Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

La crise va-t-elle changer notre relation au travail ?

Respectable Loge, Intersection, Orient de Paris, Région 12 Paris 2

Mots Clefs : État providenceHandicapSociété inclusive

Avec la pandémie du coronavirus, l’emploi risque de connaître en France une crise sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale. Les inégalités des conditions de travail, déjà importantes avant le confinement, ne pourront qu’être amplifiées.

Notre rapport au travail risque-t-il de changer ? D’autres contributions du présent Livre Blanc traitent la question, aussi, prenons l’exemple particulier du handicap.

Construction d’une politique publique du handicap

Depuis la loi de 1975, la politique du handicap s’est construite en France sur la volonté de prendre en charge, de protéger la personne et de compenser le handicap. Douze ans plus tard, la loi du 10 juillet 1987 a instauré une obligation de résultat dans l’emploi de 6 % de travailleurs handicapés ou, à défaut, le versement d’une contribution au fonds AGEFIPH.

Ces lois ont conforté le recours à l’État-providence, réclamant des moyens financiers et humains considérables, mobilisant de multiples réseaux d’acteurs institutionnels, des acteurs spécifiques du champ médico-social. Deux fonds dédiés interviennent spécifiquement pour faciliter l’insertion professionnelle des personnes handicapées avec des offres de services mobilisant un grand nombre d’opérateurs et de prestataires externes.

Même si l’accent est mis sur les déficiences dont la personne est sujet, sur la définition de son handicap plutôt que la considération de ses aptitudes et de son projet personnel, il est reconnu que des compétences singulières, des aptitudes diverses peuvent faire la différence en matière de compétitivité. Des exemples de prise en compte de troubles psychiques, intellectuels, autistiques en témoignent. En parallèle, il est indéniable qu’un travail, la formation qu’il requiert, son accomplissement, sont des outils d’intégration sociale et même de thérapie pour nombre de personnes handicapées.

Une politique publique aux résultats encore insatisfaisants

Malgré les moyens mis en œuvre, les personnes handicapées sont durement touchées par le sous-emploi et le chômage. Depuis une quinzaine d’années, 57 % des personnes en situation de handicap sont inactives, contre 28 % pour l’ensemble de la population. Leur taux de chômage est de 19 %, leur ancienneté moyenne d’inscription au chômage s’élève à deux ans et deux mois contre un an et sept mois pour l’ensemble, avec un taux de retour à l’emploi à douze mois de 23 % contre 51 % pour l’ensemble de la population.

Nous sommes encore loin aujourd’hui de l’objectif des 6 % – 4 % dans le privé et 5 % dans le public – incluant les mesures de maintien dans l’emploi et la qualité des emplois ouverts aux travailleurs handicapés est variable. La diversité des accompagnements mis en œuvre ne garantit pas l’égalité d’accès, ni la réussite et la stabilité dans l’emploi de toutes les personnes handicapées bénéficiaires.

L’écheveau des institutions et des dispositifs reste opaque pour les personnes, qui ne sont pas toujours placées en position de définir par elles-mêmes le choix de leur orientation. Leurs parcours d’accès à l’emploi sont fragmentés, marqués une succession de prises en charge par des interlocuteurs et référents dont les interventions sont insuffisamment coordonnées.

À tous les stades, formation primaire, sortie du système scolaire, formation professionnelle, accompagnement vers l’emploi, maintien en l’emploi, la personne handicapée subit des ruptures de parcours ou des déficits d’accompagnement à des moments charnières et se retrouve face à des dispositifs stigmatisant, visant à « placer » ces personnes spéciales dans des lieux spéciaux, sous la responsabilité de spécialistes qui savent ce qui est « bon » pour elles et qui résistent à la sortie vers le milieu ordinaire.

Que faire ?

L’objectif est de faciliter et sécuriser les parcours des personnes handicapées, dans le but d’une plus grande efficacité. L’articulation des interventions entre les acteurs doit être renforcée, en vue d’un accompagnement étroitement coordonné, notamment lors des moments critiques engendrant un risque de rupture – par exemple le passage de l’enseignement supérieur vers le monde du travail, les arrêts de travail longs consécutifs à des accidents ou maladies graves et les licenciements pour inaptitude.

Trois réseaux d’acteurs institutionnels sont à cet égard prioritaires :

Pôle-Emploi, dont l’organisation et l’offre de service doivent être améliorées ;

– les acteurs de la formation professionnelle, qui doivent identifier les besoins de formation ou de reconversion ;

les services de santé au travail, dont l’investissement sur la mission de maintien en emploi est déterminant.

Les expérimentations innovantes menées sur des territoires doivent être documentées, analysées et autant que possible reconduites si elles ont fait la preuve de leur efficacité. Trop souvent les expériences réussies ne sont pas transposables d’une région ou d’un département à l’autre, à cause de pratiques ou de ventilations budgétaires différentes.

Les transitions du milieu protégé vers le milieu ordinaire, et réciproquement, doivent être favorisées, dans le cadre d’une approche qui impose de sortir du seul prisme médico-social. Le secteur protégé entre d’ailleurs dans une ère de mutation et expérimente des dispositifs innovants, hors les murs, dans une logique de promotion de passerelles entre milieu ordinaire et milieu protégé, en lien avec la mutation vers une société réellement inclusive.

Proposition phare : faciliter et sécuriser les parcours ; sortir du seul prisme du médico-social.

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