Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

Le travail et le revenu universel

Respectable Loge, L’Amitié, Orient de Saint-Denis de la Réunion, Région 3 Afrique-Asie-Amériques-Pacifique-Océanie dite le Monde

Mots Clefs : RUDE

« Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage ». C’est le paradoxe de cet article 23 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948 d’affirmer un droit et de l’annuler en ouvrant celui au chômage. Il faut alors construire cette « protection ». Une proposition fait son chemin depuis plus de 500 ans : le Revenu universel de Thomas More (Utopie, 1516) dans une société de cordialité heureuse. Mais la solution poserait problème : il mettrait en péril la valeur-travail, totem de civilisation, dans une inversion immorale entre la cigale et la fourmi de la Fable (« Y a-t-il dignité sans travail ? »), il mettrait en péril les équilibres productivistes et les pédagogies populistes (« Travailler plus pour gagner plus »). Le temps de « la métamorphose » est-il venu ? Ce terme employé par Edgar Morin a une portée plus radicale que celui de « transformation » ; il renvoie à une vision systémique et non-linéaire du changement vers le Progrès que nous appellerons la Transition humaniste.

L’Archéologie des savoirs paradoxaux et de l’espérance

  1. Le constat : grille et outillage de remédiation datés

Le regard le plus éclairant en Occident sur le travail et ses enjeux date du XVIIIe siècle de Voltaire et d’Adam Smith, le dogme dominant sur son organisation politique date du XIXe siècle de Marx et de Proudhon, et la vision indépassable sur l’organisation sectorielle des activités économiques date du XXe siècle de Colin Clark et de Fourastié. Le travail est-il peine punitive ou noblesse affranchissante, aliénation trimillénaire au sortir de l’Eden de la cueillette ou accomplissement dans l’artefact du nouvel Age de Faire ? Voltaire met en garde : « Le travail éloigne de nous trois grands maux : l’ennui, le vice et le besoin » (Candide ou l’Optimisme, 1759). Adam Smith va renchérir : « Il faut de toute nécessité qu’un homme vive de son travail et que son salaire suffise au moins à sa subsistance » (Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, 1776). Au siècle suivant Chateaubriand le catholique partage l’ambiguïté émancipatrice voltairienne : « Ainsi la liberté ne se conserve que par le travail, parce que le travail produit la force : retirez la malédiction prononcée contre les fils d’Adam et ils périront dans la servitude : In sudore vultus tui, vesceris pane (Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front). La malédiction divine entre donc dans le mystère de notre sort ». (Mémoires d’Outre-tombe, 1848-1850).

  • Le contexte : l’avènement d’un monde sans travail pour l’Homme

Le XXIe siècle s’est donné comme ambition d’éliminer la « grande pauvreté » sur Terre à l’horizon 2030 (Objectifs du Millénaire, Nations unies, 2015). Ce siècle verra paradoxalement l’extinction du travail salarié pour le plus grand nombre. Un modèle darwinien « dégraisse » et détruit les emplois, diminue les salaires des travailleurs et l’impôt versé aux Etats pour les populations ; ce modèle réduit les protections sociales, élimine les petits entrepreneurs au nom de la compétitivité de la marchandise, calculée au seul profit dégagé. Une insécurité sociale dans laquelle prolifèrent les inégalités, le tâcheronnat du « mal-emploi » et le sordide du mal-logement (Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale, rapport 2019).  La « main invisible » du marché mène le monde vers l’ultime étape de la démesure et du désespoir qu’est l’hystérisation capitaliste financière. Il n’y a pas de renoncement au travail : il n’y a plus de travail ; même en traversant la rue ! Alors, occuper la rue, ses carrefours et ses ronds-points ouvre-t-il le chemin vers le Progrès ?

