.

Il aura fallu très peu de temps au Covid-19 pour imposer son autorité morbide à l’ensemble de l’humanité. Il a réussi à instaurer le confinement – le couvre-feu (triste souvenir d’une période sombre de notre histoire) – la distanciation des corps au nom de la survie – à débloquer des fonds exceptionnels etc. Il a même mis en lumière de nombreux dysfonctionnements et anomalies dans la gestion de la pandémie (masques, tests).

Réflexions

Et pourtant, qu’y a-t-il de nouveau avec le Covid-19 ? Rien à vrai dire, l’histoire a fidèlement noté les années noires marquées par la lèpre, la peste, la grippe espagnole ou encore le choléra. Il y a une cohabitation entre l’homme et ces éléments qui remonte à la nuit des temps.

Mais, plutôt que de vouloir tout de suite tout mettre en boîte et en tirer des leçons définitives ou spéculer sur le monde d’après, suivons le conseil d’Hannah Arendt : « un évènement ne nous libère que si nous renonçons à nos habitudes et le saisissons comme une occasion de pensée… »  Il nous faut voir dans cette phrase d’Hannah Arendt une invitation à la réflexion.

Le partage, l’hospitalité, la solidarité, l’altruisme sont quelques-unes des valeurs fondamentales d’un comportement maçonnique que nous portons avec force et vigueur mais qui, nous semble t’il, avec le temps se sont éloignées du projet de société que nous soutenons. Aujourd’hui et après ce que nous traversons, la question est : comment les faire revenir, comment les renforcer et comment mieux les partager durablement à l’échelle de notre société ?

En somme, comment être à la hauteur, sachant que se mettre à la hauteur de l’évènement ne signifie pas le regarder de haut mais, au contraire, se laisser traverser par lui.

La crise provoquée par le Covid-19 réclame de nous un effort, celui de remettre notre pensée en route, de nous lancer à la recherche d’un sens qui ne serait pas pré mâché ni du déjà là. Au cœur de cette brèche trois dimensions : SOI – AUTRUI et LA PLANÈTE, ont émergée et méritent d’être explorées. Ce qui nous fait dire que cette crise nous a contraints à l’introspection et rappelé les valeurs devant guider notre vie. Elle nous a ainsi : ramenés à l’essentiel – fait prendre conscience de notre profonde interdépendance et enfin elle nous a poussés à réfléchir à notre rapport au monde.

La crise a fait apparaître la possibilité d’un télétravail à grande échelle. Quelles conséquences tirer de cette constatation dans tous les domaines ? Nous vivons une période d’expérimentation sociale. Le travail se réinvente ailleurs qu’au bureau. Au début du confinement cette situation nouvelle déclenche une sorte d’excitation. Tous ont le sentiment, même isolé chez soi, d’être en collectif. Puis, passé l’enthousiasme, les tensions reviennent, la motivation les quitte, les réunions en visioconférences semblent s’enchaîner dans un continuum ininterrompu et terne que ne ponctuent plus les discussions autour de la machine à café ni les plaisanteries lancées à la cantonade. C’est là que nous nous rendons compte qu’avec le télétravail il manque l’outil principal : la présence physique des autres. Lorsque nous sommes en présence les uns des autres nous créons et maintenons un lien social et affectif indispensable à l’être humain.

Propositions

Cette crise doit être l’occasion de recréer une démocratie substantiellement perfectionnée. Elle doit mettre en œuvre de nouvelles forces d’implication des citoyens répondant à une forte demande sociale. Elle doit développer la dimension locale sous forme dépolitisée. Elle doit procéder à une refonte de notre système pour restaurer la confiance des citoyens, plus de lisibilité à l’action politique, plus de langue de bois. Elle doit baser l’autorité du collectif au nom de la liberté des droits individuels. Elle doit revoir la construction de l’Europe et se recentrer sur son marché intérieur, sa division est sa principale faiblesse. Elle doit revoir le système de protection sociale vis-à-vis des migrants, ce qui doit lui permettre de revisiter la notion des droits de l’homme. Elle doit être l’occasion d’échapper à la décomposition poursuivie depuis des décennies. Le chemin sera long et difficile, mais il reste l’espoir. Prenons conscience des réalités sans tomber dans l’hypocrisie, regardons en face où va ce monde, prenons nos responsabilités pour envisager celui qui nous paraît le moins mauvais

L’économie qui gère notre monde a aujourd’hui perdu de son sens puisqu’elle est devenue une gestion oligarchique de personnes n’étant pas sous le contrôle de notre état et qui de fait ne se préoccupe pas d’être au service des peuples, mais se place comme une force colonialiste que les peuples doivent servir. Nous sommes gérés et administrés, non pas par une économie mais par une dictature de marché qui fonctionne sur la possession, l’avoir, le locatif au lieu de servir l’humain. A la sortie de la seconde guerre mondiale, nos gouvernants politiciens n’ont pas vu, ou n’ont pas voulu voir cette économie comme une guerre et ont voulu défendre notre façon d’être « en accompagnant » cette économie, pensant naïvement être en mesure de la contrôler et que celle-ci oeuvrerait pour le bien de toutes et tous. Mais, comme en Franc Maçonnerie, l’angélisme ne protège malheureusement pas des prédateurs, et on s’aperçoit un peu tard des dérives et des monstres qu’elle a engendrés. Comme un virus incontrôlable, cette économie érigée en système s’est transformée en ogre qui dévore ses propres enfants.

Nous n’avons pas vu le monde changer, mais nous pouvons changer notre façon de concevoir.

L’objectif n’est pas de séparer en une dualité en fonctionnant uniquement sur l’être, car se serait être en dehors du monde en mutation, mais par l’art de lier l’avoir et l’être avec une méthode qui consisterait à ce que l’avoir enrichi l’être de façon équilibrée. Comme en Franc Maçonnerie, il ne faut rien demander d’autre que ce que nous pouvons donner (ou consommer). Redevenir maître de son destin est autant une utopie à rechercher qu’un chemin à inventer. La stratégie serait de retrouver l’équilibre entre ce que l’on donne et ce que l’on reçoit pour réunir le cœur et la raison avec une économie qui retrouve son sens d’administrer pour le bien commun et non pas pour le seul profit de quelques uns. Une économie basée sur l’échange et l’évolution.