Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

La parole perdue de la Science

Respectable Loge, Concorde et Montesquieu, Orient de Bordeaux, Région 16 Sud-Ouest

Mots Clefs : Mauvaise-SciencePublications scientifiques

La fiabilité et la parole scientifiques ont été mises en doute lors du confinement

Durant le confinement dû à la pandémie provenant de l’infection virale par le SARS-Cov-2, nous avons vu que les travaux des scientifiques étaient mis en doute par la population, qui préférait suivre une vision plus simpliste et plus optimiste. Etienne Klein dit : « nous pensons que les idées que nous aimons sont plus vraies que les autres » ; mais nous Francs-Maçons recherchons la vérité et nous n’admettons aucune entrave. La discussion, les débats scientifiques sont indispensables au progrès de la science, mais celle-ci est initiatique et progressive et de ce fait les débats contradictoires dans le monde profane peuvent amener à un certain doute sur la science. Il y a de ce fait un amalgame dans la société entre résultats issus d’un raisonnement scientifique et croyance, ce qui peut amener à une défiance vis à vis de la science et de la médecine et au final engendrer des problèmes de santé publique comme le refus de la vaccination de manière générale.

La parole scientifique a perdu sa crédibilité suite à la course aux publications, ainsi qu’à cause de la diminution des politiques publiques

La mission première des organismes scientifiques en particulier en Recherche fondamentale est d’élaborer de la connaissance et par la suite de la diffuser. Ces savoirs doivent répondre à une charte de la déontologie de la Recherche, en particulier dégagés de tout conflit d’intérêt, ainsi qu’être évalués par les pairs. Pendant la pandémie, le débat sur l’hydroxychloroquine a été révélateur de certaines confusions et dysfonctionnements.

-la première confusion, consiste à prendre des ‘pré-prints’ (articles soumis pour publication) pour des articles publiés qui ont été expertisés par les pairs. La majorité des descriptions concernant l’hydroxychloroquine étaient des ébauches d’articles diffusées sur internet sans critiques.

-2ème confusion : mélange entre la sphère scientifico-médicale et la sphère politique. L’absorption d’hydroxychloroquine dans le cadre de la lutte contre le SARS-CoV-2 est fortement soutenue en France majoritairement par des membres de partis extrémistes, au Brésil par Bolsonaro et aux USA par les convictions de Trump ainsi que par ceux soutenant le technosolutionisme comme Elon Musk. Dans la majorité de ces cas, ce sont des personnes qui militent pour la diminution des politiques publiques. Dans ces prises de positions, la science ou la médecine ne sont plus prises en compte, ce sont les croyances et les convictions qui prédominent. De plus, des think-thanks pseudo scientifiques associés avec des néo-conservateurs religieux, militant pour la liberté de prescription, servent de relais en présentant des données erronées sur l’hydroxychloroquine, telle (Association of American Physicians and Surgeons). Celle-ci avait auparavant émis que le SIDA n’était pas causé par le VIH, les vaccins entraînent l’autisme, l’avortement : le cancer du sein etc….

-3ème confusion, via les publications académiques, cas du ‘Lancetgate’ où une étude bâclée menée à la va vite utilise des données falsifiées montre l’inefficacité de l’hydroxychloroquine et est publiée dans la prestigieuse revue de recherche médicale britannique : The Lancet. Après polémique, l’article publié le 22 Mai 2020 est retiré de la publication le 4 Juin (doi: 10.1016/S0140-6736(20)31180-6). Suivie de peu par le New England Journal of Medicine (DOI : 10.1056/NEJMoa2007621), qui a lui aussi publié une étude par la suite retirée, dont l’auteur principal était à nouveau comme dans le précédent : Mandeep Mehra, de la prestigieuse Harvard Medical School. Ces revues particulièrement exigeantes avec des taux d’acceptation particulièrement faibles habituellement n’ont pas ou mal utilisé l’évaluation de l’article par les pairs. Les conséquences de ces déboires sont une perte de crédibilité de la Science, qui de ce fait laisse la place à la croyance et aux para-sciences. Ainsi, par exemple, cela peut contribuer au comportement anti-vaccins des français ; selon plusieurs sondages effectués durant l’été 2020, environ un tiers des français refuserait le vaccin contre le SARS-CoV-2 s’il était disponible.

Pour quelles raisons cette « mauvaise science » a été particulièrement diffusée durant cette période ?

Les chercheurs aujourd’hui sont plutôt des managers de le Recherche. Ils sont majoritairement recrutés non-plus sur leurs qualités scientifiques, mais sur leur capacité à lever des fonds. Ainsi, ils ont besoin de faire fructifier leur capital réputationnel pour être financés (h-index, g-index, nombre d’articles publiés dans des revues à haut facteur d’impact, obtention de contrats avec affichage des sommes allouées, participation dans des réseaux internationaux, …). De leur côté, les journaux scientifiques appartiennent à peu d’éditeurs et ont des activités extrêmement rentables, puisque l’éditeur vend l’abonnement au journal et de plus les auteurs payent pour être publiés. La grande partie du travail de révision par les pairs, étant effectuée de manière bénévole pour la revue. Ces revues doivent également gérer un capital réputationnel, ce qui les pousse souvent à être sélectives, mais parfois à publier des articles présentant des résultats litigieux, mais ayant des titres aguicheurs.

