Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

Pensez l’individu, réfléchir sur ce qui est apparu comme forces et faiblesses

Respectable Loge, Fédération Universelle - Georges Couthon, Orient de Paris, Région 12 Paris 2

Mots Clefs : Psychologiquement parlant

Cette invitation « psychologisante » à nous regarder avancer est un fourvoiement car elle ignore la dimension systémique de tout organisation dans laquelle tout individu est inséré par l’intermédiaire de groupes d’appartenance et d’influence. Si l’on veut progresser tant personnellement que collectivement, il nous faudra mieux comprendre nos fonctionnements collectifs.  Les individus, les groupes et la société constituent le trépied imbriqué et interdépendant, seul objet d’une véritable connaissance.

Chez chacun, nos émotions, nos sentiments, nos affinités électives et nos paroles fonctionnent assez spontanément selon des dominantes conscientes et inconscientes. Dès notre plus jeune âge, cet « instinct », pensant, parlant et agissant, se construit sous l’effet de notre environnement. Nos attitudes et représentations expriment alors notre manière d’être au monde et de faire société.

Cependant, notre environnement, c’est à dire la société, n’est pas le meilleur des mondes. La pandémie et la crise actuelles en témoignent. Des défauts et des désastres ne manquent pas d’y apparaître et nous incitent à y réfléchir, à nous projeter, même à nous liguer à la recherche d’explications, de solutions et de responsables. L’humanité est ainsi entrée dans la conscience du temps et des choses. Avec le langage, la science et la philosophie, nous tirons des enseignements du passé et de nos observations pour comprendre notre présent et préparer notre futur. Nous le savons bien, nous francs-maçons, puisque nous mettons en avant cette recherche de la vérité au service de « l’amélioration matérielle et morale de l’Humanité et de son perfectionnement intellectuel et social ».

Cet état des lieux étant dressé entre ce qui appartient à nos individualités et ce qui nous rassemble dans un projet commun, nous voyons mieux les difficultés qui nous attendent dans la recherche d’un progrès partagé. Nos positions personnelles dans l’échiquier socio-économique et les bénéfices que nous en tirons, ne font pas forcément bon ménage avec les exigences qui émergent d’une véritable prise en compte du commun et du bien vivre ensemble.

Ce qui nous intéresse ici, c’est donc moins la question d’une éthique personnelle en ce que nous pourrions, devrions et voudrions faire de mieux, que celle d’une réflexion sur ce qu’un collectif dans sa diversité peut, doit et veut faire avec ses membres pour que ceux-ci trouvent un point d’entente, d’analyse et de cheminement qui leur permet une véritable avancée vers la réussite commune.

A mon idée, la direction proposée par le GOF renvoie à un « psychologisme » centré sur l’individu.  Une manière assez habituelle de juger la question : « Les individualistes que nous sommes doivent faire leur examen de conscience. Si cela ne va pas, la faute en revient à soi et à chacun ». Ici, la morale judéo-chrétienne n’est pas loin et il n’y a rien d’étonnant au fait que la FM l’est reprise à son compte si l’on analyse son histoire et le cœur de son discours. Les élans de solidarité de bien des individus montrent le contraire et qu’ils ont la main sur le cœur. Des logiques marchandes et celles politiques qui sont leurs complices viennent malheureusement y semer le trouble.

A l’encontre de cette lecture, les sciences humaines et même une objectivité empirique, nous disent l’importance de facteurs sociologiques et systémiques. Nous voyons bien que les individus n’existent pas en tant qu’unités esseulées au milieu de l’Univers et face à leur Grand Architecte. Tout nous invite à comprendre les multiples influences, interactions et institutions qui les structurent, les guident et même les manipulent. C’est là qu’une dimension intermédiaire entre l’individu et la société prend son importance et que nous-mêmes francs-maçons, nous usons sans vraiment en relever les enjeux. Je veux parler ici du groupe. Les groupes de pression, ethniques, de travail, d’appartenance culturelle… structurent la vie sociale et la dominent. Et chez nous en Franc-maçonnerie, groupes « logés », groupes d’apprentis, ou de maîtres, collèges des officiers, etc. En fait, les groupes ont tout autant d’importance que les individus qui les composent, sinon plus puisqu’ils accompagnent le cheminement des individus que sont leurs membres. Plus globalement, ils fondent la société par leur rassemblement et leur côtoiement institué et organisé. Leur compréhension est donc une priorité.