  • La problématique de l’espérance : solvabiliser les hommes dans la transition humaniste

193 pays membres des Nations unies se sont engagés le 2 août 2015 à éliminer la grande pauvreté. Quand commençons-nous ? Une partie des réponses vient des poètes, engagés à nous entraîner dans notre devoir d’humanité ; de Victor Hugo, par son discours sur la misère à l’Assemblée nationale en 1849 et ses romans-plaidoyers Les Misérables (1862) et Les Gueux (1886), à Glissant dans une réflexion sur la relation d’humanité (Tout-monde, 1993). Une autre partie des réponses viendra des pauvres eux-mêmes ; experts du quotidien difficile, ils élaborent des ruses et des stratégies de survie par leur résilience inventive. Une autre partie des réponses viendra de ceux engagés dans la tradition séculaire humaniste. Le Revenu Universel de Dignité et d’Existence (RUDE) pourrait être une solution au chômage endémique massif contemporain. Il est universel au sens de l’article 3 de la Constitution de la Ve République ; il est marqué par la dignité, attribut essentiel de la personne humaine (Kant, Idée d’une histoire universelle. Qu’est-ce que les Lumières ? 1784), fondement de la liberté et principe indéfini et absolu inscrit au Préambule de la Déclaration universelle des droits de l’Homme (1948), préalable à l’avènement de « la famille humaine » (Préambule, 1948), c’est-à-dire la mise en œuvre de la Fraternité, troisième injonction républicaine. Dans une économie sociale et solidaire élargie à la valorisation des « biens communs » (Commons) et de l’économie de l’éducation, le RUDE s’inscrit dans trois champs : dans un continuum éducatif (l’Education populaire ou l’éducation tout au long de la vie), dans une solidarité organique agissante de tous, assimilable à une « contrepartie citoyenne » héritée des Stoïciens et de la 1ère République de 1792 et enfin dans le quintenaire, ce cinquième secteur économique non-marchand, élaboré par Colin Clark (The Conditions of Economic Progress, 1947), médiatisé en France par Jean Fourastié et qui valorise et sanctuarise la production de l’humain. A chacun selon ses besoins et de chacun selon ses talents. Son opérationnalité repose sur la rupture avec un mode de pensée trimillénaire par lequel « tout vaut tant » (Pollock). Devant l’agonie du réel, il ne peut s’installer que dans une nouvelle économie collaborative et dans une société ternaire éducative, humaniste et fraternelle, purgée de la soumission consumériste et de la pauvreté.

Les Propositions en réflexion et en débat

Trois ambitions sont connues. Celle du Revenu universel d’activités, exposée par le Président Macron le 3 juin 2019, visant à rénover « le maquis » des minima sociaux distribués, assortie en contrepartie de l’obligation de retrouver une activité de la part des bénéficiaires suivis par un Service public d’insertion. La seconde est le Revenu de base du Mouvement français pour le revenu de base (association créée en 2013), constitué d’une allocation universelle de la naissance à la mort, « sans contrôle de ressources ni d’exigence de contrepartie » ; fixée à 465 eu (2013), cette allocation remplace trois prestations (RSA social, prime d’activités et bourses d’étudiants), et est financée à hauteur de 179 milliards de dépenses publiques, soit 8,4% du PIB de 2013 (Le Revenu de base, un outil pour construire le XXIe siècle, direction Jean-Eric Hyafil, 2016). La troisième est le Revenu Universel Inconditionnel (RUI) de la Commission nationale du GODF ; il est financé par l’impôt et versé en 3 modes-tiers : monnaie nationale, une monnaie locale et des services gratuits. Un nouveau paradigme s’installe dans les esprits : la société post-capitaliste. « Le Capitalisme a créé la richesse économique, la société qui lui succèdera devra la rendre à ceux qui l’ont produite pour partie » (Commission nationale GODF, 18 juin 2020).

Propositions opérationnelles pour la Transition humaniste

  1. Initier un Revenu Universel de Dignité et d’Existence (RUDE) dont le montant, prélevé sur les comptes de la Nation, est fixé périodiquement par le débat parlementaire, et dont l’éligibilité est définie par l’exercice de la citoyenneté, comme exprimée dans la Constitution de la République, avec une nécessaire contrepartie sociale au service de la Nation.
  2. Assurer le financement par la fiscalisation des automates, au fonctionnement perpétuel, et du numérique
  3. Sanctuariser le RUDE dans les comptes de la Nation au titre du secteur quintenaire.
  4. Proclamer et promouvoir le concept de Transition humaniste dont les trois piliers sont le RUDE pour éradiquer la Grande Pauvreté, la Laïcité pour assurer la cordialisation (Jean Cardonnel) de l’espace public et le Vivre-ensemble pour assurer la pacification de l’espace privé.

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