Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

Comment lutter contre une perte de souveraineté industrielle qui affecte la cohésion sociale ?

Respectable Loge, Les Réformateurs Unis, Orient de La Garenne-Colombes, Région 7 Ile de France

Mots Clefs : Souveraineté industrielle

Constats et problématiques

Depuis quelques années, le thème de la souveraineté industrielle est passé du statut d’état de fait (et de lamentation) à un sujet de débats, parfois virulents. L’« affaire » Alstom, lors du quinquennat précédent, avait déjà suscité de fortes critiques et des questionnements quant à la perte de notre filière nucléaire, ici les turbines. Mais c’est surtout l’épisode, toujours en cours, de l’épidémie de la Covid-19, et les disfonctionnements de l’industrie (production de masques & labo pharmaceutiques), qui a remis cette question sur le devant de la scène, et brutalement. La question de la souveraineté industrielle est complexe, tant dans ses causes que dans ses conséquences, et les pistes de solutions sont nombreuses. Le but du présent document est donc de synthétiser les apports des Frères de la loge « Les Réformateurs Unis ». Nous tenterons de décortiquer cette question, d’y apporter des éclaircissements et des possibles solutions.

État des réflexions

Une première approche de la question est celle de la géopolitique, à savoir la place de la France sur l’échiquier mondial. La puissance industrielle du pays et son contrôle définissent ce que l’on nomme, justement, la souveraineté industrielle. L’idéal-type d’une nation parfaitement souveraine à ce sujet serait évidemment la production, au sein du territoire, de toutes les marchandises et services disponibles, ce qui est évidemment impossible. Et c’est pour cela que les Etats choisissent, arbitrent, influent entre ce qui doit rester dans leurs girons et ce qui peut (nous ne disons pas ce qui doit) être « externalisé ». Le problème immédiat devient celui du « curseur », qu’est-ce qu’un pays peut « lâcher » ou non, selon ses objectifs politiques et industriels. L’indépendance énergétique, l’indépendance concernant l’approvisionnement des médicaments et des matériels médicaux par exemple, ont un coût, mais ce dernier peut parfaitement être accepté par la collectivité et même revendiqué, au nom justement de la souveraineté. Cette cible est toutefois difficile à atteindre, et les décideurs publics, si toutefois ils ont cet objectif, peuvent rencontrer nombre d’obstacles. Le principal est l’environnement économique même, la globalisation. Plusieurs entreprises, et parmi elles celles opérant dans ce que l’on appelle les secteurs stratégiques, sont transnationales, et baignent dans la mondialisation. Les rapatrier a donc non seulement un coût, mais surtout engendre des difficultés politiques, et le rapport de forces entre Etats fait alors son apparition. Cependant, les pays souhaitant contrôler une filière d’importance doivent passer par cette étape.

Toutefois, ce premier paragraphe, bien qu’il traitât d’une question importante, la perte de souveraineté industrielle, ne nous a pas encore permis d’analyser ses conséquences, et en particulier celles sur le corps social. Le principal problème, celui qui vient immédiatement à l’esprit et qui est si l’on veut « mécanique » est celui du chômage : une entreprise qui délocalise fait, par construction, perdre des emplois en France (effet direct). Mais un autre effet, plus diffus et plus « psychologique », plus destructeur au niveau politique aussi, est celui de l’acceptation par les populations de cet état de fait, acception qui mène parfois à la colère. Ces réactions épidermiques sont bien souvent locales, entreprises par entreprises, mais elles marquent durablement. D’autant plus que ces faits sont souvent fortement médiatisés, et créent une empathie dans le pays. L’effet d’entraînement sur la cohésion sociale peut parfois s’emballer. Et ceci n’est pas l’exclusivité des entreprises « sur le départ ». L’exemple des industries produisant les masques et les gels hydroalcooliques, inexistantes sur le territoire national pendant le premier épisode de l’épidémie, a fait réagir, en bloc, nombre de citoyens, avec cette question toute simple : « Pourquoi n’avons-nous pas ces centres de production, ici, en France ? ». Question simple, réponse compliquée.

Un point d’importance toutefois, supposant même que l’objectif des décideurs publics est bien de « relocaliser » : très bien, mais quel type d’entreprise ? Souhaitons-nous réintroduire sur le territoire Français des industries polluantes par exemple ? Bien sûr que non, et là entre en scène l’enjeu majeur de notre temps : l’impératif écologique. Car la souveraineté industrielle est certes importante, mais cette dernière doit prendre en compte les enjeux écologiques, la finitude de notre planète : lorsque tel ou tel secteur est qualifié de stratégique et que l’Etat souhaite le contrôler, directement (secteur public) ou indirectement (secteur privé, mais sur sol national), il doit également réfléchir à comment produire. Prenons l’exemple de l’énergie : entre une centrale à charbon et des éoliennes, il y a une marge, et pourtant l’objectif est le même, détenir ou sauvegarder une souveraineté énergétique. Le coût carbone est un autre exemple de métrique importante, qui doit être pris en compte. Tout ceci est une question de survie pour les générations futures, et le choix des industries en jeu doit impérativement prendre en compte les impératifs écologiques.

Il importe également de se poser la question de l’échelle d’une possible relocalisation : la France a-t-elle encore les moyens de toucher à cet objectif de souveraineté ? Combien de pays ont réellement la capacité de faire exécuter leurs décisions ? Doit-on utiliser l’échelon supérieur, à savoir l’Union Européenne, qui aurait une force de frappe suffisante ? Dans ce cas nous devons faire avancer l’idée d’une souveraineté européenne, doublée d’une citoyenneté européenne. Car sans cela, cet échelon ne conduirait pas à une souveraineté industrielle véritable, mais plutôt à des alliances industrielles, ce qui n’est pas du tout la même chose, beaucoup plus fragile. Un exemple que nous ne pouvons pas passer sous silence au sujet de ces grandes idées stratégiques au niveau européen, et qui n’a pas de rapport avec la délocalisation mais plutôt avec une volonté politico-industrielle, est celle des entreprises de hautes technologies : l’Europe sera-t-elle capable de créer ses propres entreprises dans ce secteur ? Ceci serait de la grande politique, et serait un véritable acte, fort, de souveraineté industrielle, tout comme la chine l’a fait avec les BATX, concurrent direct des GAFAM.

Une autre idée serait, à l’autre bout du spectre, d’associer et faire contribuer les échelons locaux (régions, départements) à cette volonté de relocalisation, pensons toutefois à la péréquation dans ce cas.

Propositions de solutions

Pour conclure cette synthèse, après l’analyse des différentes « voies », venons-en à un résumé des possible solutions pour regagner notre souveraineté industrielle :

  • 1/ Un plan de financement massif et ciblé au profit des énergies renouvelables. Ce qui nécessiterait également une prise en compte plus stricte du coût carbone ainsi que de possibles externalités.
  • 2/ Une législation plus « intrusive » et regardante concernant les objectifs des entreprises au regard des contraintes écologiques.
  • 3/ Une défense accrue, notamment via la voie législative et réglementaire, à propos des possibles dépeçages et « prises de guerre » d’entreprises concurrentes et/ou d’Etats.
  • 4/ Une « remontée » au niveau européen, pour organiser une force de frappe et un rapport de force suffisants.
  • 5/ Une hausse des barrières douanières, sélectives pour les secteurs dit stratégiques.
  • 6/ Un contrôle accru par l’Etat (ou les états au niveau européen) des secteurs stratégiques, en particulier l’énergie et les nouvelles entreprises technologiques.

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