Il existe également des revues dites prédatrices, qui sont des journaux prêts à publier sciemment, pratiquement n’importe quoi avec peu (ou pas) de révision par les pairs. C’est un système corrompu qui se met alors en place : un article rapporte environ 8000 € à l’éditeur, et les auteurs en payant pour publier vont faire accroître leur réputation de bibliométrie et de ce fait vont rapporter des points SIGAPS à leur service hospitalier. Une telle dérive a amené par exemple en 2020, le fait que des chercheurs soient amenés à publier un faux article scientifique sur le rôle de l’hydroxychloroquine par rapport aux accidents de trottinettes (DOI : 10.9734/AJMAH/2020/v18i930232). Citant un article très controversé de la même revue DOI : 10.9734/AJMAH/2020/v18i730224 par rapport à l’action d’un traitement contre la Covid-19, un ancien ministre de la santé défendait ces travaux en argumentant : « une étude qui fera date, sera publiée dans un grand journal de référence internationale ».

Enfin, la diffusion de l’information médico-scientifique dans les media est délicate, car les journalistes scientifiques sont peu présents au sein des rédactions, entraînant de ce fait une interaction médiocre entre la sphère scientifique et la sphère médiatique. De ce fait, ce sont des ‘experts’ qui vont apporter du crédit dans les media et souvent ils sont dans la droite ligne du consentement par rapport à des mesures déjà prises.

Pertinence et qualité de l’information médico-scientifique au détriment de la tyrannie des indicateurs

Les politiques ‘d’excellence de la Recherche’ mises en place depuis une quinzaine d’années, engendrent une course effrénée à la publication, avec parfois une diminution de la qualité et de l’intégrité scientifique. Même si la fraude scientifique a de tout temps existé, depuis 1975, le taux de rétractation d’articles pour fraude a été multiplié par 10. Jusqu’à présent, les scientifiques français étaient assez à l’écart de ces fraudes, mais les récentes affaires Anne Peyroche et Olivier Voynnet poursuivis pour résultats falsifiés, montrent que notre système de Recherche français serait également atteint. La précarité des jeunes-chercheurs s’intensifie et les financements existant des laboratoires sont presque exclusivement sur appels-d ‘offres par rapport à des financements récurrents et de ce fait peuvent expliquer au moins en partie cela. De plus leur propre salaire peut être intégré dans ces financements sur projets. Les taux d’acceptations de financements sur projets peuvent être très bas (inférieurs à 10%), donc les chercheurs ne font plus de recherche, sauf des moyens financiers et donc ne participent plus de manière suivie aux travaux expérimentaux ; de ce fait laissent des doctorants et/ou post-doctorant livrés à eux-mêmes, donc problème de la qualité des travaux.

Il faut donc rétablir des financements récurrents pour les laboratoires en fonction de leur composition et les financements sur projets doivent être un bonus. Afin de combattre la précarité qui peut favoriser la fraude ou les études bâclées, il n’est pas du tout souhaitable de mettre en place ‘les chaires de Professeurs juniors=Tenure track’ du projet « loi de programmation pluriannuelle de la recherche » actuellement étudié au parlement, car ces personnes resteraient en CDD avec une période incertaine jusqu’à environ 35 ans, et ceci dans une société où pratiquement seuls les titulaires de CDI arrivent à s’insérer dans la société (prêts bancaires, ,,,,,)

-Il serait souhaitable que nos dirigeants issus de la haute fonction publique aient une formation à la Recherche par la Recherche. En effet, la grande majorité du personnel politique sort de grandes-écoles où la Recherche est quasiment absente. Nous avons remarqué que le taux de mortalité par million d’habitant était 4 fois plus faible en Allemagne par rapport à la France. Ceci peut s’expliquer par le fait que l’Allemagne avait des tests et des réactifs de détection virale dès le début de la pandémie, certains notent que le fait qu’Angela Merkel possède un Doctorat de physique n’y serait pas étranger, car elle sait lire des courbes de données expérimentales et de ce fait : anticiper.

-La course aux publications a également un impact sur le financement des Centres Hospitaliers Universitaires (CHU), depuis 2007 via la mise en place du système ‘Système d’Interrogation de Gestion, d’Analyse des Publications Scientifiques’ (SIGAPS). En effet, les publications scientifiques élaborées au sein du CHU donnent des points SIGAPS et suivant le nombre de points obtenus, une somme est allouée à l’établissement pour 4 ans : Missions d’Enseignement, de Recherche, de Référence et d’Innovation (MERRI). De ce fait pour accroître les points SIGAPS, les chercheurs vont être tentés de publier des petits-articles avec un intérêt scientifique moyen, dans des micro-revues ayant de petits facteurs d’impact. C’est une conséquence quantitative au détriment du qualitatif.

Il faudrait donc stopper la relation entre les publications du CHU et certains moyens alloués et de ce fait éviter des conflits d’intérêts qui diminuent la qualité des publications.

-Il serait souhaitable de développer le journalisme scientifique, afin de pouvoir faire le lien entre les scientifiques et les media et développer un regard critique sur les travaux présentés, or la science nécessite un temps de réflexion toujours trop long pour les media, ainsi qu’une certaine humilité.

Propositions ou idées issues de la réflexion à mettre en exergue

-Ne transmettre au grand-public que des informations scientifiques ayant été évaluées par les pairs et refuser la libre-publication des articles scientifiques sans révision. -Formation de journalistes scientifiques spécialisés dans la vulgarisation de la science
-Formation de nos dirigeants à la Recherche par la Recherche
-Eviter de soumettre les chercheurs à la fraude scientifique, à cause de contraintes de temps et de budgets. -Retour au système « lecteur-payeur » par rapport à « l’auteur-payeur »

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