A notre niveau, il existe toutefois un préalable à l’approfondissement d’un tel projet : la Loge doit exprimer un besoin en ce sens, témoignant d’interrogations insatisfaites et de problèmes non résolus.  Avec son cortège de crises plurifactorielles imbriquées, notre époque semble pousser à cela et la FM ne va pas y échapper. Nous suivrons ici un conseil donné en introduction de ce projet de livre blanc. L’énonciation de valeurs et visées sont indispensables en préliminaire à toutes actions constructives et durables, à la condition d’être réellement concrètes. Les grandes idées, les grands discours sur la solidarité, la citoyenneté ou l’humanisme sont vains si nous ne regardons pas précisément ce qui se fait et ne se fait pas au sein de notre communauté et ce qui de bon sens pourrait exister.

Ce sont les groupes qui par leur force et leur influence sur les individus et sur la société sont les acteurs majeurs à la manœuvre. En loge, il nous faut mieux comprendre nos principes de fonctionnement dans le cadre des mythes et réalités socio-historiques qui nous mobilisent, des règles institutionnels et organisationnels qui régissent nos rencontres et travaux, et enfin des dynamiques individuelles et pulsionnelles qui animent nos groupes. Au lieu de nous perdre dans un travail sur l’éthique personnelle du franc-maçon idéal, nous aurions plutôt intérêt à nous demander comment des leaders animent nos loges et nos groupes, comment d’autres viennent en déranger ou stimuler leur avancée et enfin comment les individualités SS et FF se positionnent et agissent à la suite.

Toute association, toute entreprise ou tout regroupement institué et organisé a ses personnalités et leurs alliances qui l’activent en jouant sur ses réussites, échecs, mythes, rituels et conflits. Concrètement, pour notre loge, il ne s’agira pas de juger de la pertinence ou non de ce qui existe, de cibler des événements particuliers, de nommer des personnes, de dicter des conduites ou programmer des réorganisations. Ce seront plutôt des éclairages généraux tirées d’observations de la recherche en sciences humaines. A la suite, chacune, chacun, en son âme et conscience, pourra en connaissance de cause se déterminer face à ce que nos existences impliquent de complexe alors qu’avec force, nous souhaitons être des citoyens, solidaires, responsables et humanistes

Nous avons le choix. Nous pouvons nous en passer mais aussi aller voir ce qui pourrait nous rendre service et y prendre ce dont nous avons besoin.  Trois planches abonderaient les différents niveaux : 1- Les aspects idéels et objectaux qui sont à l’origine des institutions et de ses actions, 2- Les aspects institutionnels et organisationnels qui permettent ou freinent les mises en œuvre, 3- Les aspects groupaux et individuels qui par leurs particularités viennent colorer chaque organisation et apportent originalité à son fonctionnement, à ses actions et à ses résultats.

Mais est-on sûr que nous voulons cela, car il nous faudra aussi lâcher ce que nous savons et rassure ? Est-on sûr aussi que notre institution souhaite cela car son but est sa survie dans la reconduction de ses principes et fonctionnements ? Bien souvent, elles n’osent se regarder marcher de peur de devoir reconnaître qu’elles boitent alors qu’elles se croient vaillantes et sans défaut. Nous savons bien en FM que le triangle est la figure de la réussite : penser l’individu et la société sans penser le groupe que les intermédiatisent, c’est oublier l’importance du trépied qui assure la vraie connaissance.

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